Nouvelle - Poison

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POISON


Préface - à lire impérativement pour comprendre l'histoire ! : C'est une histoire que j'ai commencé à écrire il y a environ quatre ans. Elle a été changée, modifiée, réécrite pour que je puisse enfin vous la livrer aujourd'hui. J'ai voulu écrire cette histoire en réaction à ce symbole sexiste qu'est la femme fatale dans les productions des industries culturelles en construisant une histoire grotesque, affirmée et enveloppée d'une dérision souple et lucide, sans passer pour une nouvelle caricaturale. Mon intention, en effet, n'est aucunement dirigée vers un lectorat uniquement masculin ou un fantasme patriarcal, à contrario de ce que peut d'habitude être la femme fatale. Ici, mon intention a justement été de détourner toute cette genèse en construisant un portrait et une histoire comique aux rebondissements quasi inimaginables pour justement dénoncer ce symbole sexiste.


3 mars 2017 ; 20h

C'est ce rouge à lèvres là qu'il me faut. Un rouge foncé, mâte, dur et archaïque. Un rouge qui me rende à la fois animale comme féroce, brute comme élégante, délicieuse comme dangereuse. Et c'est cette robe là qu'il me faut. Noir de jais, ténébreuse, sombre. Ce soir, c'est soirée dans un bar de luxe juste à côté de Paris Pigalle. Hervé m'a invité. C'est un beau parti : à tout juste vingt-cinq ans, il a déjà hérité d'une belle fortune grâce à l'entreprise de multi-technologies de papa et maman. Il m'emmène souvent faire des voyages, des ballades dans son yacht et n'hésite pas à me satisfaire le plus possible en m'invitant à passer de somptueuses nuits dans les plus beaux hôtels cinq étoiles de la capitale. Il aime m'entretenir, et je me complais bien dans cette idée. Je me regarde dans la glace : je suis loin d'être déplaisante. Avec mes cheveux noirs bouclés, mon visage fin et mes yeux marron perçants, je glace la ville et réchauffe le cœur des messieurs. J'épuise mes conquêtes et me remplit d'eux. Et ce, à chaque fois. Eux m'aiment, moi j'en ris. Tomber amoureuse m'effraie ; aimer quelqu'un, c'est se résoudre à devenir dépendant, niais, idiot et pathétique. Banal. Je ne tomberai jamais dans ce panneau. Je ne suis pas comme toutes ces petites héroïnes de romans à l'eau de rose qui, au départ, sont soit toutes innocentes ou rebelles au cœur de pierre, pour à la fin du livre finir avec le quinze centimètres du premier venu dans la bouche en lui disant je t'aime pour la vie. Non. Je ne résume mon plaisir qu'au sexe et à l'argent. Je m'assure toujours que tout rentre dans les codes : je sélectionne un homme de vingt-cinq ans, brun, yeux verts, héritier de telle ou telle institution, qui fait chavirer la plénitude de tous les genres et passe pour un tombeur, alors qu'en réalité ce sont tous les autres qui le mènent en bateau. Aussi, je ne couche toujours qu'une seule fois avec eux, quand je sens que le moment est bien choisi, quand j'ai tout bien orchestré. C'est toujours eux. Je suis obligée, faite pour ça. J'en ai d'ailleurs déjà épuisé un bon nombre, et ce sans me faire payer par ces vautours généreux. J'ai un bon boulot dans un cabinet d'avocats que j'aime tout particulièrement et qui m'est bien utile aussi bien économiquement que socialement. Je n'ai pas non plus d'amis : que des connaissances avec lesquelles j'aime traîner de temps en temps, pas plus. Dès que la relation commence à devenir beaucoup trop intime, je coupe court. Directement. C'est la seule façon pour qu'ainsi je survive : la dépendance ne doit jamais être ma marque de fabrique. La seule dépendance que j'ai, c'est celle de la cigarette et du bon vin.

Je marche dans les rues de Paris : bars, hôtels du monde, restaurants chic, petits chemins mélancoliques ou déambulatoires et clubs me tendent les bras. Le 7e arrondissement. Hervé et moi avons rendez-vous au Galant, un petit bar bien famé qui concentre la majeure partie de l'Elite du Cac 40. Le beau Paris, la belle figure, la gueule bien faite. J'entre dans le bar : l'intérieur est tamisé, il y a bons nombres de fauteuils en velours, les verres à cocktail se mélangent aux délicieuses tensions sexuelles qui règnent sur les sièges et la musique, plutôt soft–jazzy, se mêle aux conversations environnantes qui laissent présager une nuit à l'hôtel des plus souples et cocasses dans quelques heures. Je ne sais pas où il m'attend, mais il est déjà là, je le sens. Ne voulant pas chercher plus longtemps, je m'assois au bar. Il me rejoindra. Environ quatre hommes, passionnés par leur troisième jambe et l'envie de me la faire voir cherchent mon regard lorsque j'appose mes fesses, bombées dans ma robe moulée, sur le siège en cuir en hauteur du bar. Le serveur vient directement à moi alors qu'un couple peu ragoûtant semble attendre depuis des heures leur petite bière. Je demande un verre de vin rouge, l'homme à côté de moi me le gracie généreusement. Je le remercie d'un signe de tête, me lève pour aller changer de place : hors de question que je lui fasse la discussion. Je suis à l'autre bout du bar. Quelqu'un me rejoint. C'est Hervé. J'ai hâte d'en finir.
- Serena ! Tu es... splendide.
- Merci Hervé. Tu es seul ?
- Avec un ou deux amis mais ne t'inquiète pas, ils vont bientôt partir.
- Je préférerai.
- Rejoins-nous, on est au fond du bar.

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 28, 2020 ⏰

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