Le Juge :
Suzanne Lorcia avait crié cela comme si elle voulait évacuer toute la haine accumulée au cours de sa vie.
— Vous n'avez pas reçu la permission de parler, madame, l'interpellé-je avec calme et maîtrise.
Elle semble vouloir continuer. Je lui lance un regard glacial, un regard de juge, la faisant trembler.
— Je pense que nous ne sommes pas ici pour juger vos affaires. Vous deviez tous témoigner et non nous dévoiler l'entièreté de vos vies, entre autres fort peu intéressantes. Je vous prie donc de vous recentrer sur le sujet.
Je me tourne vers l'homme encore à la place du témoin.
— Retournez à votre place, puis m'adressant à Suzanne Lorcia. Prenez place à la barre.
Elle se déplace lentement et vient se ficher devant moi.
— Vous nous avez dit avoir été malade, quel est le rapport avec le prévenu.
— C'est lui. C'est lui le responsable, lui qui m'a envoyé ces parasites responsables de ma maladie, et pas seulement. Il m'a envoyé d'autres bestioles, des microbes, des monstres, des immondes mouches.
— Comment peut-on être responsable d'une maladie, l'inculquer à un autre sans en être porteur ? Il ne la portait pas c'est ça ?
— Non, il ne la portait pas. Il ne me l'a pas transmise, elle est apparue soudainement, de manière incompréhensible. J'avais mal.
Des perles brillent dans ses yeux, larmes de douleur, signes qu'elle n'a pas oublié, que le mal est encore vif, imprimé jusqu'aux confins de son être. Elle souffre. Soudain, comme par magie, un flot de paroles s'écoule de sa bouche, en même temps que les larmes coulent sur ses pommettes. Elle dévoile à nos yeux sa douleur, fruit d'un mal immense.
Suzanne Lorcia :
Et voilà que soudain, ils apparaissaient, imprudentes bestioles qu'ils étaient. Leur nombre grandissait vite, très vite. Ils se faisaient toujours plus pressants autour de moi, toujours plus envahissants.
« Partez ! Partez ! Ne vous approchez pas ! Je me sens mal. Vous apportez la pourriture et la maladie ? Laissez moi... Je suis déjà malade, je n'ai pas besoin de vous. Ne me dites pas que c'est la fin, c'est faux ! Je vis, et j'ai encore longtemps à vivre. Je me battrai ! Jusqu'au bout ! Même contre vous, sales monstres suceurs de sang, charognards ! criais-je à tout va. »
Ma maladie s'accélèrait. Je le savais. Les moucherons n'étaient que les signaux précurseurs de ce qui m'attendait. J'étais bonne pour redevenir poussière. Je poussais des cris d'agonie, impuissante devant ma fièvre toujours grandissante. Perdais-je la tête ? J'avais l'impression d'être folle, de me laisser aller. Ma peau se craquelait, je suais à grosses gouttes, l'air agressait ma peau, la taillaidait. N'était-ce qu'illusions ? Je me comportais comme une enfant, effrayée devant de simples animaux inoffensifs. N'était-ce pas là le signe du début de ma fin ? Moi qui était sage, vieille, ancienne même, au regard de tant d'autres, ne devais-je pas me comporter comme telle ?
Le Juge :
L'assemblée est muette, stupéfiée. Qui aurait pu penser qu'un être d'une si grande sagesse pouvait porter en lui une si grande et belle fragilité ? Celle-ci alliée à sa féminité nous émeut, nous atteint au plus profond de nos âmes. Je sais que je ne suis pas seul, que tous comprennent et partagent mes sentiments. Elle est la maîtresse de ces lieux sans en être la propriétaire, elle est reine de ce monde sans en être souveraine, elle commande, elle dirige, elle nous mène comme elle l'a toujours fait.
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Jugement premier
General FictionLa porte s'ouvre. Il entre dans la salle. Le plus grand moment de sa carrière est arrivé. Le procès de sa vie est là. Il est juge mais face à lui personne. Où est l'accusé ? Entrez dans un procès rocambolesque aux personnages tous plus originaux le...