Hébra

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    La vent hurlait si fort ce soir-là que les montagnes se noyaient sous la neige. Connus pour leurs températures hostiles, ces glaciers étaient souvent en proie aux tempêtes. Les chemins de randonnée étaient à peine visibles, le ciel, coloré d'une turbulente pluie de flocons, se confondait avec le sol blanc, les ravins, les falaises étaient indiscernables... Hébra était un désert de glace.

Mais Hébra était aussi un désert aux milles mystères. Différentes légendes anciennes avaient pour sujet ses grottes de stalactites, son grand lac de verglas, ou encore ses plaines vides, que la neige semblait avoir recouvert de son drap froid, comme pour mieux en confiner le secret. En bref, autant de légendes que de voyageurs partis sans en être revenus... Car Hébra était une traitresse avant d'être une énigme : elle attirait les âmes perdues au plus profond de ses entrailles et leur retirait leur chemin. Sa beauté vous ensorcelle, sa pureté vous séduit, vous la contemplez tandis qu'elle vous capture sous son givre... Est là son horrible méthode. Vous mourrez de froid avant même de vous en rendre compte.
    Hébra était l'antre de nombreuses tombes.

    Non loin de cette malhonnête perdurait un nid d'oiseaux, protégé par une créature de fer et de pierre que l'on nomma Vah'Medoh. Le village, comme beaucoup, s'apprêtait à participer à une guerre d'une inexorable violence : le fléau qui maudissait les terres du royaume depuis delà des siècles, était à deux doigts de se réveiller. Mais cette fois-ci, les scientifiques prédisaient sa puissance à son paroxysme. Cependant, il était impossible de prévoir l'assaut. Le Royaume profitait de chaque jour comme s'ils étaient les derniers, en plus d'améliorer leur armée.

    Les armées, justement, étaient constituées de drôles de robot aux longues pattes mécaniques, nommés Gardiens. D'une rapidité sans égal, les Gardiens étaient dotés de détecteur de mouvement capables de garder leur cible sur plus de vingts mètres de distance. Des armes redoutables. Des armées d'êtres vivants, il y en avait aussi. Chaque peuple du Royaume avait la sienne, protégée par une « Créature Divine ». Seuls les êtres dont les exploits se rapprochant de l'ordre du divin pouvaient contrôler ces monstres de technologie Sheikah, tous gratifiés et nommés par la Princesse du Royaume « Prodiges ».
    Vah'Medoh est l'une de ces quatre Créatures Divines.

    Du haut de cette dernière, un Piaf à la couleur de la nuit observait de loin le déluge de neige qui s'abattait sur Hébra.

— À quelle heure sont-ils partis ?

— Ce matin. Leur expédition devait durer la journée.

— Oui, bah justement. Elle est bientôt fini, la journée.

— On ne peut pas aller les chercher, Revali, c'est trop dangereux.

— Ne t'inquiète pas pour ça, Urbosa. Je ne gaspillerai jamais une goutte d'énergie pour ce faiblard de Link.

— Faiblard, faiblard... C'est tout de même lui qui réussit à soulever l'Épée de Légende, pas toi.

    Cette dernière remarque, à la tonalité purement provocatrice, fit grimacer Revali, qui toisa la jeune femme.

— De plus, reprit-elle. Tu oublies que la Princesse Zelda est avec lui, et qu'on serait tous perdus s'il lui arrivait malheur.

— C'est pourquoi j'aurais dû l'accompagner, moi, plutôt que ce misérable. Je sais voler, moi, Revali, Prodige des Piafs ! J'aurais...

— Oi, t'as pas bientôt fini ton cirque ? (Urbosa avait repris ce ton strict et ferme, qui faisait d'elle l'unique Chef des Gerudos.) Tu vas pas me la faire à moi. C'est pas parce que je vis dans le désert que j'y connais rien aux montagnes. Au contraire, les tempêtes, j'ai l'habitude. Le sable, la neige... C'est pareil. On n'y voit rien, même pas deux mètres devant soi. Toi tout comme moi, savons pertinemment que tu n'as aucune chance contre les intempéries d'Hébra. Les tempêtes de neige sont trop violentes dans cette région.

    Revali grimaça de nouveau. Personne ne pouvait tenir tête à Urbosa, c'est pas faute d'avoir essayé. Elle a toujours le dernier mot. Revali soupira, presque de regret et d'inquiétude, lui qui semblait toujours se préoccuper que de lui-même.

— Qu'est-ce qu'on fait du coup ?

    Pour quelques instants, le silence appuya ses mots et ils devinrent lourds de sens. Ils ne pouvaient rien y faire. Urbosa ne répondit pas et se contenta d'observer le nuage blanc et flou au loin devant eux. Ses sourcils étaient froncés, son air grave. La neige était a Hébra ce que le sable était au désert... On finissait forcément par s'y perdre.

— On attend.

Un abri à HébraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant