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« - Taehyung ! La balle !


- Je l'ai ! »

Du haut de mes sept ans, je trottinai dans l'herbe pour attraper le ballon de justesse. Un petit sourire de fierté auquel un gloussement s'ajouta m'échappe des lèvres, et je lançai à nouveau la balle sur mon ami Arich.

Le soleil frappait fort sur nos têtes en cette période de canicule, et malgré la chaleur et le désaccord de nos parents respectifs, nous passions le plus clair de nos journées à nous amuser dans les quartiers du voisinage. De temps à autre, on pouvait observer un vieil homme traverser la route de campagne, son canotier fourré sur la tête et ses vêtements d'été collés à son corps suant par le dur labeur. Quand il nous apercevait, il nous passait un bonjour d'un bref hochement de tête, ses bras étant pris par les nombreux seaux d'eau.

La vie à la campagne était reposante et chaleureuse. L'air frais embaumant nos narines emplissait nos organismes d'une explosion de nature unique, bien loin de la pollution des villes. J'habitais dans une chaumière à seulement quinze minutes en vélo du petit village toujours animé. Ici, tous les habitants se côtoyaient, de nombreux repas étaient régulièrement organisés.

« - Je dois acheter du pain pour ma mère, tu veux m'accompagner ?

- Allons chercher les vélos ! »

Nous rions à cœur ouvert, courant de nos frêles jambes comme si nous étions les plus rapides du monde. La rare brise levait nos vêtements, et nous pensions nous envoler tant nous pensions être invincibles.

Quand nous arrivâmes à ma maison, ma mère semblait attendre notre arrivée sur le perron. Son visage s'illumina d'une joie, qu'elle n'a jamais porté à mon égard, lorsqu'elle nous apercevait à travers les arbustes plantés en ligne, tels de fidèles soldats protégeant le château du prince Taehyung. La femme salua Arich d'un bisou sur la joue.

Et moi je restais immobile, la joue tendue pour recevoir la même attention. Mais ma mère ne l'avait pas remarqué — du moins je portais à le croire, puisqu'elle retira son tablier de cuisine pour s'accroupir en face de mon ami, prenant ses petites mains dans les siennes si belles et fines.

«- Tu peux rester dîner si tu veux Arich ! Nous nous ferions un plaisir de vous accueillir ton père et toi.

- Merci Madame Kim ! Nous allons nous joindre avec plaisir ! »

Nous descendâmes au sous-sol, où mon père passait le plus clair de son temps à bricoler toutes sortes de meubles. Il faut dire qu'il avait développé un certain talent dans ce domaine, lui qui avait construit la plupart du mobilier de ma chambre.

Nous saluâmes rapidement mon géniteur qui nous offrit un doux sourire malgré qu'il fut surpassé par les commandes qui s'écroulaient en masse sur sa pauvre tête.

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« - J'aime beaucoup ta maman Tae. Elle est si gentille et si douce avec moi !

- Si tu le dis.. »

Avec la monnaie restante, nous nous sommes arrêtés pour siroter une boisson rafraîchissante. À travers la baie vitrée, l'église à la façade grandiose nous regardait de sa hauteur vertigineuse, tandis que quelques touristes prenaient des photographies.

Je laissais balancer mes jambes dans le vide, étant bien trop petit sur ce tabouret pour toucher le sol, alors que je croque ma paille colorée, le regard dans le vide. Le juke-box jouait une agréable mélodie des années 80, un classique dont je ne connais ni le nom, ni l'artiste.

Quelques hommes dans la quarantaine jouaient sur une table plus loin aux cartes, misant sur du vrai argent. Ils riaient si fort et déblatéraient sur des sujets stupides, pourtant ce n'était pas perturbant.

L'élément perturbateur était ce petit garçon assis en face de moi, se prétendant être mon meilleur ami. Avec sa bouille d'enfant sage et son caractère adorable, il charmait toute personne rencontrant son chemin.

Tout le monde aimait Arich, ce gamin débordant de vie et de talent. Il savait jouer du piano, don très rare dans cette campagne. Beaucoup venait dans sa demeure seulement pour l'écouter interpréter un morceau d'un musicien que je crois être Picasso, et pourtant j'ai la nette impression de me tromper de personnalité.

Face à mon ami, je ne suis qu'un morveux méprisant et méprisé. Sans l'amour de ma mère, et mon père qui se démène à me porter la moindre attention lorsqu'il travaille d'arrache pied, je me retrouve bien seul. Je ne prétends pas être le mal-aimé du village, loin de là, mais je ne suis pas le préféré.

« - Tout va bien Tae ?

- Tout va très bien. »

𝐑𝐮𝐧 𝐀𝐰𝐚𝐲₂ - 𝐊.𝐓𝐡Où les histoires vivent. Découvrez maintenant