Les Mésaventures de TronMan

Prologue

Philibert, trentenaire et prestigieux PDG de la vénérable boite vendant des croquettes nommée OrgasmoCanino, sirotait un jus d'orange avec un doigt de vodka.
Un gros doigt au vue de son air goguenard placardé sur le faciès.
Il se saisit prestement de son miroir portatif rangé sur son bureau en verre et admira allègrement son reflet. Il n'y avait hélas pas grand chose à contempler : deux petits yeux rapprochés d'un bleu terne, des sourcils brousailleux, un teint crayeux, une chevelure courte et sombre recouverte de gel et un nez à la fois tombant et épaté qui lui donnait des allures de grand benêt.
Mais un costume hors de prix met en valeur n'importe qui ! L'argent maquille tout et Philibert le savait bien.

Il était 11h48, il avait avait rendez-vous dans la cafétéria d'en face à midi pile et il devait encore envoyer un dossier important. Il n'avait aucune chance d'être à l'heure à moins que ...

« Janine ! Hurla-t-il à plein poumon.

- Oui Monsieur Lepolochon ? Demanda une jeune secrétaire aux chaussures et au tailleur bleu marine qui portait dans ses mains crispées un carnet et un stylo de cette même couleur.

- Pensez à envoyer le dossier AZDABHOE42 à Mr Colliquo ! C'est d'une urgence capitale ! Vous m'entendez ?!

- Oui Mr Lepolochon... soupira la dite Janine déjà surmenée pas la dose colossale de travail laissée par son patron quelque peu fumiste.

- Je ne serais pas de retour avant 15h donc vous enverrez aussi le ETLKEODN7 et le LDPCPEMZ4.

- Bien Mr Lepolochon. » Grogna-t-elle, se sentant plus esclave qu'employée.

Après avoir reluqué sans retenue le postérieur de sa secrétaire, Philibert jeta à son miroir un sourire de vainqueur. Ce fameux sourire qui lui conférait le charisme d'une huître pas fraîche...
Mais encore une fois il fallait faire avec ce qu'on a, et lui, il avait de l'argent à ne plus savoir qu'en faire.
Ce n'était évidemment pas un Bill Gates ou la Suisse mais il n'avait pas trop de souci à se faire pour ses vieux jours !

Quoi qu'il en soit, même si il ne pouvait miser que très peu sur son physique et encore moins sur ses qualités de discussion, Philibert pouvait parier sur son fric et sa chance.
Ah ça oui ! Il n'y avait pas plus chanceux que ce joyeux bougre !
Il n'avait pas fait de grandes études, il avait juste fait les bonnes rencontres au bon moment pour s'élever rapidement dans la hiérarchie d'une jeune boîte en pleine expansion. Sans oublier que le précédant PDG venait d'enterrer son fils et qu'il avait probablement fait un transfert sur le jeune Philibert qui avait ainsi bénéficié d'une belle promotion.

Après avoir redressé une mèche récalcitrante et poisseuse de gel de son front cireux, Philibert s'élança vers la sortie tout en adressant au passage un clin d'œil séducteur à Janine. Celle-ci l'ignora royalement et se plongea corps et âme dans le dossier AZDABHOE42.

L'air frais et pollué des rues parisiennes le prit délicieusement à la gorge quand il arriva sur le trottoir. De l'autre côté du boulevard se tenait sa conquête de la vieille : Une grande rousse aux yeux de biche dont il avait complètement oublié le prénom.

Il réajusta sa cravate de riche patron, prit un air important et avança sur la route sans penser à la phrase bien connue :  « Regarde à gauche et à droite avant de traverser  ».
Si bien qu'un éclair gris le faucha violemment et un flash blanc lui couvrit les yeux. La douleur se propageait dans tout son corps et la dernière chose qu'il vit avant de sombrer dans les ténèbres fut une petite voiture sale et sans prestance.

Lui, le grand PDG, venait de se faire faucher par une vulgaire Fiat Punto...

    ~~~O~~~

La lumière scintillait doucement autour de lui et il sentit que la douleur avait disparu.
Quant il ouvrit les yeux, il put admirer les grands arbres qui le toisaient et les coccinelles qui virevoltaient partout dans le ciel clair.

Il tenta de se redresser mais c'est là que tout se compliqua : il ne pouvait plus bouger à proprement parlé.

Rouler ou ramper à la rigueur...

Il était dans un endroit inconnu et s'était transformé en homme tronc !