É M I L I E N
Je crois que j'aurais préféré passer ma fin d'après-midi en face à face avec ma prof de science et son haleine de chacal plutôt que de devoir interroger des gens tout seul. J'avais toujours été quelqu'un de très timide, j'avais beaucoup de mal à accoster quelqu'un que je ne connaissais pas. Voilà pourquoi je m'étais empressé de répondre que je ne voulais pas qu'il me laisse.
J'avais un peu honte à présent, m'étant rendu compte que ma réponse pouvait prêter à confusion. J'étais gêné. Je n'avais jamais été très doué pour m'exprimer. Les relations humaines, ce n'étaient définitivement pas mon truc. Et je venais de m'apercevoir que malheureusement, cela faisait partie intégrante de la vie d'un journaliste. Voilà qui allait bien me compliquer la tâche.
— Salut Rémi, ça va ? demanda Colin à l'attention d'un grand type à la peau mate.
Je me reconnectai avec la réalité. Colin n'avait décidément pas perdu de temps. Je remontais mon regard vers son interlocuteur, qui arborait un grand sourire bienveillant.
— Ça va et toi mec ? lui répondit-il en le checkant, avant de m'adresser un signe de tête pour me saluer à mon tour.
Je murmurais un semblant de bonjour, embarrassé. Ce que je pouvais détester cette partie de moi timorée et craintive.
— Tranquille. Dis, on est à la recherche du voleur de portable, t'aurais des infos ? Ah au fait, je suis con j'ai oublié de faire les présentations. Rémi, je te présente Émilien.
Il hocha la tête, je fis de même. Je fus rassuré en constatant que ce n'était pas non plus un grand bavard.
— J'en ai entendu parler. Tu devrais aller voir Sarah, askip c'est elle qui a lancé la rumeur. Son portable se serait mystérieusement volatilisé.
— Cimer mec, tu gères.
Sur ce, Colin m'entraîna par le bras, en direction d'un groupe de fille assis quelques mètres plus loin sur un banc. Elles semblaient discuter très activement. J'avalais difficilement. Si j'avais déjà du mal à parler à une personne seule, je vous laisse imaginer mon malaise pour adresser la parole à tout un groupe.
— Sarah, c'est vrai que ton portable a été volé ? la questionna Colin en allant droit au but.
Les trois filles tournèrent la tête vers lui, et cessèrent leur conversation. La plus petite des trois passa une main dans sa chevelure crépue avant de lui répondre.
— Et les bonjours c'est pour les chiens ?
— Pardon, j'avais zappé. Salut Sarah, tu vas bien ?
— Salut Colin. Ça va très bien, merci. C'est qui lui ? demanda-t-elle en me pointant du doigt.
Tous les regards se rivèrent vers moi. Je rougis, gêné. Je détestais être au centre de l'attention.
— Lui, c'est Émilien. Il a rejoint le club il n'y a pas longtemps.
— Il est mignon.
Je rougis de plus belle. Elle était beaucoup trop désinvolte.
— Oui, mais c'est pas le sujet. C'est vrai que tu t'es faite voler ton portable ?
J'écarquillais les yeux, de plus en plus rouge. Je ne m'attendais pas à ce qu'il confirme ses propos. Je sentis les battements de mon coeur s'accélérer, presque imperceptiblement.
— Oui. Il y a deux jours. J'avais laissé mon sac de sport dans les vestiaires, et je suis sûre que mon Iphone y était avant que je revienne. Lorsque j'ai retrouvé mon sac à la fin de la séance, il n'y était plus. Tu vas en faire un article ?
— Peut-être bien, oui.
— Bonne chance, j'espère que tu mettras la main dessus. Parce que mon Iphone m'a quand même coûté la peau des fesses, si tu savais le nombre de gosses que j'ai du garder pour atteindre cette somme... se plaignit-elle en soupirant. Sinon, c'est vrai que tu as largué Noé ?
— Ah, toi aussi, t'es au courant ? Ça me fait chier qu'il ait rendu ça public... souffla-t-il, visiblement mal à l'aise. Mais oui, c'est vrai. Je ne ressentais plus rien pour lui, et puis de toute façon, on ne se voyait quasiment plus.
Je levais un regard interloqué vers lui. Ça avait l'air d'être un sujet sensible, aussi décidais-je de ne pas chercher à en savoir davantage.
— Merci du tuyau Sarah, je te revaudrai ça, finit-il en commençant à s'en aller.
— J'espère bien ! lui cria cette dernière avant de reprendre la conversation avec ses deux amies.
Alors comme ça, Colin était gay. À moins qu'il ne soit bisexuel. Je ne savais pas. En fait, je ne savais même pas pourquoi cette information avait retenu mon attention. Je me fichais pas mal de son orientation sexuelle, il aimait qui il voulait, ce n'était pas mes affaires.
Après cet échange, Colin et moi avons enchaîné les interrogatoires. Il ne me laissait pas une minute de répit. Je le soupçonnais d'ailleurs d'aller si vite pour ne pas avoir à développer sur ce qui s'était passé avec Noé. Repenser à lui avait eu l'air de l'embarrasser.
Enfin, parler à tout ce monde ne nous avait pas beaucoup aidé. Il y avait pas mal d'écho sur ce voleur, allez savoir lesquelles étaient vraies et lesquelles ne l'étaient pas. N'empêche, il fallait avouer que certains étaient très créatifs pour créer des rumeurs. Celle-ci m'avait d'ailleurs bien fait rire -intérieurement-: "c'est un prof de physique-chimie qui ferait des expériences sur les ondes magnétiques à partir de nos téléphones portables". N'importe quoi.
Néanmoins, bien que l'on n'ait pas obtenu d'indice quant à l'identité du voleur, on avait au moins pu confirmer qu'il existait bel et bien. Cette Sarah avait l'air sûr d'elle lorsqu'elle avait prétendu s'être faite voler son précieux Iphone et je ne la soupçonnais pas de mentir.
Dix-huit heures sonna plus vite que prévu. Je ne m'attendais pas à ce que le temps passe si rapidement. Il fallait dire que Colin ne m'avait pas laissé souffler. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on ne s'ennuyait pas avec lui. J'avais rarement été aussi peu saoulé de passer du temps avec quelqu'un.
— Bon, demain c'est mercredi... Tu finis à quelle heure ? me demanda-t-il à la sortie du lycée.
— Midi vingt. Et toi ?
— Pareil. J'ai eu une idée tout à l'heure pour nous aider à progresser dans nos recherches. Je t'en parlerai demain. Rendez-vous au self pour en discuter ! s'exclama-t-il avec un grand sourire avant de courir pour rattraper son bus qui venait de démarrer.
Je le regardais s'éloigner, songeur. Ce n'était que lorsque mon père me dévisagea en entrant dans la voiture que je me rendis compte qu'un petit sourire flottait sur mes lèvres. Je m'empressais de reprendre une expression neutre et de tourner mon visage vers la fenêtre, tentant de camoufler les rougeurs qui venaient de se loger sur mes joues.
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Les apprentis détectives
Teen FictionColin est le créateur du club de journalisme de son lycée. Il est du genre fouineur, espiègle et excentrique, il aime fouiller dans les affaires des autres pour écrire les meilleurs articles possibles. Il est prêt à tout pour son journal, quitte à s...