5. Home shit home

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Au cours de la cinquième année, Daniel vint un matin dans mon dortoir,le visage ferme et décidé:

- Je viens avec toi au Gabon!

- La blague du poisson d'avril n'est valable que le premier jour du mois,tu le sais au moins?

- Je suis très sérieux Claude!

-Tu es tombé sur la tête ou quoi? Tu ne peux pas décider du jour au lendemain de venir au Gabon,que vas-tu y faire? De quoi vivras tu ? Connais-tu seulement un seul de tes compatriotes là-bas?! Et ta famille,tu y as pensé?

- Je croyais qu'on était citoyen d'un même pays,sans foi ni loi...

Sa voix s'était faite murmure. Au fil des ans nous nous étions créé un univers idéal, régi par la force que les expériences nous avaient donnés mais notre réalité se trouvait ailleurs,au-delà des murs de Mimetala, au-delà de l'Équateur, de la Bénoué, de l'Ogooué, là-bas sous le soleil luisant et piquant de midi,notre réalité attendait de pied ferme que nous l'affrontions.

- On a passé l'âge des contes de fée et des histoires de pirates,réveilles toi mon vieux! On ne peut pas fuir notre vie, quoique nous coûte cette lutte on va la mener et triompher. Où sont donc tes grands discours de dur à cuire,huh? Où est passée ta ténacité Señor Dani El Caïd?! Tu sais quoi? Nous irons déterrer nos fantômes, leur donnerons une bonne raclée,après quoi nous célébrerons  la victoire pour la vie...en attendant,ton idée de cavale tu l'oublies.

- Laisses-moi au moins t'expliquer le plan.

- Quel plan?!

-Le plan est qu'on finisse l'année et qu'on se casse d'ici, je retournerai chez moi et tu feras de même. Il me faudra juste 2 ans, si j'épargne assez je pourrais venir m'installer au Gabon. Le vieux Wonja connaît un réseau de passeurs pour les pays frontaliers, il me mettra en contact avec l'un d'eux.

Il mit autant de temps à détailler son plan,ne manquant pas de relever les éventuels obstacles auxquels il ferait face, à la fin de son plaidoyer j'étais admirative,même si l'idée me paraissait saugrenue,l'expression « Impossible n'est pas camerounais » prenait tout son sens.
Les choses ne se passèrent pas aussi facilement mais Daniel était là,c'est tout ce qui importait.

Un sentiment étrange m'habite alors que j'inspecte l'appartement. Décoré dans des tons blanc et noir, il a souvent été mon havre de paix, mon refuge contre les attaques extérieures et parfois l'objet de convoitise de quelques rares personnes qui ont eu l'occasion de franchir le seuil de la porte. Bien que la dame de ménage nettoie régulièrement,une odeur tenace y règne,c'est l'odeur de l'angoisse qui vous réveille au milieu de la nuit,le front dégoulinant de sueur,les sens en alerte comme parés pour une embuscade,puis les battements du cœur qui résonnent avec écho dans un espace trop vide. C'est le parfum des prochaines nuits sombres et solitaires que je passerai en compagnie de mon ombre et des fantômes de mon passé.

Une semaine! C'est le temps qui s'est écoulé depuis la dernière fois que j'y ai mis les pieds, avec tout ce qui est arrivé le temps me semble bien plus long,naturellement le malheur a cette magie là de rallonger les jours en semaine,les semaines en mois et les mois en...oh voici Oréo,mon animal de compagnie:c'est un tigre du Bengale.

- Salut toi, rhooo viens voir maman,allez viens mon Oréo.

- Hey! La clinique a appelé,ils disent que tu peux garder le fauteuil jusqu'à ce que tu te sois rétablie.

- Okaaaaay.

- Pour les séances de rééducation ils enverront un kiné dès demain,tu te sens prête?

- Je souhaite en finir le plus vite possible donc demain c'est parfait! Par contre il faudra que j'enlève tout les objets personnels dans le salon.

- Tu veux que je t'aide?

- Non,t'en as assez fait pour aujourd'hui,tu devrais rentrer et te reposer.

- Dis plutôt que t'attends un wolowôss hum hum

- Ta tête Daniel!

- Je t'aime aussi.

- Merci!

Le sang et la cyprineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant