Chapitre 1

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Le soleil brûlait déjà les rues dans l'odeur âcre du macadam surchauffé, pourtant il n'était même pas huit heures du matin. Cela promettait des heures difficiles en cours de journée. Kira, jeune trentenaire aux cheveux bruns, mi-longs et aux yeux marron, poussa la porte de la Fondation Arianna Kirson et soupira d'aise en traversant le hall rafraîchi par l'air conditionné. Sam, l'agent d'accueil qui venait de prendre son poste derrière son comptoir, leva la tête à son arrivée et la salua d'un bonjour sonore avant de lui tendre quelques messages. Ancien champion de karaté, il en imposait toujours par sa haute et large stature. Malgré ses soixante ans, sa musculature encore impressionnante tendait le tissus de la chemisette de son uniforme. En attendant l'ascenseur, Kira jeta un bref coup d'œil sur les post-it qu'il venait de lui donner. Rien de bien intéressant, des rappels de rapports à terminer. Ce qui pouvait attendre était devenu urgent, ce qui était urgent était devenu très urgent. Elle n'aimait pas le travail de bureau et les nombreuses heures passées sur le terrain ne lui laissaient que trop peu de temps pour noircir du papier. Brian, son co-équipier, occupé à nettoyer ses armes, leva à peine la tête à son arrivée. Dans le service on l'avait surnommé Robocop mais personne n'aurait osé le lui dire en face. Son frère, Max, était comme à son habitude en train de pianoter comme un fou sur son ordinateur.

— Quoi de neuf ? demanda Kira en jetant ses messages sur son bureau.

Brian leva vers elle ses yeux bleu acier. Il avait un visage aux traits bien dessinés et une coupe de cheveux quasi militaire. La carrure de sa mâchoire laissait supposer un caractère bien trempé. Il connaissait les ravages que son sourire pouvait exercer sur la gente féminine mais quand ce sourire n'atteignait pas ses yeux, il le rendait terriblement effrayant.

— Le patron veut nous voir, dit-il en se levant et en remettant son arme dans son holster de hanche.

Domenico Estéban faisait face à une grande baie vitrée, suivant du regard la circulation insensée, cinq étages plus bas, sur l'une des principales avenue de Los Angeles qui bordait l'immeuble Kirson. Il se retourna à leur entrée. Il avait l'air sombre mais l'ancien haut gradé de l'armée n'était pas ce qu'on pouvait appeler un homme naturellement jovial. La soixantaine bien conservée, les cheveux poivre et sel coupés en brosse, il ne pouvait cacher son passé de meneurs d'hommes.

Il ouvrit un mince dossier sur son bureau et le retourna vers ses deux enquêteurs. Ils virent la photo d'une adolescente souriante.

— Addison Wellington, dix-sept ans. Elle a disparu hier. Quand ses parents sont rentrés du travail vers vingt heures, ils ne l'ont pas trouvée chez eux. Il manque son sac de voyage, des vêtements, des affaires de toilette et mille dollars en espèces qu'ils conservaient dans un tiroir !

Brian et Kira échangèrent un regard.

— On soupçonne que quelqu'un l'a obligée à partir ? demanda Brian en s'étonnant que leur patron ne leur en dise pas plus.

— Aucunement, il semble s'agir d'une fugue, répondit Estéban, l'air mécontent.

— Alors, cela fait un peu tôt pour se lancer à sa recherche, remarqua Brian. Elle va dépenser l'argent de papa-maman en fiesta et rentrera chez elle la tête basse.

Kira s'empara du dossier et le feuilleta.

— Qu'est-ce qu'il y a là-dedans pour qu'on nous demande de rechercher une fugueuse avant que trois jours ne se soient écoulés ? La grande majorité de ces gamins rentrent dès le lendemain.

— Les Wellington sont des amis de Marina et Sean Kirson.

Un lourd silence tomba dans le bureau. Arianna, la petite fille de Marina et Sean Kirson avait été kidnappée trente ans plus tôt. Les Kirson avaient fait fortune dans le pétrole mais malgré leur immense richesse, aucune demande de rançon ne leur était jamais parvenue et Arianna n'avait jamais été retrouvée. Sean Kirson avait alors crée la fondation qui portait le nom de sa petite fille. Il avait débauché des policiers parmi les meilleurs, des informaticiens de génie, des juristes, des scientifiques et leur avait donné pour mission de rechercher les personnes disparues. La fondation, dotée de moyens colossaux, inondait les medias des photos d'enfants disparus. Des généticiens, des portraitistes et des informaticiens avaient mis au point les premiers logiciels permettant de vieillir les traits d'un visage. Après la découverte de l'ADN, Kirson avait fait rouvrir tous les vieux dossiers et avait ordonné la constitution d'une base de données génétiques de tous les disparus et de leur famille.

Blue noteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant