Le désir de peindre, le Spleen de Paris, Charles Baudelaire (1869)

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Malheureux peut-être l'homme, mais heureux l'artiste que le désir déchire !
Je brûle de peindre celle qui m'est apparue si rarement et qui a fui si vite, comme une belle chose regrettable derrière le voyageur emporté dans la nuit. Comme il y a longtemps déjà qu'elle a disparu !
Elle est belle, et plus que belle ; elle est surprenante. En elle le noir abonde : et tout ce qu'elle inspire est nocturne et profond. Ses yeux sont deux antres où scintille vaguement le mystère, et son regard illumine comme l'éclair : c'est une explosion dans les ténèbres.
Je la comparerais à un soleil noir, si l'on pouvait concevoir un astre noir versant la lumière et le bonheur. Mais elle fait plus volontiers penser à la lune, qui sans doute l'a marquée de sa redoutable influence ; non pas la lune blanche des idylles, qui ressemble à une froide mariée, mais la lune sinistre et enivrante, suspendue au fond d'une nuit orageuse et bousculée par les nuées qui courent ; non pas la lune paisible et discrète visitant le sommeil des hommes purs, mais la lune arrachée du ciel, vaincue et révoltée, que les Sorcières thessaliennes contraignent durement à danser sur l'herbe terrifiée !
Dans son petit front habitent la volonté tenace et l'amour de la proie. Cependant, au bas de ce visage inquiétant, où des narines mobiles aspirent l'inconnu et l'impossible, éclate, avec une grâce inexprimable, le rire d'une grande bouche, rouge et blanche, et délicieuse, qui fait rêver au miracle d'une superbe fleur éclose dans un terrain volcanique.
Il y a des femmes qui inspirent l'envie de les vaincre et de jouir d'elles ; mais celle-ci donne le désir de mourir lentement sous son regard.


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Ps: Ce poème m'a fait énormément penser à une professeur de français hmmm...

Extrêmement belle et au charme incroyable. Je ne l'ai eu en cours que pendant deux semaines. Mais je pense que plus de deux semaines et mon cœur allait se réduire en miette, et mon corps en flaque.

Très majestueuse, elle faisait aussi de la danse classique. Elle avait un finesse inconcevable. Et il me semble que tous les élèves avaient eu du mal à fermer leur mâchoire.

Un jour elle avait osé venir en talon, jeans tombant, T-shirt court mais ample...

Je suis rentrée chez moi en rampant.


Je l'ai revu quelques semaines après pour m'entraîner à l'oral. Personne dans l'agence m'avait dit que j'allais passer à l'oral avec elle.

Lorsque j'ai mis les pieds dans la salle, tout mon corps s'est paralysé. Elle a voulu me faire plaisir et m'a fait passé sur de la poésie, du Rimbaud.

Et

Je n'ai pas ouvert la bouche durant les 20 minutes.


Après ce drame, je suis repassée à l'oral mais avec ma professeur de d'habitude et ça c'est très bien passé.

Je ne l'ai plus revu par la suite..

Ah si.

Elle est venue hanter mes rêves. Et pas qu'une fois, la maline.


Recueil de poèmes et de coups de cœurWhere stories live. Discover now