Chapitre 2

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Emery 

 Cela fait maintenant plus de deux heures que je m'évertue à faire une ganache ainsi que le glaçage qui recouvrira mes génoises, mais rien n'y fait, je loupe tout ce que j'entreprends.

Pour ne pas salir mes cheveux, je repousse une mèchedu dos de la main et souffle toute mon exaspération. Ce n'est pas en ratant mes préparations et en livrant des gâteaux foirés que je vais remonter la côte du salon de thé, ainsi que le niveau financier...

Il faut dire que la soirée d'hier m'obnubile.

Lorsque j'ai vu ce couple danser avec tant de complicité et de sensualité, j'ai été hypnotisée et cette vision ne quitte pas mon esprit. J'ai toujours rêvé de pouvoir bouger mon corps de cette manière, aussi agilement, mais je dois avouer que mes deux pieds gauches et ma grande timidité ne m'y aident pas vraiment.

J'aurais aussi aimé faire comme les filles, laisser cet homme entrer dans mon espace personnel, que ce soit juste pour quelques minutes ou pour une nuit, mais j'en suis totalement incapable. Peu importe ce que je fais, Julian est dans chacune de mes pensées, dans chaque pore de ma peau, et je ne peux pas faire autrement. Mon amour pour lui est encore bien présent et il m'est impossible de me détacher de tout cela. Quelles que soient les circonstances, mon corps et mon cœur ne réclament que lui, inlassablement.

Comment pourrais-je donc offrir quoi que ce soit à quelqu'un d'autre ? Même si je le pouvais, je ne le veux pas. Je m'y suis résolue, je finirai seule avec pour unique compagnie les souvenirs de tout ce que j'ai perdu. C'est ainsi.

Malgré mon incapacité à me concentrer, je réussis tout de même à terminer et à livrer mon entremets à temps. Ma cliente semble très satisfaite, me félicite pour mon travail et mon professionnalisme, même si mon avis est tout à fait contraire au sien. J'ai vraiment la sensation de ne pas avoir donné le meilleur de moi-même, d'avoir bâclé ma confection, mais il est maintenant trop tard. Dans le fond, cela importe peu tant qu'elle me recommande et que cela permet de remplir mon carnet de commandes. Je n'ai plus qu'à prier ma bonne étoile, si elle est toujours bien au-dessus de ma tête, ce dont je doute fortement ces derniers temps.

De retour à la maison, je m'octroie une pause bien méritée sous la douche. L'eau chaude glisse sur mon épiderme et emporte avec elle la tension de mes muscles, mais laisse intact mon chagrin.

Enroulée dans ma serviette, je peigne mes longs cheveux bruns encore humides et les laisse sécher à l'air libre. Je passe une main sur le miroir pour en enlever la buée et observer mon reflet. Les épreuves des derniers mois ont laissé bien des stigmates. Des cernes se sont creusées sur mon visage. Mon regard autrefois pétillant s'est éteint, toute joie l'ayant définitivement quitté. Je n'ai plus rien de la jeune femme que j'étais autrefois...

Après avoir enfilé un legging et un débardeur noir, mon accoutrement de prédilection quand je suis chez moi, je m'assieds sur le canapé, attrape la télécommande et mon plaid avant de m'installer confortablement et d'allumer la télévision. Gaufrette saute sur mes genoux, grimpe jusqu'à ma tête et frotte son museau contre ma joue. Je l'attrape, la blottis contre moi et la câline. Elle émet un petit miaulement plaintif.

— Oui, je sais, à moi aussi il me manque...

Depuis plus de deux ans, cette petite chatte fait partie de ma vie et comble ma solitude. Julian et moi l'avions trouvée, errante, à quelques mètres de notre appartement, et j'ai eu un coup de foudre pour ce petit animal qui avait l'air perdu et terrorisé. Je me rappelle avoir bassiné mon mari pendant des heures pour la ramener à la maison, avant qu'il ne cède sous mes yeux doux, comme souvent. Il ne pouvait jamais rien me refuser...

All the things we lost Tome 1 [SOUS CONTRAT D'EDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant