1er mai 25XX, un nouveau départ

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     Je me réveille dans la grotte de la montagne. J'ignore comment j'ai pu arriver à l'intérieur. Je regarde autour de moi et je me rends compte qu'il y a un feu d'allumer et une couverture sur moi. Je continue à détailler l'endroit et je vois le petit-fils de Murao se tenir à l'entrée de la grotte. Il apprenait aux côtés de son grand-père la reprise du village. Ses parents sont morts d'une pneumonie lorsqu'il était petit garçon. Je parlais souvent avec lui au village, étant donné mes liens avec son grand-père et qu'il était son successeur. Il a dû sentir que je bougeais car il se retourne. Me voyant réveiller, il propose de retourner au village. Il ne me pose aucune question, ce que j'apprécie. Je ne cherche pas à savoir quand il est arrivé. J'ai peur de savoir s'il m'a vu. Si c'est le cas, je me sens honteuse. Rien ne vaut l'ignorance pour continuer à garder l'apparence. En rentrant, tout le monde m'accueille chaleureusement. Je suis presque une héroïne pour eux, alors que ce n'est pas le cas. Je n'en suis pas une. Je ne suis qu'une tueuse. Je mérite d'être punie, pas félicitée. La culture que j'ai tant voulue fuir m'a rattrapée. Pour garder mon paradis tel quel, j'ai dû faire quelque chose d'horrible. Plus jamais je ne ferai un acte comme celui-ci. Je n'ai pas envie de devenir comme le tyran de notre monde.

     Pour échapper à ces pensées moroses, je débute alors ma routine journalière. Je fais un tour du village où je note les choses à améliorer et si les habitants ont des choses à me demander. Ensuite, je pars labourer la terre jusqu'au déjeuner. Ce travail physique m'empêche de penser car la douleur musculaire est trop forte. Cela me fait du bien. J'ai l'impression de me purger de l'énergie négative que j'ai accumulé depuis hier. La tension dans mes épaules se relâchent légèrement. La cloche sonne pour le déjeuner. Comme tout le monde, je rejoins le foyer pour manger avec tout le monde. Comme à chaque repas, Murao doit dire quelques mots mais exceptionnellement, c'est son petit-fils qui le fait. Il nous demande malgré le tragique événement de la veille de ne pas se laisser assombrir par la négativité de l'individu qui nous a côtoyé. Même si c'était un ami, un compagnon et un habitant, il est nécessaire de comprendre que l'acte courageux de la chef du village a permis de sauver l'ensemble du village, que sans elle rien ne serait pareil et peut-être que nous serions tous mort aujourd'hui. A ces mots, mon coeur se resserre un peu plus. Je comprends ce qu'il veut dire mais je n'arrive toujours pas à l'accepter. J'ai juste besoin de temps pour digérer mon acte et surtout de comprendre toutes les implications de mon acte. Au repas, nous avons droit à des légumes et un peu de viande chassée le matin même mais j'y touche à peine.

     L'après-midi, nous retournons vaquer à nos occupations. Je pars à mon laboratoire tester de nouveaux médicaments, les enfants vont à l'école où ils apprennent les deux langues, à les lire et à les écrire, à chasser, à cuisiner et toutes les autres activités qui les intéressent. Les autres retournent chasser, pêcher ou cultiver. Je tente de me concentrer sur mes expériences mais à chaque fois, je pense à Eric. Je frappe la table du poing. Il faut que je m'échappe à ces souvenirs. Je pensais que d'avoir pleuré la veille aller me libérer mais non. Je quitte le laboratoire pour recommencer à labourer la terre. Je ne fais aucune pause. Mes muscles souffrent, me supplient d'arrêter mais je continue. Cette douleur est libératrice. Je ne pense plus à lui, à mon meilleur ami, à Eric. Chaque coup devient un supplice. Chaque coup bloque mes souvenirs. Chaque coup me rapproche petit à petit du déni. Je martèle le sol encore et encore jusqu'à ce que la cloche du dîner retentit. Murao réalise cette fois-ci la prière. Ginrô, le futur chef du village, se met à côté de moi et me demande de le suivre après le repas. Il ne me donne aucune information sur ce que nous allons faire. Nous dînons la même chose que ce midi. A la fin du repas, il me dit de l'attendre à l'entrée avant de s'éclipser. Quelques minutes plus tard, il apparaît devant la grande porte avec un baluchon. Nous sortons et je le suis. sagement Il refuse de me dire quoi que ce soit. J'ai l'impression que c'est un piège, même si j'ai confiance en lui. Néanmoins, j'ai remarqué que ma confiance n'est pas toujours accordé aux bonnes personnes, comme Eric...

     Le chemin monte mais avec les arbres et la nuit noire, je n'arrive pas à savoir où nous sommes. Le feu de la torche de Ginrô nous éclaire peu. Enfin, j'aperçois la lune sans aucun nuage autour d'elle, comme si elle voulait nous éclairer pour nous montrer la beauté de cette scène. La falaise est haute et nous voyons la mer à perte de vue. La lune se reflète dessus et des milliers d'étoiles en argent semblent être à l'intérieur. C'est magnifique, j'en ai le souffle coupé. Il m'explique alors pourquoi je devais me rendre ici. Le corps de Eric a été jeté ici, de cette falaise. Ce lieu est donc sa tombe. Quand je l'apprends, les larmes que je retenais inconsciemment se déverse sur mon visage. Imaginer qu'il se repose dans un aussi beau lieu me réconforte plus que je ne l'aurais cru. Mes jambes flanchent et mes bras se mettent à trembler. Les efforts de la journée me tombent dessus, sans que je puisse m'y attendre. Ginrô reste un moment en retrait, me permettant de réaliser une partie de mon deuil en paix et en toute sérénité. Puis, il ouvre son baluchon pour me déposer une couverture sur le dos et me donner quelque chose à manger. Je suis touchée de cette attention car il a remarqué que je n'avais presque rien mangé dans la journée. Il mange avec moi, en silence. Nous restons quelques heures à profiter du silence de la falaise et du bruit des vagues se fracassant contre la falaise. En voulant repartir, je suis incapable de me relever. Mes jambes ne se sont toujours pas remises des efforts de la journée. Je monte alors sur le dos de Ginrô qui me transporte jusqu'au village sous l'oeil bienveillant de la lune et des étoiles. 

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