« Pluie nocturne »

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Nous nous retrouvons aujourd'hui pour le Jour 4 du Lockdown's Writing Challenge, et je pense que vous savez où est le thème. J'espère que ce One-shot vous plaira. ^^

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Kora regardait par la fenêtre. Il pleuvait, pas une pluie forte accompagnée d'un orage comme elle aimerait voir, mais non, juste une petite pluie régulière.
Mais Kora ne regardait pas la pluie, elle regardait le bâtiment d'en face. Le dortoir des garçons. Là où son frère était enfermé, en face du dortoir des filles, où elle-même était confinée pour la nuit.

Enzo lui manquait. En tant que jumeaux, ils partageaient tout, et avaient pu tout partager, tant qu'ils vivaient avec leurs parents. En internat, dans des dortoirs différents, et carrément dans des bâtiments différents, c'était... différent. Plus de batailles de polochons, plus de concours de celui-qui-survivrait-le-plus-longtemps-aux-chatouilles, plus rien. De plus, Kora ne pouvait même pas traverser la cour, parce qu'à cause de cette fiche pluie, cette maudite pluie, ses empreintes se verraient, et puis, elle ne voulait pas sortir sous la pluie. La jeune fille soupira. Dans quelques minutes à peine, elle devrait se coucher, sans même pouvoir rendre discrètement visite à son frère. Elle avait peur qu'à force, leur lien soit moins puissant, qu'ils s'éloignent. Cette pensée hantait la jumelle et lui faisait peur.

Ce que Kora ignorait, c'est que son frère, accoudé à la fenêtre de sa chambrée, avait presque les mêmes réflexions et était en proie aux mêmes tourments. Au moins était-ce rassurant de savoir qu'ils voulaient tous les deux conserver leur fraternelle amitié. Et, ignorant les babillages incessants de ses camarades, il songeait qu'il n'y aurait pas de visite de Kora ce soir. Il connaissait bien sa hantise pour la pluie. Et il n'irait pas dans le lieu sacré appelé "dortoir des filles" non plus. Sa sœur avait fini par lui refiler sa peur, et en échange, il lui avait remis la sienne, à savoir la crainte des grandes hauteurs.

Quelques secondes plus tard... Ils se retrouvaient sur le toit du pensionnat. La pluie avait cessé : on dirait même qu'il n'avait jamais plu, les tuiles étant entièrement sèches. La peur des hauteurs les condamnait à se tenir l'un l'autre, alors qu'il ne semblait y avoir aucune chance qu'ils tombent. Le long moment de crainte passé, ils se décalèrent, un peu gênés, vérifiant toutes les secondes qu'ils étaient bien ancrés au toit et qu'ils ne pouvaient pas tomber. Enfin, ils soupirèrent simultanément, se regardèrent et sourirent nerveusement. Ils ne savaient absolument pas comment débuter la conversation. C'était comme si passer une journée séparée les avait privés de leur naturel. Leurs yeux se perdant à regarder alentour, ils fixèrent le même clocher – celui qui sonnait les récréations – puis échangèrent un rapide regard, et surent qu'ils étaient d'accord. Quelques minutes plus tard, et ils étaient assis sur le clocher, les jambes pendant dans le vide, leur peur refoulée.

Ils purent enfin, comme libérés, parler du tout et du rien du monde, converser sur tous les sujets possibles et imaginables, ayant presque l'impression de se retrouver dans la ferme de leurs parents, heureux comme avant. Tout fut échangé cette nuit-là : les peurs, les joies, les amours, les secrets, tout. Plus aucun non-dit. Et cette sensation, une sensation de bonheur qu'ils avaient à chaque fois qu'ils étaient ensemble, et qui semblait amplifiée... Parfaite nuit.

Et, d'un coup, ou très lentement, ils ne s'en rappelaient plus, ce fut le noir. Ils leur sembla que, d'un coup d'un seul, ils se réveillèrent, au milieu de la pagaille de leurs dortoirs respectifs. Hagards, instinctivement, ils regardèrent autour d'eux dans l'espoir d'apercevoir leur frère jumeau. Mais c'était fini. Avaient-ils vécu un rêve ? Était-ce le fruit de leur imagination ou la réalité ? Il pleuvait encore. Mais un simple coup d'œil dans le réfectoire leur apprit que, mensonge ou non, ils l'avaient vu – vécu ? – tous les deux.

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Je sais que cet OS peut paraître un peu brouillon, mais c'est plutôt voulu. J'espère qu'il vous a plu.

Prenez soin de vous ♥

RecueilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant