Opération "Child head" (nouvelle de science-fiction)

39 3 26
                                    

_Luna ROOV, numéro 1867.

          Je sursaute en entendant mon nom. Il était temps !

          Je me fraye tant bien que mal un chemin jusqu'à la voix, zigzagant parmi les centaines de jeunes impatients, qui attendent aussi dans la salle. Après de nombreuses excuses et quelques jeux de coudes, je parviens à atteindre la petite estrade de fortune où se trouve le Docteur Émeraude.

          Dès que celui-ci m'aperçoit, son regard fatigué par le rythme soutenu des examens, s'illumine et un sourire bienveillant naît aux coins de ses lèvres. Il me tend la main pour m'aider à monter et je le remercie d'un regard tandis qu'il m'entraîne vers l'une des cinq Salle d'Analyses mises en place par le Centre de Soins de ma ville.

_Entre Luna, je t'en pris. Dit-il. Comment vas-tu depuis la semaine dernière ?

_À vrai dire, pas vraiment mieux Docteur, c'est peut-être même pire en réalité. Répondis-je perplexe. J'ai de plus en plus de migraines, mon cœur me lance assez souvent, mes veines sont d'avantage visibles et ma fatigue ne fait qu'augmenter au fil des jours. Avez-vous une idée de ce qu'il m'arrive ?

          Sans répondre, le Docteur Émeraude fronce les sourcils, passe une main dans ses cheveux noirs déjà en bataille et m'invite à prendre place dans le Scann.

          Je m'exécute silencieusement en tentant de dénouer le nœud d'angoisse qui me serre le ventre.

          Le scann est une machine médicale inventée en l'an 2073. C'est un mélange entre un échographe, un radiographe et un scanner en beaucoup plus moderne et évolué. Les images sont en couleurs et apportent de nombreuses précisions supplémentaires. Contrairement à ceux de l'époque, les images sont plus nettes et précises mais ceux présents ici au Centre de Soins, sont différents. Ils permettent aux soignants d'avoir un accès supplémentaire aux systèmes nerveux et veineux  du patient, qui se dessinent sur le schéma du corps de ce dernier en un entremêlement de tuyaux désordonnés. Les veines artificielles se présentent en bleu, les autres en rouge.

           J'entre dans le fameux cylindre en verre teinté en inspirant profondément, je déteste plus que tout être enfermée dans cette machine.
          Sentant mon nœud d'angoisse me serrer l'estomac, je respire profondément comme me la conseillé le docteur. De toute façon, je n'ai aucune raison de m'inquiéter, le Docteur Émeraude a toujours su résoudre mes petits problèmes de santé depuis mon plus jeune âge.

          Tandis que des dizaines de petites sphères lumineuses tournoient autour de moi, je ferme les yeux jusqu'à entendre le bip sonore de l'appareil, m'indiquant que la machine a terminé ses analyses.

          Je bats des paupières, éblouie par la lumière encore forte du scann et me tourne vers la rangée d'Ordipus  - hologrammes tactiles commandables par la pensée -  où se tient Émeraude, accoudé à son fauteuil.

          L'image en direct de mon cœur artificiel apparaît sur l'écran et je retiens mon souffle. Le Docteur se penche vers l'hologramme et tape une série de données incompréhensibles sur son clavier, un crayon coincé derrière l'oreille.

          Intriguée, j'observe l'image en portant une main à ma poitrine. De toute ma vie, je n'ai jamais eu l'impression de ressentir mon cœur battre. Je n'ai jamais eu l'impression de le sentir vibrer, ou s'affoler dans ma poitrine.
          Je crois que je n'ai jamais ressenti d'émotions, je n'ai jamais eu peur de ma vie et je n'ai jamais eu la sensation d'avoir des papillons dans le ventre comme me le raconte souvent ma Grand-mère. Je n'ai jamais connu l'amour non plus...
          C'est comme-ci le fait que mon cœur ne soit pas "réel", ou du moins qu'il soit artificiel, m'enlevait toutes possibilités de ressentir ou d'éprouver des sentiments.

Opération "Child head"Où les histoires vivent. Découvrez maintenant