Vous faites vraiment la paire...

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— Je connais ma pointure, marmonne-t-il, fuyant le rayon. Prenons celles-là, ça ira très bien.

— No', choisis quelque chose qui te plaît.

Il a fallu que je le traîne dans ce magasin de chaussures. Depuis qu'il a obtenu sa prothèse, il porte toujours les mêmes, elles sont sérieusement usées.

Mal à l'aise, il enfonce ses poings dans les poches de son jean. Le regard baissé, il évite le monde. Ayant jeté son dévolu sur des baskets qui ne lui conviennent pas du tout, il se précipite quasiment en direction des caisses, voulant rentrer chez nous. En désaccord, je reste campée là, l'observant s'éloigner. Remarquant mon absence, il se retourne, les sourcils froncés.

Je déteste le voir ainsi : les épaules voûtées, la mâchoire serrée, la mine sombre, les yeux fuyants. Silencieusement, il m'enjoint de m'avancer dans sa direction. À la place, je lui tourne le dos, décidant de fouiller parmi les choix que nous offre ce magasin.

— Putain, Tina, grogne-t-il dans mon dos. Qu'est-ce que tu fous ?

— Tu ne préfères pas celles-ci ? je m'enquiers, en lui désignant une paire blanche.

Si un regard pouvait tuer, je serais sous terre depuis longtemps. Malgré tout, aujourd'hui, je sais comment il fonctionne. Mon index frôle le dos sa paume, geste accompagné d'un sourire bienveillant.

— Tu n'es pas obligé de les essayer, Nolan. Personne ne voit tes jambes actuellement.

— Je n'ai pas mis les pieds ici depuis l'accident, m'apprend-il, sur la défensive. Je ne suis pas à ma place ici.

— Mais, tu ne peux pas garder ça.

Du menton, je lui désigne ses souliers fatigués. Les semelles aplaties, il s'en plaint tous les soirs. Doucement, je récupère la boîte qu'il a toujours dans les bras et la range, sous son regard lourd. Par la suite, je l'entraîne avec moi parmi les étalages.

— Je ne vais pas te masser les pieds tous les soirs, le prévins-je.

Il ricane, se détendant peu à peu. Ma main dans son dos, je lui propose certains articles, sans jamais obtenir de réponse de sa part. Commençant à désespérer, je m'apprêtais à prendre une paire passe-partout lorsqu'il attrape des chaussures marron de lui-même. Le cœur battant, je l'observe faire. Renfermé, il en attrape une et la regarde sous toutes les coutures avant de prendre sa taille.

— Je veux celles-là, assure-t-il, une étincelle de fierté brillant dans ses prunelles.

* * *

Ma petite taille me permet de fouiller au fond des tas de cartons. Accroupie sous la charpente du toit, je cherche à mettre la main sur une boîte bien précise, suivant les indications de l'homme resté en bas. Seule une lampe torche éclaire mon environnement. Je pourrais me sentir angoissée. Néanmoins, sa voix m'apaise et me rassure comme toujours. Alors je continue, trouvant la fameuse caisse. Pleine de poussière, je suis prise d'une quinte de toux.

— Tout va bien ? s'inquiète-t-il.

— Oui, j'affirme après avoir retrouvé une respiration normale.

Attrapant les poignées de l'objet, je le fais glisser sur le vieux parquet jusqu'à atteindre la trappe. Tant bien que mal, je parviens à la descendre. Une fois sur la terre ferme, je replace mon bandeau rouge dans mes cheveux bruns, essoufflée.

— Merci, murmure-t-il, les yeux brillants d'émotion.

J'acquiesce, le cœur battant. Sans un mot de plus, il soulève le carton et l'emmène dans le salon. Alors qu'il s'assoit maladroitement sur le canapé, j'observe le panorama par la fenêtre. Au loin, cette falaise toujours aussi majestueuse. La force de la mer déchaînée semble atteindre cette petite maison. Aujourd'hui, le ciel gris nous offre une légère éclaircie. Mes paupières chutent tandis que je profite de cette chaleur sur mes joues. J'apprécie cette ambiance pluviale, comme si nous étions dans un cocon.

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