L'ange et le démon

Chapitre 4: Attaque surprise

Zagi

Je suis entrain de donner mon cours à une classe de premier niveau. Cette année s'annonce très prometteuse : les recrues que Niswa à dénicher sont robustes et elles ont du talent à revendre. Je ne sais pas comment elles font pour tout assimiler aussi vite, mais disons que je n'ai pratiquement pas besoin de leur répéter ou de leur rappeler quoique ce soit.

Je circule entre les petits groupes qui se sont formés suite à l'exercice que j'ai donné, satisfait du travail et des efforts que mes élèves accomplissent. Pour l'instant, ils apprennent les bases du combat rapproché : coup de pieds, de coudes, de genoux, de poings, ainsi que quelques prises simples, mais efficaces, pour envoyer quelqu'un au tapis. Si leurs progrès gardent cette allure, je pourrais commencer à entrevoir la possibilité de leur enseigner les techniques avec les dagues. C'est habituellement en seconde que cette arme est abordée, mais je crois que Niswa sera de mon avis et qu'il serait possible de faire exception.

Je m'arrête près d'un duo mixte. Ici, filles comme garçons ont les mêmes règles. Ce n'est pas parce que ton adversaire est plus petit ou plus fragile que tu as plus de chance de le vaincre. Les plus vieux ont certes plus d'expérience, mais les plus jeunes sont souvent plus vifs et instinctifs, ce qui amène toutes sortes de style de combat. Si tu es moins grand que la moyenne, tu peux miser sur la rapidité, l'agilité et la précision. Il est courant que les points faibles sont plus exposés qu'on ne le pense. Il est évident qu'ils sont classé selon une force équivalente. C'est le seul critère sur lequel nous nous basons.

J'interviens rapidement entre les deux compères et rectifie avec eux leur maîtrise.

- Mets ta main plus haut. Ça sera plus facile de l'envoyer au sol.

J'illustre ce que je dis en exécutant un exemple. Une fois terminé, je tends la main et aide le jeune homme à se relever.

Un bruit sourd capte soudainement mon attention. C'est extrêmement loin et à peine audible. Je fronce les sourcils et siffle, rappelant ma classe près de moi.

- Restez ici et continuez de vous entraîner. Il y a quelque chose que je dois aller vérifier pour votre sécurité et celle de l'académie. Wallyce, je te mets en charge de tes camarades. S'il y a quoique ce soit que tu juges de potentiellement dangeureux, je veux que tu t'assures que toute la classe et toi retourniez sans attendre dans le bâtiment principal.
- Compris, maître Dassal.

Je fais appel à mes dons de démon et prend ma forme originelle. Mes cheveux virent au noir et s'allongent jusqu'à toucher ma nuque. Je cache les crocs qui me poussent et mes yeux or-orangés derrière les ailes de chauves-souris qui m'apparaîssent au niveau des omoplates. Les académiciens sont au courant pour ma vraie nature, mais rares sont ceux qui l'ont vu. Je cherche simplement à ne pas les effrayer inutilement. Sans plus attendre, je décolle sous un tonnerre d'exclamations, autant de surprises que d'admirations.

Survolant rapidement les alentours, je ne décèle rien d'anormal au premier regard. Ce n'est que lorsque je me perche en haut d'un sapin que je prends conscience de la gravité de la situation. Il n'y a aucun bruit. Aucun son. Tout est calme, trop calme.

Les oiseaux devraient chanter, les écureuils devraient ratisser les feuilles mortes en quête de nourriture, les renards devraient chasser les lièvres et les petits gibiers.

Sauf que rien ne bouge. Le silence le plus complet règne en ce moment dans les bois. Ce n'est pas normal qu'il n'y a zéro activité.

Le même bruit sourd retentit à nouveau, plus proche cette fois. Méfiant, je descend quelques branches et me colle au tronc, histoire de me dissimuler dans l'ombre. Ce n'est guère aisé: les aiguilles me piquent de partout malgré mes vêtements et la gomme de pin me collent aux doigts, rendant ma prise difficile.

À quelques centaines de mètres de ma cachette, j'apperçois un groupe d'hommes. Ils sont tous vêtus d'une ample cape à capuchon, si bien que je ne peux distinguer si ce sont bien des humains ou de quelconques créatures.

