Un Dîner

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Il était assis dans son canapé, plongé dans la lecture d’un livre dont il avait oublié le nom et l’intrigue. Il n’arrivait pas à suivre. Il venait de reprendre pour la onzième fois la même phrase et n’en comprenait toujours pas le sens. Il finit par se relever en refermant l’ouvrage, de toute façon il ne parviendrait pas à lire ce soir.

Depuis le coup de fil de Baptiste, il avait du mal à se concentrer sur tout. Plus rien ne semblait l’intéresser, son esprit était toujours ailleurs. Il se fit couler un café, alors qu’il était épuisé et qu’il ne pensait qu’à dormir. Il s’insulta mentalement en se rendant compte de ce qu’il faisait. Il appuya ses coudes sur le plan de travail et prit sa tête entre ses mains. Il se sentait pathétique.

Dans un élan de rage, il retourna vers le salon, prit son téléphone en main, et s’apprêtait à appeler la personne « responsable » de son malheur. Mais il en fut bien incapable. Il se mit à pleurer. Il ne tournait vraiment pas rond.

- Tu devrais aller te coucher, Azz ! Ça ne sert à rien de ruminer.

Cette réflexion lui venait de son colocataire, qui devait en avoir marre de le voir ainsi depuis plusieurs jours.

- Je t’ai réveillé ? s’inquiéta Azzeddine en essuyant ses larmes.

- Ma chambre est collée à la cuisine, et y’a un idiot qui a voulu se faire un café à 1h du matin, s’agaça son colocataire.

- Je suis désolé Etienne, souffla Azzeddine.

- Je te comprendrai s’il y avait un match PSG-OM en rediffusion, mais c’est pas le cas, plaisanta Etienne.

Azzeddine n’eut même pas le cœur à rire. C’était devenu presque impossible pour lui, et il s’en voulait.

Il avait été heureux que Baptiste l’appelle. Malgré la fin de leur histoire, il l’aimait toujours autant, ils avaient juste décidé d’un commun accord, de ne pas continuer à deux. Ils avaient bien essayé, mais il manquait toujours une personne pour les rendre pleinement heureux. S’ils s’étaient acharnés à vouloir fonctionner à deux, ils auraient fini par se reprocher mutuellement le départ de Julien, et ils se seraient déchirés.

Julien…

Son ancien amant lui manquait tellement. Il se souvenait des soubresauts de son cœur, lorsque Baptiste lui avait appris qu’il l’avait retrouvé. Il se souvenait de son désir spontané de sauter dans sa voiture et tout abandonner pour les rejoindre à Angers. Pourtant il avait refusé de le faire. Il avait écouté sa raison, et sa raison lui disait de rester aussi loin de cette histoire que possible. Il avait assez souffert de cette séparation, trop. Alors quand Baptiste lui avait dit que Julien était marié, avait une fille et qu’il n’avait pas réussi à lui parler, il avait su que c’était trop tard.

- Va les rejoindre, soupira Etienne.

Azzeddine se retourna vers lui, stupéfait et, effrayé.

- Tu n’arrives plus à rien depuis qu’il t’a appelé, fit remarquer Etienne, alors prépare un sac, prends quelques jours et va les rejoindre !

- Non ! J’ai assez donné ! s’énerva Azzeddine.

- Peut-être, murmura Etienne, mais c’est ce que tu veux au fond, non ?

Azzeddine voulut répliquer mais les mots restèrent bloqués dans sa gorge. Il claqua sa langue contre son palais, en colère contre lui-même. Il ne pouvait décemment pas démentir les dires de son colocataire. Etienne avait raison, au fond, tout ce qu’il voulait c’était sauter dans le premier train pour aller rejoindre Baptiste et Julien. Aider le premier à faire comprendre au second que c’était avec eux que se trouvait le vrai bonheur. Pourtant quelque chose l’empêchait de bouger. Sa tête et son cœur ne lui disaient pas la même chose.

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