Sartre avait raison !

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Tous les personnages de ce recueil peuvent aussi bien être un homme, une femme ou un.e autre. 


Je ne parle pas aussi bien que vous.
Je n'ai pas une aussi bonne diction que vous.
Je ne parlerai jamais aussi bien que vous.
Je ne peux pas parler aussi bien que vous.
Je ne veux pas parler aussi bien que vous.
Je n'écris pas aussi bien que vous.
Je ne fais pas des phrases comme vous.
Je ne suis pas construit.e pareil que vous.
Je ne suis pas issu.e pareil que vous.
Je ne lis pas les mêmes choses que vous.
Je ne pleure pas pareil que vous.
Je ne rigole pas pareil que vous.
Je ne ris pas comme vous.
Je ne mange pas comme vous.
Je ne dors pas comme vous.
Je ne baise pas comme vous.
Je ne suce pas comme vous.
Je ne me fais pas enculer comme vous.
Je ne me doigte pas comme vous.
Je ne me branle pas comme vous.
Je ne me fais pas prendre comme vous.
Je ne me marie pas comme vous.
Je ne tombe pas enceinte comme vous.
Je n'accouche pas comme vous.
Je n'élève pas mes enfants comme vous.
Je ne me protège pas comme vous.
Je ne me lave pas comme vous.
Je n'utilise pas les mêmes produits que vous.
Je ne mange pas les mêmes choses que vous.
Je n'ai pas une aussi belle peau que vous.
Je ne fume pas comme vous.
Je ne me drogue pas comme vous.
Je ne m'hydrate pas comme vous.
Je ne m'habille pas comme vous.
Je ne me gratte pas comme vous.
Je ne m'enlève pas mes croûtes comme vous.
Je ne chie pas comme vous.
Je ne bouffe pas les merdes de mon nez comme vous.
Je ne jardine pas comme vous.
Je ne jardine pas, en fait.
Je ne dévore pas la terre comme vous.
Je n'enterre pas les mêmes choses que vous.
Je ne promène pas mon chien comme vous.
Je ne suis pas aussi propre que vous.
Je ne fais pas semblant d'être aussi malade que vous.
Je n'ai pas les mêmes cancers que vous.
Je ne crève pas comme vous.
Je n'ai pas les mêmes relations que vous.
Je n'ai pas les mêmes fréquentations que vous.
Je n'ai pas les mêmes habitudes que vous.
Je ne prends pas le métro comme vous.
Je ne conduis pas comme vous.
Je ne vais pas dans les mêmes restaurants que vous.
Je ne suis pas la même personne que vous.
Je ne commande pas la même chose que vous.
Je ne vais pas dans les mêmes boutiques que vous.
Je ne sais pas vous dire à quel point je vous emmerde.
Je ne sais pas comment vous dire d'aller vous faire foutre.
Je ne sais pas comment montrer que je n'en ai que faire.
Je ne sais pas quoi faire d'autre que vous montrer mon sexe.
Je ne sais pas quoi faire d'autre pour vous provoquer.
Parce que je sais quand même parler.
Parce que je sais quand même dire des mots.
Parce que je sais quand même écrire.
Parce que je sais quand même construire des putains de phrases.
Parce que je rigole vraiment.
Parce que j'aime la bonne bouffe.
Parce que j'aime la bonne chair.
Parce que j'aime les grosses bites.
Parce que j'aime les chattes trempées.
Parce que j'aime me faire bien prendre.
Parce que j'aime me faire sodomiser bien profond.
Parce que je n'aime pas les capotes.
Parce que j'aime fumer pendant que j'attends mon gosse.
Parce que j'aime me laver avec le pommeau au fond de la chatte/du cul.

