Les Parents

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- Ressers-toi Azzeddine ! Ne te gêne pas ! lança joyeusement Yann.

- Je vous remercie, mais je crois que je ne peux plus rien avaler ! sourit le jeune homme en posant une main sur son ventre.

Baptiste passa amoureusement un bras autour de ses épaules, un sourire aimant aux lèvres.

- T'en fais pas, ils ont toujours l'impression que je meurs de faim, donc ils font à manger pour un régiment quand je suis là, se moqua-t-il.

Yann lui lança sa serviette à la figure en riant. Son fils n'avait pas tout à fait tort, ils faisaient toujours trop à manger quand il était là. De vrais clichés ! Il faut dire qu'il était particulièrement maigre, Yann s'était toujours demandé où il mettait ce qu'il avalait.

- C'était délicieux, merci, s'enthousiasma Azzeddine.

- Oh je t'en prie, ce n'est rien, souffla Laurent.

Laurent était courtois, après tout, il n'avait rien à reprocher à Azzeddine, loin de là ! C'était un garçon charmant. Seulement, son esprit était ailleurs.

Il observait Baptiste depuis qu'ils étaient arrivés tous les deux, quelques heures plus tôt. Il rayonnait, sa bonne humeur était contagieuse et Laurent pouvait dire qu'elle n'était pas feinte, comme c'était trop souvent le cas avec lui.

Quand il les avait prévenus par message qu'il venait avec Azzeddine, Laurent n'avait pas su vraiment comment réagir. Une part de lui était heureuse que son fils ait retrouvé au moins l'un de ses deux amants, mais l'autre se demandait ce que cela signifiait pour tout le reste. Retrouver Azzeddine ne lui donnerait pas tout ce qu'il voulait. Ce qu'il voulait c'était avoir Julien aussi.

Seulement, Laurent ignorait comment le troisième homme réagirait au retour de son deuxième amant. Allait-il fuir ou se jeter dans leurs bras ? Il ne pouvait se fier qu'à sa propre expérience. Sans doute « un peu des deux ». Fuir tout en voulant se jeter dans les bras de la personne qu'on aime vraiment, ou dans le cas de Julien des personnes qu'on aime vraiment. Et Baptiste dans tout ça ? Comment allait-il le vivre ? Allait-il encore souffrir ? Est-ce qu'il pourrait se contenter de n'avoir qu'Azzeddine ?

- Arrête de réfléchir, lui chuchota discrètement son compagnon. Tu rumines tellement que ça se sent dans toute la pièce.

Laurent soupira. Yann le connaissait vraiment par cœur. Il posa une main sur sa cuisse, il avait besoin de soutien. Ce n'était pas simple de voir son fils dans une situation sans doute pire que la sienne au même âge. Il sentit les doigts de son amant se nouer aux siens et les serrer fort.

- Bon les garçons, on vous laisse débarrasser, plaisanta Yann, il y en a qui ont encore beaucoup de travail !

Laurent sourit intérieurement et songea : « quel habile changement de sujet ».

- C'est de l'exploitation ça ! s'offusqua faussement Baptiste.

- Et j'assume tout ! Ce n'est pas comme si le juge pouvait encore faire quelque chose, tu as dépassé l'âge légal depuis quelques temps !

Baptiste regarda son père les yeux écarquillés et un large sourire aux lèvres. Tout le monde se mit à rire autour de la table, mais cela ne suffit pas à faire taire les réflexions de Laurent ! Combien de temps Baptiste allait-il garder ce sourire ? Dans quel état reviendrait son enfant dans une semaine ?

Yann prit d'autorité sa main pour l'attirer vers le canapé avant que Baptiste ne se rende compte de quelque chose. Laurent était de ces gens qui ont l'incroyable capacité à vous transmettre leur stress. Il détestait ça plus que tout. Il était déjà assez stressé seul, sans que son compagnon n'en rajoute une couche ! et encore moins en présence de leur fils !

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