Le soulagement

909 46 9
                                    

De son côté, Urbosa étudiait l'avancée des recherches depuis le haut du village. Elle avait observé, impuissante, le retour des deux premiers groupes de sauvetage. Malgré la flèche électrique qui annonçait la bonne réussite de la mission, la crainte et les regrets lui rongeaient les entrailles.

         Mais alors, au même instant, elle aperçut deux petites tâches noires voler au loin dans sa direction. Elle accourut à la rambarde et au bout de quelques minutes, elle put reconnaître Revali et Dipsy, accompagnés de la Princesse et du Prodige Hylien. Elle faillit en pleurer de soulagement. Elle appela une équipe de soignants pour les accueillir, au cas où il y aurait eu une difficulté et partit ensuite prévenir le chef Piaf de la bonne nouvelle.

Revali et Dipsy atterrirent sans encombre mais néanmoins épuisés. La Princesse et Link eurent du mal à retrouver leur équilibre une fois les pieds à terre. Les médecins les prirent en charge tous les quatre, leur donnèrent une chambre pour se reposer, des nouveaux vêtements, désinfectèrent les petites plaies et soignèrent les crevasses que le froid leur avait laissé...

La Princesse se faisait bander les mains lorsque Urbosa toqua à sa porte. Elle entra sans en attendre la permission et Zelda sourit de plus belle en la voyant. Elle se rua dans ses bras, sous l'oeil inquiet du docteur qui lui rappela la fragilité de ses muscles.

— Vous ne pouvez savoir à quel point je suis soulagée de vous retrouver, Madame. Je craignais le pire...

— Moi de même, Urbosa. Le blizzard nous est tombé dessus sans crier gare : en quelques minutes nous étions déjà recouverts de neige !

— Je n'imagine même pas l'angoisse à laquelle vous avez dû être confrontés... (Elle soupira.) Vous êtes une Princesse qui fut bien trop de fois confrontée à la mort, pour votre jeune âge...

Zelda baissa les yeux avant de lui sourire faiblement. Puis les deux femmes sortirent bras dessus, bras dessous de la chambre. Les dix années qui les séparaient ne furent jamais un obstacle à la relation intime qu'elles entretenaient. Capable d'une écoute et d'une compréhension exemplaires, Urbosa s'était de nombreuses fois comportée comme une mère pour la Princesse. Cette dernière lui vouait une extrême confiance que peu pouvait se vanter de recevoir.

Alors qu'elles descendaient les marches du village, Revali, des bandages enroulés autour des ailes, vint à leur rencontre.

— Heureux de voir que vous n'avez rien de grave, votre Altesse, dit-il en s'agenouillant.

Cette dernière s'inclina à son tour pour le remercier d'être venu à son secours.

— Tout l'honneur était pour moi, Princesse. Il m'était impossible de m'imaginer pouvoir vous laisser seule dans cette tempête.

— Elle n'était pas si seule que ça, reprit Urbosa, puisque Link était avec elle. (Revali fronça les sourcils.) Comment va-t-il, d'ailleurs ?

— Je ne sais...

— Bien. Il va très bien, la coupa Revali pour rompre la conversation. Vous devriez vous rendre sur la place du village, Princesse. Tous les habitants étaient très inquiets à votre sujet. Cela leur ferait très plaisir si vous leur montrer que vous êtes saine et sauve.

Zelda hocha la tête et le suivit.

— Je vais tout de même aller prendre de ses nouvelles, prévint Urbosa. Je vous rejoins plus tard.

La Princesse fut obliger d'accepter et reprit sa route avec Revali pour le centre du village.

La chambre de Link était un peu plus en hauteur que les autres. Elle monta les escaliers et croisa justement le Piaf qui s'était occupé de le soigner.

— Comment se porte-t-il ?

— Bien. Rien de grave, en tout cas. Ses blessures sont toutes superficielles. Cependant, affronter les blizzards d'Hébra, ce n'est pas une épreuve facile... L'adrénaline redescendue, ses muscles restent faibles. Et impossible de lui faire entendre qu'il a besoin de repos ! Le chef lui-même a dû se déplacer et presque se battre avec lui pour le convaincre de rester au lit !

Urbosa explosa de rire.

— Je reconnais bien là, notre petit Link.

Le docteur la salua puis elle partit à l'étage. Arrivée à sa porte, elle toqua, attendit un peu puis entra. Elle trouva Link assit sur son lit à regarder ses mains. Les joues encore rosies de froid, il avait des bandages tout autour des mains et des pieds. Elle s'assit à côté de lui. Au loin, on pouvait entendre les louanges de la foule envers la Princesse et le Prodige Piaf. Urbosa prit enfin la parole.

— C'est dur d'être un héros, hein ? (Link ne répondit pas.) Je te félicite d'avoir trouvé ce refuge. Sans cet abri, vous étiez perdus pour de bon.

À ses mots, Link serra les poings. Urbosa, à qui rien n'échappe, le remarqua.

— Ne sois pas si dur avec toi-même. La météo n'est jamais sûre à Hébra, tu ne pouvais pas prédire que ce serait si dangereux pour elle. Et... Moi non plus, je ne pouvais pas savoir. Cette tempête a surpris tout le monde, même les plus habitués d'entre nous.

Mais ses tendres mots, aussi réconfortants soient-ils, ne semblaient pas soulager Link. Elle le considéra longuement puis, après quelques minutes de silence, reprit la parole.

— Ou... Peut-être s'est-il passé autre chose dont tu n'es pas fier non plus ?

Link, honteux, tourna la tête pour qu'elle ne puisse pas voir son visage.

— Allons... Tu sais bien que rien ne m'échappe, à moi. Et puis, aussi rancunier qu'est Revali, tu t'imagines bien qu'il n'a pas pu s'empêcher de se plaindre auprès de moi. Comme toujours. (Link ne parla toujours pas.) Cependant, sache qu'il ne dira rien de plus à quiconque. Je le lui ai fais jurer.

Suite à cette remarque, Link tourna doucement la tête vers Urbosa qui lui sourit un poil malicieusement.

— Et puis... C'était pour vous réchauffer, n'est-ce-pas ?

— Ce n'est pas...

— Ce n'est pas ce que je crois, je sais. Tu peux tout m'expliquer, je le sais aussi. Je sais tout ! dit-elle pour plaisanter.

Link, par contre, ne plaisantait pas. Il avait planté ses yeux bleus dans les siens avec férocité. Son sérieux contrastait avec les piailleries de joie de la population au loin, sur la place du village. Enfin, Urbosa lui sourit joyeusement en guise de réponse.

— Je suis contente de savoir que vous vous entendez mieux, lui confia-t-elle en se relevant.

Link, soucieux, la regarda partir. Mais avant de franchir la porte, elle se retourna une dernière fois.

— Au fait, Revali n'a pas fait que cracher sur toi comme à son habitude, aujourd'hui. Il m'a aussi fait part de ton incroyable faculté d'adaptation. (Link haussa un sourcil.) La flèche électrique... C'est toi qui l'as tiré ?

Il répondit timidement « oui » d'un signe de tête et Urbosa sembla réfléchir.

— Elle a explosé dans le ciel comme je n'en avais jamais vu de pareil. Bravo.

         Link ne sut que répondre, il se gratta la nuque avec embarras.

— Bien, reprit-elle. Il serait peut-être temps d'envisager que tu apprennes à tirer à l'arc, tu ne penses pas ?

Link ouvrit faiblement la bouche, étonné par cette idée. Il n'y avait jamais vraiment réfléchi, persuadé qu'un chevalier ne devait pas sortir de son cadre de formation, et s'en tenir à l'entraînement à l'épée.

— Que penses-tu de... Demain ? lui proposa Urbosa, à quoi le jeune homme ouvrit les yeux en grand de surprise.

Elle rit aux éclats.

— En attendant, reposez-vous, Monsieur le Héros. Vous en aurez besoin. Et puis... Vous le méritez.

Un abri à HébraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant