Chapitre 3

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Emery


Le reste de la semaine s'est déroulé sans encombre, sans crise de larmes majeure. Il y a bien eu quelques moments de nostalgie et de peine, mais je les ai rapidement mis de côté.

Au fond de moi, je sais que le docteure  Russel a raison, je dois accepter tout ce que je ressens, le comprendre, pour pouvoir ensuite m'affranchir de ces émotions négatives et reprendre une vie plus ou moins normale. Mais j'en suis totalement incapable.

C'est tellement plus simple de tout nier, de cloisonner, d'emprisonner mes sentiments dans mon esprit et dans mon cœur. Si je ne le fais pas, je vais m'effondrer et ce ne sera vraiment pas beau à voir. Ma peine me submergera, je me noierai sous le flot incessant de mon chagrin et je ne suis pas certaine de pouvoir me relever. Je dois tenir le coup. Il le faut.

Pour l'heure, j'ai de nouveau rendez-vous avec les filles au Moody's, comme tous les vendredis. Sans que je ne sache pourquoi, pour la première fois depuis que nous faisons cela, je n'en ai pas envie. Ce soir, j'ai juste besoin de rentrer à la maison et d'être tranquille. Je n'ai pas compté mes heures de travail au salon de thé, sûrement pour ne plus penser, et je suis éreintée.

Sur le chemin, je sors machinalement mon téléphone de ma poche et constate trois appels manqués. Un de Pénélope, deux d'Octavia. Je regarde l'heure ; j'ai un peu plus de quinze minutes de retard, probablement dues à mon manque de motivation.

J'appuie sur la touche du rappel automatique, laisse sonner deux fois avant que l'une d'elles décroche.

— Ah, enfin ! raille Péné' au bout du fil.

— Je suis là dans cinq minutes !

— On en est déjà à notre deuxième verre. Ramène tes fesses, et vite !

Sans autre préambule, elle raccroche.

Quel tact !

Mon amie a toujours été ainsi : râleuse, boudeuse, mais aussi marrante et franche. C'est pour toutes ces raisons que je l'aime tant... D'apparence, elle peut paraître bien souvent froide et toujours de mauvaise humeur, mais dans le fond, c'est une grosse guimauve qui ferait n'importe quoi pour les personnes auxquelles elle tient. Un point commun de notre trio, au final. Nous donnerions notre vie pour chacune de nous.

Quand j'arrive, les filles m'accueillent avec un grand sourire. Même Pénélope, qui ne semble absolument pas contrariée malgré ses protestations téléphoniques.

Je m'installe à leurs côtés. Instinctivement, mes yeux fouillent les environs.

« À vendredi... »

Aucune trace de ce danseur aux cheveux blonds comme les blés. Mes muscles se détendent, l'atmosphère également. Ce n'est pas que je n'ai pas envie de le revoir, mais être de nouveau face-à-face avec mes démons ne m'enchante guère. Face à la honteuse réaction qu'a engendrée ma fuite il y a une semaine, non plus.

— Tu cherches quelqu'un ? Un mec baraqué, beau, qui bouge divinement bien, peut-être ? s'enquit Tavia, amusée.

— Non... non. Pas du tout, bafouillé-je. Je regarde, c'est tout. Alors, quoi de neuf, les filles ?

Lamentable tentative de détournement de conversation.

Ces dernières échangent un regard entendu, signe qu'elles n'ont pas dit leur dernier mot et qu'elles me cuisineront en temps voulu.

— Rien. Que du vieux, bougonne ma ronchonneuse préférée. Mais demande à Tavia, sa vie est trépidante ces derniers temps !

En moins d'une seconde, je pivote vers ma voisine. Elle détourne son visage comme si elle n'avait pas entendu notre échange, ses yeux me fuient et ses pommettes ont légèrement rosi, preuve qu'elle me cache quelque chose.

All the things we lost Tome 1 [SOUS CONTRAT D'EDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant