Chapitre cinq

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Mon sac m'échappa des mains. Hosana se tenait près du guide, il en avait été ainsi durant toute la visite. Désormais, sa poitrine se soulevait anormalement et ses lèvres restaient scellées, incapables de prononcer un traître mot.

Nous avions atteint un point de non-retour. Quelle en serait l'issue ?

Même si je restais calme, mon corps témoignait d'une tension extrême. Je ne voulais pas mourir aujourd'hui. Pas si jeune. Je n'avais encore rien vécu, rien appris de la vie si ce n'était qu'il fallait se donner les moyens de réussir ; rester bon, honnête et courageux qu'importe les épreuves que nous serions amenés à vaincre, qu'importe les personnes que nous serions contraints d'affronter.

J'avais un fiancé, nous étions amoureux, fous l'un de l'autre. Nous avions des projets, dont celui de réunir trois générations dans la maison de nos rêves.

Tout allait s'arrêter. Ce monstre en finirait, il n'aurait aucune pitié. Mon existence s'achèverait là, injustement. Qu'avais-je fait ? Méritais-je une mort pareille, sans mes proches à mes côtés ? Pour quelle raison subirais-je la démence d'un homme ? Parce que mon putain de téléphone se serait mis à sonner, m'éjectant au centre de la scène – ou plutôt devrais-je dire de la cible ?

Je pensais à Edwige. L'ordre des choses s'inverserait arbitrairement. Comment justifierait-on ce coup du sort ?

Je voyais déjà mon nom inscrit en première page des journaux, associé au terme de « victime », présente au mauvais endroit au mauvais moment. Je refusais de m'y soumettre.

À peine ces pensées eurent-elles le temps de cheminer jusqu'à mon esprit qu'une vive douleur traversa mon être, déchira ma chair, m'arrachant un hurlement guttural empreint de souffrance. Mes larmes se mêlèrent à mes cris. Le sang fusa à toute vitesse dans mes vaisseaux.

Je tombai lourdement sur le sol, tachant le parquet usé de gouttes vermeilles. J'agrippai ma cuisse droite perforée par la balle. Vittoria se rua près de moi, pressant la plaie afin de stopper l'hémorragie naissante. Au-delà de la douleur indescriptible que je ressentais, je compris que je jouais ma vie désormais... Rien ne me terrifiait plus que cela.

Je puisai dans mon énergie afin d'apaiser les battements de mon cœur. Il m'était impossible de réfréner le sentiment de terreur qui se logeait en moi. La voix de Vittoria, pourtant à quelques centimètres, me semblait si lointaine.

— Vous avez quelques secondes pour former deux colonnes, ou bien une autre balle part ! ordonna Vassilis d'une voix nettement plus grave.

Je me persuadais que l'un d'eux oserait s'en prendre à lui, qu'il en perdrait son arme et serait neutralisé par la police après un coup de fil d'urgence.

Rien de tout cela n'eut lieu. Les événements s'enchaînèrent avec une rapidité inhabituelle. En quelques minutes à peine, le guide nous conduisit au niveau inférieur, rebroussant chemin dans un calme déstabilisant. Lui qui depuis le début de la visite paraissait perdre ses moyens, faisait soudain preuve d'un hermétisme déroutant.

Les mâchoires serrées, je n'eus d'autre choix que de me laisser porter par un grand gaillard du comité et la frêle Vittoria qui peinait à me soutenir trop longtemps.

Dire que nous venions de traverser le sous-sol l'air de rien, ignorant tout de ses intentions...

Avec ses œuvres symbolisant une nature morte, la pièce avait l'air d'un autel. Une série de frissons secoua mon corps. Le sang continuait de se déverser de la plaie. J'éprouvais un effroi sans égal à l'idée d'y rester. Je ne pleurais pas, je me sentais anesthésiée, comme paralysée. Seul mon esprit surchauffait, encombré d'idées colériques, désireux d'une vengeance qui viendrait.

FugaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant