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Sur le parking où résonnent les échos du tournoi, Mahdi zigzague entre les voitures. Un SUV aux insignes bleus, blancs, rouges, rôde autour du stade. Bientôt, Mahdi tombe sur une véritable foule de supporters. Celle-ci s'étend des rambardes qui encerclaient le terrain jusqu'à la petite friterie en sommet. Plus haut, au-dessus du banc des remplaçants, une flopée  d'autre jeunes guettent attentivement le match derrière les rambardes. Mahdi est impressionné devant tout ce monde.

Avant qu'il ne s'enfuit dans le sud, c'était déjà à la mode ces tournois d'été confrontant les nationalités africaines et organisés au départ par des jeunes de banlieue ; si bien qu'entre temps Amazon Prime et même Maison Château Rouge s'y sont aventurés, amorçant la gentrification du concept pour les critiques les plus virulentes. Mahdi n'est pas d'accord car malgré son désintérêt pour le phénomène, il est convaincu que cette exposition a ouvert la porte à beaucoup de créativité.

Quand il se rappelle les origines tunisiennes de Younès, le bonhomme s'engage près des équipes du Maghreb en espérant croiser le tounsi.

— Y a l'Congo et l'Maroc qui vont jouer sur le dernier terrain, j'crois, dit une fille à sa pote, bonbons dans la bouche.

De toute évidence, Mahdi est sur la bonne voie pour trouver le brun avec les cheveux toujours gominés sur le côté. Autour de lui, certains se demandent qui est ce mystérieux bonhomme quand d'autres reconnaissent avec étonnement le gamin d'autrefois, sous les traits aujourd'hui plus mûres du bel homme qu'il est devenu.

— Chakal, t'es venu ! se réjouit Younès quand il l'aperçoit en premier.

— Ouais, j'me branlais un peu chez moi ! plaisante Mahdi, checkant une nouvelle fois son vieux copain.

Puis, il s'exclame, les yeux gros de surprise :

— Kilian ! Théo !

— Putain, Di !

— Wsh. Tu dates, mon frère !

Les deux bougres à côté du maghrébin se ruent sur leur vieux copain des bacs à sable. Étrangement, Mahdi est plus content qu'il ne pensait de revoir ces têtes toutes plus familières les une aux autres ; même si Kilian a prit quinze kilos en rab et que Théo n'a plus ces boutons d'acnés qui grouillaient son visage à l'époque.

— Younès soutient les marocains ! lui annonce Kilian, une fois les ardeurs redescendues.

Les joueurs au maillot rouge et vert entrent sur le terrain, et Mahdi reconnaît quelques têtes du collège et du lycée.

— Ouais, la Tunisie s'est fait froisser par la Guinée ! seconde Théo d'un ton railleur.

— 2-0.

— Ah, chaud !

— J'ai l'démon. Ils sont éclatés au sol, frère ! peste Younès. En plus, ton reuf a joué. Tu savais pas ?

D'un air faussement détaché, Mahdi secoue la tête. Néanmoins, l'information ne le surprend pas. Judicaël a longtemps joué au club de la ville, rassurant définitivement son père qui y voyait comme beaucoup d'autres parents une issue contre la délinquance qui menace à tout moment les mômes de la cité.

En vain.

Un jour, Judicaël a tout plaqué à cause de ce fléau qu'est l'absence de perspectives, de rêves, lorsque les notes dégringolent, que l'entourage s'assombrit, avec en accessoires les premiers roulés de shit, puis que le bas du bat devient la deuxième maison. Un œil à la dérobée, Mahdi cherche son frère parmi la foule. Il ne le trouve cependant pas.

— D'ailleurs, l'équipe des DOM-TOM envoie de ouf, elle aussi ! relance Kilian.

— Wsh ? Mais, les îles font pas partit de l'Afrique ! fait remarquer Mahdi, à la fois sceptique et amusé.

Souvenirs, entre les tours.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant