La tragédie de Marie

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Je n'avais jamais été une grande fan de romans fantastiques, pas plus qu'une rêveuse. Jusqu'à il y a peu, ma vie se résumait à ce que je voyais, sentais, entendais, fréquentais...

Enfant je ne me suis jamais créé de monde imaginaire comme le font beaucoup, je ne croyais en rien qui soit suceptible de sortir de ma réalité bien tangible. J'avais quelques copains, pas de vrais amis toutefois, c'était beaucoup de garçons, une ou deux filles aussi, mais elles étaient comme moi. Je ne m'encombrait pas de franfreluches comme le font certaines, j'étais nature et assez froide dans mes relations. Je ne sais pas bien pourquoi. Mes meilleurs amis étaient les barres assymétriques de la salle de gym et mon ballon de volley. Je n'ai en revanche que peu de souvenirs de ceux qui m'entouraient, pas même leurs noms.

J'ai eu huit ans et ma vie a commencé à un poil changer, si peu qu'au début je ne m'en rendais pas compte, et même aprés j'en ai été flattée pendant un certain temps.

A huit ans donc, ma grand-mère a commencé à me dire je j'était belle, que mon visage était fin, pur... Cela n'était que le début, ensuite les shorts et T-Shirts de mon grand frère sont de moins en moins parvenus jusqu'à moi. J'aurais dû comprendre à ce moment là, mais quand on a huit ou neuf ans et qu'on reçoit compliments et cadeaux de sa famille, c'est ce genre de détail qui passe à la trappe. On oublie trop facilement le confortable jogging qu'on lorgnait dans l'armoire de son ainé en attendant impatiemment qu'il lui soit trop petit. La mienne d'armoire, se féminisa assez rapidement, on me laissa toutefois de quoi m'adapter, de sorte qu'en fait peu de choses ont changé en somme. Jusqu'à ce que je rentre en sixième...

Là, les vetements de sports ont été réservés au horaires de sport, les autres moments, je n'avais plus le droit de les mettre, soit disant à cause de la transpiration. Plus de club de volley non plus, là aucune justification. Quand le giron maternel a voulu remplacer cela par de la danse, je me suis sérieusement énervée.

Imaginez une gamine de dix ans, avec des habits soignés et un chignon. Vous y êtes? Maintenant, essayez de la visualiser en train de hurler et de se rouler par terre devant l'entrée d'un club de danse classique, imaginez le même scénario devant l'école de musique.

En bref vous l'avez compris, j'ai fait deux caprices en une seule journée. Jamais ma mère n'avait eu aussi honte, ce soir là mon père s'est déchainé sur moi, j'ai pris deux gifles dans la figure et un coup de pieds bien appliqué sur les fesses, ensuite il m'a envoyée me coucher sans souper. Le lendemain j'ai passé la journée à ecrire des lignes, du moins à faire semblant.

Je venais de comprendre les paroles de mon frère, sur le fait que j'étais une fille. Il m'avait bien prévenue lorsqu'on avait commencé à m'offrir des cadeaux, mais j'avais alors cru qu'il était jaloux. Il avait quatre ans de plus que moi, et voulait me protéger, j'avais commis l'erreur de m'éloigner de lui et cette complicité d'enfant avait disparu, maintenant il me regardait de la même façon que les autres. J'avais dix ans, sauté une classe et je venait à présent de comprendre l'avenir que l'on me traçait net.

C'était semblable à celui de ma mère, de ma grand mère, de mes tantes... Je me marrierais, ou serais marriée jeune, entre dix huit et vingt et un ans, j'aurais rapidement deux ou trois enfants et je resterais au foyer pour les élever. Chez moi cela fonctionnait comme ça.

Mais dans ce cas, pourquoi m'avoir laissé une si grande liberté de mouvements jusqu'alors? En réfléchissant bien, mes cousines avaient été bien moins libres que moi, j'était la seule sur sept filles à avoir eu le droit d'exercer une activité sportive, mais pourquoi moi?

Avec le recul des années, j'ai compris que c'était mon autre grand mère, celle que je voyais assez rarement, qui y avait veillé, c'est elle qui m'offrait les quatre ans de volley que j'ai pratiqués avant d'entrer au collège, avant qu'elle n'entre en maison de retraite en fait...

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 29, 2020 ⏰

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Le massacre des VolturisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant