III.

137 28 52
                                    

Maintenant que vous avez fait connaissance avec parents, je vous autorise à faire ma connaissance.

Ce n'est plus un secret pour personne, je m'appelle Maya. Maya Claire Rogers.

Claire était le prénom ma grand-mère maternelle. Oui, ma mère s'est aussi attribué le choix de mon second prénom. Elle avait sans doute décrété suffisant pour mon père de me donner son nom.

Je n'ai jamais connu mes grands-parents maternels, ils sont décédés peu de temps avant que maman ne tombe enceinte. Pour tout vous dire, je ne sais pas grand chose d'eux. Seulement qu'ils s'appelaient Claire et Georges, et qu'ils vivaient dans une jolie petite maison située dans la banlieue de Londres.

Papa les avait rencontrés quelques rares fois. Il faut dire que les dix heures de vols qui séparaient le continent américain de la capitale britannique était un frein aux réunions familiales hebdomadaires.

De ce dont il se souvenait, papa me trouvait une ressemblance flagrante avec grand-mère. Apparemment, j'aurai son regard, le même regard dont maman avait hérité.

Parfois, papa me regarde à la dérobée, et lorsque je croise finalement son regard, il ne peut s'empêcher de soupirer : « C'est fou comme tu lui ressembles... ».

Pendant longtemps, je m'en suis voulu pour ça. Si papa voyait maman ou grand-mère à chaque fois qu'il me regardait, il ne pourrait jamais l'oublier ! Bien sûr, je n'ai jamais vraiment voulu qu'il l'oublie au sens propre du terme. D'ailleurs, j'ai toujours su que c'était impossible. Je voulais seulement qu'il n'y pense plus, juste quelques instants, qu'il ne revive plus ce passé douloureux à chaque fois qu'il croiserait mon regard.

En grandissant, j'ai arrêté de m'en vouloir. D'abord, j'ai compris que je n'y pouvais rien, et ensuite, je me suis vu changer.

Petite, j'avais la peau ivoire et les joues légèrement teintées de rose, comme maman. J'avais aussi ses cheveux, de grosses boucles brunes. J'imagine le regard amusé des passants nous voyant toutes les deux côte à côte déambulant dans la rue. Il n'y avait aucun doute, j'étais bien sa fille !

Mais petit à petit, mes traits se sont affirmés pour ressembler d'avantage à ceux de mon père.

A dix huit ans, j'ai désormais la peau légèrement hâlée, parsemée de tâches de rousseurs bordant le dessous de mes yeux et le haut du nez. Je bronze d'ailleurs à une vitesse folle, et pour ça j'en remercie mon père, adieu les coups de soleil ! Pour autant, j'ai gardé ce côté rosé sur les pommettes, ce qui me donne constamment l'air d'une enfant. Pour accentuer le tout, j'ai des joues rebondies. Mon père adore me taquiner dessus. À force, je me suis habituée et je ne relève d'ailleurs même plus (enfin, c'est ce dont j'essaie de me convaincre). Je tiens ce visage arrondi de mon autre grand-mère, Jackie, la mère de papa.

Jackie est à moitié américaine, à moitié vietnamienne. Ses origines asiatiques expliquent sans aucun doute sa peau rebondie presque dépourvue de rides malgré ses soixante-sept ans passés. Papa en revanche n'a rien d'asiatique. Il a pris d'avantage de son père, John, de qui il tient les yeux vert, les fameux. D'après ce que montrent les photos accrochées dans le vestibule de leur maison, John, dans sa jeunesse, était un grand et beau brun ténébreux. Jackie devait rendre les autres filles folles de rage...

Aussi comme Jackie, je ne suis pas très grande, et plutôt menue. J'attends péniblement les uns mètres soixante-deux. Et encore. Le jour de la visite médicale, j'avais opté pour une queue-de-cheval haute qui je suis sûre, m'a fait au moins gagner un centimètre.

Maman, elle, tâtonnait les uns mètres soixante-huit. Petite, je lui demandais sans cesse combien elle mesurait. J'avais hâte de grandir. J'avais hâte d'être une grande dame. J'avais hâte d'être comme elle.

Comment je suis tombée amoureuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant