25/ Une Trouble Vérité

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     Nuage d'Obsidienne se leva un peu avant l'aube, se fit une toilette complète et posa un regard ému aux deux novices qui partageaient le tronc creux avec elle :

Nuage de Balbuzard et Nuage de Puma étaient collés l'un à l'autre comme deux marmottes en pleine hibernation. Leur sommeil était lourd et calme. Pourtant les deux jeunes avaient perdu leur père, Griffe d'Ours, dans la dernière bataille. L'absence du paternel avait solidement soudé la fratrie. Elle aurait bien voulu connaître la compagnie d'un frère ou d'une sœur...

Mais si Nuage de Puma ne semblait pas lui reprocher la mort de son géniteur, Nuage de Balbuzard lui, la fusillait continuellement du regard.

Après s'être longuement étirée et assurée que sa fourrure de jais soit soigneusement lustrée, la jeune féline sortit et savoura la fraîcheur matinale. D'ici peu l'air serait lourd et une chaleur brûlante envahirait les lieux.

Il lui restait peu de temps avant son entraînement avec Langue de Vipère alors elle se précipita vers l'antre de la guérisseuse.
Après s'être frayée un chemin dans l'épaisse tanière ronceuse et renforcée par des pierres et des rameaux épineux, elle chercha sa proie de ses larges prunelles.
À l'intérieur, l'ombre menue de Fleur de Lierre dormait encore. Son sommeil paraissait beaucoup plus agité que celui de Nuage de Puma et son frère.

« Debout ! » lança gaiement Nuage d'Obsidienne.

Son aînée redressa vivement la tête mais aucune peur ou surprise ne vint ternir ses prunelles vert pâle.

« Que veux-tu ? siffla la guérisseuse, sur ses gardes.

- Je pars en patrouille, peux-tu vérifier ma blessure avant mon départ, ronronna la novice avec un air sournois qui se voulait affable.

Fleur de Lierre se doutait bien qu'il y avait anguille sous roche mais elle garda le silence et se leva souplement. La guérisseuse examina la morsure avec une minutieuse attention puis se détourna et commença à préparer la mixture.
Ses gestes étaient réfléchis et scrupuleux. Tous ses sens semblaient accaparés par la tâche qu'on leur avaient confié comme pour éviter de réfléchir à autre chose.

Quand elle s'avança avec la patte couverte d'un cataplasme verdâtre Nuage d'Obsidienne découvrit ses crocs dans un rictus mauvais avant de déclarer sur un ton mutin :

« J'espère que tu n'as pas oublié les baies empoisonnées ou le gui dans le mélange cette fois ! Ce serait bête que tu échoues de nouveau à me faire disparaître »

La dernière phrase se voulait drôle mais l'animosité suintait dans chaque mot.
La femelle brun sombre se figea, tendue, avant de continuer obstinément ce pourquoi on l'avait formée toute sa vie durant.

« Si tu voulais que je disparaisse tu aurais tout aussi bien pu me laisser mourir ! J'étais si mal en point que personne ne se serait douté de rien. J'avais en plus cru comprendre que les guérisseurs du clan de l'Ombre se servaient volontiers des poisons pour achever leurs patients comdamnés au trépas !

- Je ne suis pas une meurtrière moi... feula l'interessée, les yeux baissés comme pour fuir son regard inquisiteur.

- Pourquoi ? Pourquoi avoir fait ça ? » gronda en retour Nuage d'Obsidienne.

Pas de réponse.
Fleur de Lierre préférait ranger ses remèdes avec une maniaquerie qui frôlait la tare.
La cadette, les oreilles rabattues revint à la charge :

« La question est simple !

- Mais la réponse est compliquée. Fiche le camp.

- Débrouille toi, je veux savoir. Pleurs de Louve et toi aviez bien une raison !

LGDC ~ Une Dangereuse Sérénade ~  I. RancœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant