Chapitre vingt

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Attica

— Contre quoi luttez-vous ? Pourquoi vous faites-vous violence à ce point ?

La présidente du comité souffla. Sa patience s'amenuisait. Elle attendait sans doute que Tremblay lance l'assaut, mais elle ignorait que cette phase d'inactivité s'avérait indispensable pour le reste de l'opération.

— Écoutez, voici ce que je vous propose. Vous relâchez une partie des otages – disons six étudiants. Je m'engage à réduire votre peine de cinq ans d'emprisonnement et soixante-sept mille livres sterling d'amende.

— Vous me croyez aussi idiot ? Comment pourrais-je avoir confiance en vous ?

— Vous ne le pouvez pas. La confiance n'est pas acquise, elle se gagne.

— Bon sang, Attica, murmura Tremblay à mon attention. Vous n'êtes pas censé le provoquer !

— C'est mon terrain, la prévins-je en coupant momentanément le micro. J'ai toutes les compétences requises pour me trouver sur ce siège, en ce moment-même, alors veuillez me laisser gérer cette négociation comme je l'entends.

La lieutenante s'indigna. Le ministre de l'Intérieur intervint :

— Décidément, personne ne mâche ses mots ce matin. Nous vivons une situation insolite et j'ai conscience que cela vous effraie... Mais restez professionnels, par pitié !

Tremblay se ravisa de rétorquer ; une prime pendait au bout de son nez. J'en profitai pour réactiver le microphone.

— Veuillez m'excuser de vous avoir mis en attente.

— Oh, je n'aimerais pas vous dissiper ou vous mettre dans l'embarras... Après tout, une équipe se doit de rester soudée dans de telles circonstances.

Les dents serrées, je jurai silencieusement. Foutues nouvelles technologies. Il avait tout entendu.

— Bon, soyons raisonnables. Vous séquestrez quinze personnes depuis plus de vingt-quatre heures. Souhaitez-vous écoper de la peine capitale ? Je parle de minimum vingt ans de réclusion criminelle... argumentai-je.

— Vous cherchez à m'intimider ?

— Je discute avec vous, ni plus ni moins.

J'inversais surtout les rôles. Si je parvenais à l'influencer psychologiquement, en créant le contraste d'une image positive et négative dans son esprit, je le désamorcerais.

— Ce n'est qu'au-delà du septième jour que vous ne pourrez plus rien faire pour moi, contra-t-il avec assurance.

Échec et mat. Bien sûr qu'il s'était renseigné jusque dans les moindres détails...

En effet, si Randy libérait volontairement les otages avant le septième jour – et sans atteinte physique – alors il verrait sa peine allégée. Dans le cas contraire, s'il refusait de coopérer, les forces de l'ordre seraient contraintes d'intervenir. Randy écoperait de vingt ans de prison, ou cette affaire se solderait par une effusion de balles.

Clémence suggéra un nouveau compromis : nous diffusions son visage auprès des médias s'il nous indiquait le lieu où il retenait les garants.

Cette fois, j'accusai de copieuses injures.

Je ne me démontai pas et tentai de dresser son portrait psychologique. De toute évidence, Randy se prenait pour un justicier. Sa volonté d'éradiquer le déterminisme social et les inégalités, notamment financières, le plaçait au bord du précipice. Il se fichait de passer le restant de ses jours derrière des barreaux. Il n'en voulait pas seulement à Aaricia, il en voulait à toutes les personnes qui l'avaient négligé. Tout ce qu'il désirait était de les voir payer pour leur ignorance.

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