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  Felix soupira en jouant doucement avec l'alcool dans son verre. Il leva les yeux vers la porte du bar, là où il espérait voir un jour Sam apparaître, le visage souriant lui murmurant que le garçon était pardonné, qu'ils pouvaient reprendre leur relation comme avant. Mais ça n'arrivait jamais.

Cela faisait un mois déjà, trois longues semaines sans nouvelles de Samuel. Il ne savait pas comment il allait, comment allait sa vie, s'il s'était reconstruit une belle famille parfaite d'extérieur, ou si le chaos régnait dans sa relation avec sa femme. Felix n'en savait rien, il avait supprimé le numéro de l'homme marié une semaine après l'exposition, comprenant que ce n'était pas bon de l'avoir dans son répertoire, que de toute façon, si l'homme marié avait voulu lui répondre, il l'aurait fait il y avait déjà bien longtemps. Ça avait été dur, et parfois le jeune homme regrettait de ne plus avoir la possibilité de l'appeler.

Cependant c'était ce qu'il y avait de mieux pour lui. Du moins c'était ce qu'il essayait de se convaincre jour après jour. Le manque était présent plus que jamais, il sentait un vide immense dans sa poitrine, comme si toute vie l'avait brutalement quitté.

L'absence de Simon le touchait aussi. Même si sa relation avec son ami n'avait jamais été très verbale ou même affectueuse, le fait d'avoir le jeune homme près de lui avait l'habitude de rendre Felix plus heureux. Mais Simon avait disparu, du jour au lendemain, sans laisser un seul moyen de le joindre. Le jeune aux cheveux rouges mourrait d'envie de le joindre, d'avoir une simple conversation avec lui ou passer un simple moment assis dans le canapé sans discuter, car c'était avec lui qu'il se sentait le plus compris. Avec Simon il n'avait pas à faire semblant, à essayer de cacher son mal-être sous sa fausse assurance, car son ami était aussi abimé que lui par la vie, aussi terrifié de la solitude qui les guettait sans cesse. Mais il n'était plus là.

Certes Felix avait toujours Johanna et Tameron, mais ce n'était pas la même chose, il ne pouvait pas se livrer à eux, son esprit se le refusait. Alors, pour ne pas les inquiéter, il faisait comme si tout allait bien, qu'ils n'avaient pas besoin d'être inquiets pour lui. Et c'était dur.

Le garçon soupira une fois de plus, puis jeta un coup d'œil sur les clients du King's Heart. Il voyait les jeunes hommes flirter, s'embrasser avec parfois un fort engouement. Mais ce qu'il ne voyait pas c'était leur regard se poser sur lui avec envie. Au contraire les gens parlaient, beaucoup, ils parlaient sur Red, sur sa façon d'être, la tristesse qui ne quittait jamais ses traits et qui le rendait moins séduisant, moins intéressant.

Car Red n'était qu'un corps, et cette pensée faisait Felix se sentir comme un moins que rien, comme un simple objet que les gens prenaient à leur guise. Il n'avait plus son charme, alors il comprenait doucement qu'il n'était plus rien.

Pourtant il continuait de venir au bar, parfois il couchait avec des hommes, bien en dessous de ses critères, mais il s'en fichait. Il espérait qu'à force de rapport, peut-être un jour son corps allait oublier la sensation des mains de Samuel sur sa peau. Mais plus il couchait avec d'autres hommes, plus il comparait et ses souvenirs se faisaient de plus en plus présents et marqués.

D'un côté il comprenait pourquoi moins que personnes étaient attirés par lui, la tristesse ne donnait pas envie, à aucun moment l'ancien lui se serait arrêté sur un jeune homme aux yeux rouge, au désespoir dessiné sur ses traits. Donc il pardonnait les autres autant qu'il se détestait.

Felix finit son verre d'une traite, puis le reposa sur la table avant de s'essuyer la bouche de se manche. Il se sentait observé de toute part, car même si on ne l'approchait plus pour passer une nuit avec lui, il restait toujours un mystère, les gens se demandant ce qui avait pu arriver à Red pour le détruire à ce point.

Le goût du plaisirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant