I/ Bienvenu à Grabouilland !

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Dans sa position actuelle, Philibert avait une vue excellente sur les racines qui formaient un entrelac compliqué aux pieds des arbres. Évidemment, c'était loin de la vision qu'il espérait avoir de cette forêt inconnue mais compte tenu de son corps réduit au strict minimum, il devait s'en contenter. Philibert n'avait jamais fait de sport de sa vie et c'est avec grand peine qu'il réussit par un mouvement de balancier à se redresser sur son postérieur. Ce changement de position ne lui faisait certes gagner qu'une quinzaine de centimètres, mais c'était déjà mieux que d'avoir le visage à côté de ce qui ressemblait à un amas de déjections, au mieux, animales. La tête tournée vers le ciel, Philibert se mit à réfléchir sur le pourquoi du comment il avait pu se retrouver métamorphosé en un corps qui n'était évidemment pas le sien et téléporté dans une forêt qui n'était évidemment pas son bureau. Très vite, ses neurones en ébullition commencèrent à lui donner un mal de crâne auquel il n'était pas du tout habitué et il se résolut à stopper toute réflexion pour tenter de se déplacer. Ce fut une erreur regrettable puisqu'il finit par un malheureux coup du sort, la tête dans ce qu'il avait précédemment identifié comme étant de la merde.

Au même moment, un peu plus loin dans les bois, patrouillaient les lieutenants Henry Cèpes et Jean Bollet de la tribu des Adababoués 42. Les deux acolytes avaient reçu comme mission de trouver de quoi subvenir aux besoins du village et jusqu'à présent, les trouvailles étaient minces. Comme il était interdit à tout bon Adababoué qui se respecte de manger ne serait-ce qu'un champignon, être sacré parmis les êtres sacrés, et qu'en cette période d'Automne il ne pousse que ça, Henry Cèpes et Jean Bollet n'avaient eu d'autre choix que de se tourner vers les créatures qui courent vites, c'est-à-dire, les animaux. Après des heures d'attente, cachés derrière un buisson à l'odeur douteuse, ils avaient finalement réussi à capturer un lapin malade et couvert de tics. Prise rare et convoitée dont ils étaient très fiers. Cependant cela ne suffirait jamais à nourrir tout le village ! Tandis qu'ils réfléchissaient au moyen de diviser le lapin en quarante-deux parts égales, un bruit sourd retentit non loin d'eux. En suivant l'origine du bruit, ils tombèrent sur ce qu'ils crûrent être un cadeau des dieux. À leurs pieds se tenait la proie la plus pitoyable qu'ils aient jamais vu, un corps rectangulaire, sans bras ni jambes et dont la tête couverte d'immondices cherchait à se défaire. Attachant le lapin à son pagne, Henry Cèpes assomma d'un coup de gourdin la tête qui s'agitait et indiqua à Jean Bollet ce qui aurait dû être les jambes de la créature. Ils la soulevèrent avec une facilité qui les déconcerta tous les deux et l'emmenèrent jusqu'au village, tout heureux de leur découverte.

Quand il se réveilla, Philibert Lepolochon était encore plus perdu qu'avant. Déjà, il avait, il le sentait, une énorme bosse sur l'arrière du crâne dont il ne se souvenait pas la naissance. Et puis il était allongé sur une paillasse en hauteur dans un nouveau lieu inconnu entouré de « personnes » au physique bien plus dérangeant que le sien. Sûrement les géniteurs de ma bosse, pensa-t-il en se tortillant pour se redresser.

« Il a bougé ! » S'exclama une voix enfantine dans le public.

La voix en question provenait d'une fillette aussi haute que lui avec pour cheveux un énorme chapeau de pleurote. En y regardant de plus près, Philibert nota également que sa peau était proche de celle d'une truffe et que de la mousse poussait sur ses épaules. Il était tellement intrigué par la « champifille » qu'il n'entendit pas Henry Cèpes venu le présenter au chef du village.
Quand les mains spongieuses du lieutenant vinrent se poser de part et d'autres de son corps pour le soulever, Philibert eu un frisson qui le parcourut de la tête aux fesses.

« - Heuuu vous faites quoi là ? Vous m'emmenez où ? »Demanda-t-il dans l'espoir incongru d'une réponse qui ne vint évidemment pas. Face à ce vent magistral, Philibert préféra se taire jusqu'à son arrivée à destination.

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