Parce que je n'ai pas de fric pour ces crèmes hydratantes.
Parce que j'aime les bonnes Gauloises sans filtre.
Parce que j'aime la bonne coke après le whisky.
Parce que j'aime couler un bon bronze après le McDo.
Parce que j'aime la fin d'un rhume quand c'est bien visqueux.
Parce que je ne fais pas le malade imaginaire.
Parce que j'aime enterrer les rats de mon quartier.
Parce que je ramasse les grosses merdes de mon chien.
Parce que je suis en rémission depuis bientôt vingt-cinq ans.
Parce que je suis en rémission depuis que je suis né.e.
Parce que j'aime bien dépanner mes amis.
Parce que je veux dépanner mes amis en avalant tous leurs organes.
Parce que je veux les dépanner en léchant tous leurs orgasmes.
Parce que je me tiens à la barre du métro sans mouchoir dessus.
Parce que je m'arrête pas aux mêmes arrêts que vous.
Parce que je change pas d'habits tous les jours.
Parce que je bouffe de la merde.
Parce que j'ai pas les tunes pour commander.
Ouais, je sais pas quoi faire d'autre que vous dire que je suis à poil.
Seul.e et à poil.
Complètement nu.e avec ma nudité.
Parce que j'en suis réduit.e à faire la pute.
C'est ce que vous attendiez tous.
Voir que vous valez mieux que moi.
Ça vous rassure de voir qu'au final vous êtes pas vraiment la merde que vous pensiez être.
Qu'il y a une merde pire que vous.
Cette merde à laquelle vous pensez elle est humaine.
Ces merdes que vous croisez tous les jours dans la rue ils vous voient aussi.
Vous avez peur de ces merdes mais on a peur de vous aussi.
On a peur que vous nous écrasiez.
On est en guerre les uns contre les autres.
On ne sait plus comment faire pour s'entendre.
Alors qu'on a tous la même gueule.
Alors qu'on baise tous.
Alors qu'on chie tous pareil.
Alors qu'on se cure tous les oreilles.
Alors qu'on s'habille tous.
Alors qu'on pisse tous.
Alors qu'on a tous besoin de tunes.
Alors qu'on a tous la même nudité.
Alors qu'on a tous la même pudeur.
Alors qu'on a tous besoin de se faire aimer.
Alors qu'on a tous besoin d'un baiser pour se faire baiser.
Alors qu'on promène tous son chien.
Alors qu'on ramasse tous la merde de son chien.
Alors que la nuit on pense tous à demain.
Alors qu'on tente tous d'exister.
Alors qu'on voit tous les mêmes publicités.
Alors qu'on nous vend à tous les mêmes merdes.
Alors qu'on sue tous sous trente-cinq degrés.
Alors qu'on voit tous pareil.
Alors que la ligne 13 sur Paris nous fait tous bien chier.
Alors qu'on a tous peur du même ennemi.
Alors qu'on marche tous sur le même goudron.
Alors qu'on fume tous de la même façon.
Alors qu'on mange tous avec notre bouche.
Alors qu'on pleure tous pareil.
Alors qu'on dort tous avec les yeux fermés.
Alors qu'on va tous crever.
Alors qu'on voit tous la même chose à la télé.
Alors qu'on a tous la rage.
On a tous la rage de vivre.
Parfois de crever.
Mais quand même.
L'enfer c'est plus les autres.
L'enfer, c'est même pas soi-même.
L'enfer ça ne doit plus être le collectif.
Le collectif face à l'individualisme.
L'enfer c'est la construction.
La construction qui a été construite.
La construction qui nous demande performance.
La construction qui nous demande l'annihilation.
L'annihilation des émotions, du moi profond.
De la profondeur de moi-même.
Du moi-même dans la profondeur de l'Etre.
L'Etre intérieur qui pourrait être extérieur.
Mais qui est extérieurement refusé.
Refusé par la construction.
Ce qui change c'est pas les autres.
C'est la façon que font les autres.
On ne FONCTIONNE pas tous de la même FAÇON.
Il n'y a pas d'enfer.
On nous le constitue dans la gueule.
Et c'est dans tous les cas.
Toujours un peu la faute des autres.

Mais je ne suis quand même pas pareil que vous.

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