24 mars 25XX, arrivée sur une terre inconnue

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     Cela fait maintenant plusieurs mois que nous naviguons quand nous apercevons enfin un bout de terre. Le soulagement est total car les vivres manquaient et l'humeur générale se dégradait. Un cri de joie s'élève à travers le bateau. Tout le monde s'active pendant que je dirige le bateau dans la direction indiquée par la vigie, située en haut du mât. D'après lui, celle-ci est située à environ une lieue. Nous longeons les côtes afin de trouver une crique pour amarrer. Nous en apercevons une au nord-ouest de notre position. L'ancre est lâchée et nous pouvons enfin rejoindre la terre ferme. Mes hommes se jettent sur le sable fin en hurlant de bonheur. Je partage leur joie mais je n'ose réagir comme eux. A vrai dire, je n'arrive pas à y croire. Je commence par regarder autour de moi, étonnée de ne plus voir cette étendue bleue à perte de vue. Il y a le sable blanc, des rochers gris et une forêt présentant toutes les nuances de verts possibles et inimaginables. Petit à petit, je commence à comprendre ce que cela signifie. Nous avons enfin atteint notre but : trouver une terre habitable. Les larmes menacent de me submerger. Je les retiens mais une seule parvient tout de même à couler sur ma joue. Eric, mon second, vient me voir et me confirme que ce n'est pas un mirage. Je hoche la tête. Je laisse mes compagnons s'extasier encore quelques instants, heureuse de voir que tout ce que nous avons traversé n'ait pas été vain. Je claque des mains afin de les rappeler à l'ordre. Notre premier objectif est atteint mais maintenant, il faut aller l'explorer et vérifier qu'elle soit réellement habitable. Le sérieux revient et après avoir donné mes instructions, le campement commence à se construire.

     Je regarde la position du soleil et je remarque que la nuit ne va pas tarder à tomber. Je décide donc de partir chercher de quoi manger. Les paquets lyophilisés sont presque finis, et à vrai dire, j'ai envie de " vraie " nourriture. Cela fait des mois que nous ne mangeons quasiment rien d'autres. Quelques souvenirs sombres remontent. Je secoue la tête afin de les chasser pour ne pas me laisser envahir. Je me concentre alors sur ma cueillette. En m'enfonçant dans la forêt longeant la plage, je hume des odeurs inconnues. Dans les anciens livres, ceux qui ont été sauvés avant la Catastrophe, les auteurs parlent de fleurs de formes et couleurs différentes. Les arbres possèdent aussi des formes, des feuilles, des couleurs et des fruits variés. Chaque parfum est unique mais cet ensemble hétéroclite me donne légèrement le tournis tout en m'émerveillant. J'ai l'impression d'être un nouveau-né ouvrant pour la première fois les yeux sur son monde. Dans un sens, c'est un peu vrai. J'ai quitté un monde entouré d'eau où seul le métal règne afin de garder les derniers survivants à la surface. Dans toute cette ville d'acier, chacun a sa place, son rôle. Nul ne peut déroger aux règles du Grand Prédicateur, vivant sur le seul bout de terre restant. Il a le pouvoir absolu et chacun se soumet à sa volonté. C'est pour cela que j'ai choisi d'entreprendre ce voyage. J'avais besoin de fuir et de vérifier par moi-même ses paroles. Je ne pouvais plus être son jouet dans son paradis. J'ai donc volé son meilleur navire avec mon équipage afin de vérifier mes théories. A ce souvenir, je souris. Je me demande encore comment il a réagi. Je me focalise de nouveau sur ce qui m'entoure quand je vois de gros objets ronds suspendus à un arbre. J'ai déjà vu leurs photographies dans un livre. Il me semble qu'ils ont appelé ça une " pomme ". J'en cueille une et je la sens. Je me demande si c'est vénéneux. Je la prends comme échantillon afin de la tester dans mon laboratoire. J'ai créé un sérum permettant de détecter tout organisme inconnu ou toxique pour les humains. Cette invention va permettre de nous faire gagner un temps précieux et surtout de ne pas laisser des innocents mourir. Il y a déjà eu bien trop de morts... Je continue ma promenade, tout en ramassant ce qui a l'air comestible et ce dont j'ai vu les dessins.

     En rentrant au campement, je me rends directement au laboratoire qu'ils ont construit en premier, comme je le leur ai ordonné. Je plonge chaque aliment dans des cuves séparées contenant mon sérum et je laisse agir la machine afin d'interpréter les résultats. La réaction dure environ une journée. Je ressors de mon antre, déçue de ne pas pouvoir manger ce que j'ai trouvé. Ça avait l'air tellement délicieux mais je ne veux courir aucun risque. Nous allons encore nous nourrir de ces infamies. Un feu est allumé au centre du camp afin d'ajouter un peu de convivialité. Pour la première fois depuis longtemps, la bonne humeur est de retour et même ces sachets sont presque mangeables. La nuit est tombée et chacun repart dans sa cabane, comme convenu pendant la construction. Nous ignorons ce qui rôde la nuit donc vaut mieux ne pas trop tarder et être en forme pour l'exploration le lendemain.

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