26 mars 25XX, au nord de l'île

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     Dès le lever du soleil, nous nous mettons en route vers le village. En cadeau, nous apportons des pelles, des pioches et des râteaux en métal. La veille, j'avais remarqué qu'ils ne possédaient que des outils en bois et en pierres. Le travail devait être douloureux et difficile. J'espère que ces cadeaux leur seront utiles. Arrivés au village, Murao nous accueille chaleureusement. Il excuse ses congénères de ne pouvoir dialoguer avec nous, étant donné que notre langue est oubliée de la plupart. On leur offre nos présents et les villageois semblent étonner que l'on possède ce genre d'objets, étant donné que nous avons vécu sur des bateaux. J'explique alors au chef qu'il y avait des champs sur certains bateaux et même des pâturages pour les animaux. Lors de la grande Catastrophe, certains de mes ancêtres ont pris des animaux et de la terre au cas où. L'expérience montre qu'ils ont eu raison, même s'ils étaient traités de fous sur le moment. 

     Mes hommes partent aider les villageois. La veille, nous avons discuté du fait que si nous devions vivre ensemble nous devrions les aider. Nous ne pouvons pas les laisser travailler, sans rien faire. Nous ne sommes pas des tyrans venus les envahir. Il me semble que dans l'Ancien Temps, les personnes des pays " puissants " ont envahi les pays plus " faibles " et leur ont imposé leur culture. D'après les livres, cela s'appelait la colonisation. Je refuse que nous fassions les mêmes erreurs que dans le passé. Je souhaite que nos deux cultures s'allient et s'entraident. C'est une vision utopique mais je pense que nous pourrons y parvenir, surtout si le chef du village partage mon avis. Murao m'entraîne sous sa hutte pour discuter politique. Il m'annonce que son village et lui sont favorables à une alliance entre nos deux tribus mais à la condition que nous respectons leurs traditions et participons à la vie collective. Nous serons autorisés à vivre dans le village après la création de nouvelles huttes. J'accepte ces exigences en ajoutant les miennes : je souhaite également qu'ils acceptent nos traditions. Je lui demande aussi de nous transmettre leur manière de vivre et de survivre dans la nature. En échange de cela, nous leur transmettons notre savoir technologique et scientifique afin d'améliorer leur mode de vie. Nous discutons encore un moment sur les détails de notre collaboration mais nous parvenons assez rapidement à un accord. Lors du déjeuner, nous ferons part de notre décision à l'ensemble des habitants de ce nouveau village. Nous sortons ensuite de cet espace sombre pour profiter de l'air frais. Il m'emmène vers la partie extérieure du village. Nous passons devant des petits champs qui sont à l'intérieur du mur d'enceinte. Je lui demande alors pourquoi avoir fait ce choix et il me répond que les ancêtres perdaient toutes leurs cultures à cause des animaux sauvages. Afin de s'en protéger, la plupart des champs ont été mis à l'intérieur des murs. En parlant de ça, il m'informe qu'il faudra les agrandir car nous ne pourrons pas tous loger au sein de celui-ci. Naturellement, je lui propose l'aide de mes hommes. Il accepte avec joie, étant donné que son village est majoritairement composé de femmes. En effet, je n'avais pas remarqué mais dans les champs, les travailleurs sont des filles. Même dans les enfants, lors de notre accueil, il y avait très peu de garçons. C'est probablement dû à un problème génétique mais je ne peux pas en être sur. Une sorte de cloche sonne et nous nous dirigeons vers le foyer. Les tables sont mises et le repas est prêt. Murao et moi montons sur une estrade et il commence à parler. Il explique tout ce que nous avons conclu puis demande un vote à main levé en accord ou non avec ce pacte. Étonnamment, tout le monde acquiesce en faveur de celui-ci. Si la politique est si facile, je ne comprends alors pas pourquoi il y a eu tant de guerres dans l'Ancien Monde. Il suffit juste de faire des concessions pour parvenir à un accord. Le déjeuner et le reste de la journée sont dédiées à la fête. Cette atmosphère est propice aux échanges entre nos deux cultures. Même s'ils ne parlent pas la même langue, les gestes et les regards suffisent à communiquer. Des mots qui semblent être des insultes fusent dans tous les sens entre les amis-ennemis : " baka " et " lura " sont ceux qui reviennent le plus. Je remarque aussi que les couples s'adressent tous de la même manière : " yobo " quand la femme s'adresse à son mari et " priya " quand l'homme s'adresse à sa femme. Je trouve cela mignon comme preuve d'amour. D'où je viens, il n'y a pas de manière précise d'appeler sa moitié et surtout l'envie de l'appeler par autre chose que par son prénom n'y est pas. Effectivement, la majorité des mariages sont arrangés par leurs parents. De toute façon, la seule mission de deux personnes de sexe opposé est de procréer afin de permettre la survie de la race humaine. C'est triste de penser comme cela mais l'amour passe en dernière position face aux plans du Grand Prédicateur. Je me sens soudainement las de cette société. Je ne souhaite plus jamais y retourner car la vie ici semble plus simple et plus agréable à vivre. Je décide donc de profiter de la fête avec eux. L'ambiance reste comme cela jusqu'à la nuit noire.

     A la fin de la fête, mes hommes et moi décidons de rentrer sur le campement pour ne pas les envahir subitement. Tant que nous n'aurons pas nos cabanes, nous ne vivrons pas avec eux.

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