L'un d'entre eux attirent mon attention. Il porte une arme à feu à sa ceinture et semble avoir la gâchette facile. Ne me dites pas que les deux sons assourdis qui ont retentit un peu plus tôt seraient des coups de feu. Si c'est le cas, ils ne doivent pas s'approcher du territoire de l'académie. Même s'ils ne sont pas très nombreux, avec un pistolet comme celui-là, ils pourraient faire des blessés. Je suis également à risque: s'ils arrivent à cribler l'une de mes ailes, je ne serai plus apte à voler correctement, ce qui pourrait entraîner ma chute et causer ma perte.

Du mouvement à ma gauche me fait presque sursauter. Un épervier de la ligne d'espion personnelle de Niswa vient se poser près de moi. Son plumage neutre et clair lui permet de se fondre facilement dans le décor lorsqu'il fait jour. Ce n'est pas pour rien que l'ont dit d'eux qu'ils sont diurnes. Je lui tend mon bras et il y saute sans hésiter.

- Salut, toi, murmurais-je. Peut-être pourras-tu m'aider à comprendre ce qui se passe...

Il penche sa tête sur le côté, attentif à ce que je lui transmet. Il finit par comprendre et me fait savoir que je dois retourner sur le territoire que je protège. J'arrive à lire l'âme des animaux. C'est la raison pour laquelle je suis si proche d'eux.

Je sors du sapin et monte vers le ciel comme une flèche. Mon coeur s'arrête lorsque j'entend une détonation dans ma direction. L'air me manque alors que le projectile frôle mon oreille.

- Pauvre con ! Vises ses ailes ! Il sera beaucoup plus aisé de le tuer ensuite !
À cause de ton erreur stupide, il va nous échapper !

Ils n'ont pas le temps de faire quoique ce soit que j'ai déjà déguerpi, arrivant devant le bâtiment principal.

Je fige une fraction de seconde en empruntant le chemin qui y mène: une odeur particulièrement métallique me monte au nez. J'accélère le pas et je suis pris d'un hoquet de stupeur lorsque j'arrive enfin sur les lieux.

Trois de mes apprentis baignent dans leur sang, morts. Leurs corps sont brisés d'une telle manière qu'il serait impossible de faire quoique ce soit, ne serait-ce que les déplacer sans les abîmer d'avantage. Je contourne les cadavres en chassant l'émotion de culapbilité qui cherche à me submerger et monte carrément les marches menant à l'entrée de l'académie en courant.

Le hall principal est une véritable boucherie: une douzaine d'élèves sont dans un état semblable à ceux que j'ai trouvé sur la route.

La rage coule à flot dans mes veines, se mêlant à l'adrénaline qui y circule déjà. Je détecte plusieurs âmes inconnues à l'étage supérieur. Ce qui me frappe le plus, c'est la présence noire parmi elles. Je sais que je ne suis pas censé agir ainsi, mais je permet de décoller à une vitesse phénoménale pour atteindre le second palier.

Posant pied à terre, je ne sais plus où donner de la tête. J'entends des cris, des coups, des lames qui fendent l'air, des craquement d'os brisés.

Des voix. Une voix en particulier. Celle-ci me donne aussitôt l'identité du dirigeant de ce groupe d'assassins.

- Où est la magicienne de cristal ?

Une bande de mercenaire. Où plutôt, une partie de leur réseau. Il est étendu partout dans le royaume, aussi discret soit-il possible. Seulement, je n'aurais jamais cru avoir affaire à cette brigade-là.

Ce sont la tribu des corbeaux. Niswa en avait déjà fait partie jadis, avant de fonder son école de magie. Il faut dire que je peux comprendre la colère qu'ils peuvent éprouver en ce moment. Disons qu'elle leur a caché certaines choses à propos de sa véritable identité.

Apparement, ils ont appris qu'elle était une des dernières magiciennes de cristal existant encore et toujours en ce monde.

Une silhouette que j'aurais reconnu parmi tant d'autres fait son apparition dans le cadre de porte de l'une des chambres du dortoir qui se trouve au fond du couloir sur cet étage.

- Tiens donc. Zagi. Je n'aurais jamais cru te retrouver ici, vieux frère.

Je grimace à l'entente de ce surnom misérable.

- Ce n'est pas parce que nous sommes tout les deux des démons de la Vengeance que nous sommes liés par le sang, Salaref.