Chapitre 5

1.3K 150 22
                                    

Austin

Le nez dans le moteur d'une Chevrolet Corvette de 1982, je peste intérieurement. Depuis ce matin, impossible de trouver le problème. J'ai eu beau tout démonter et remonter, deux fois d'affilée, cette voiture refuse de démarrer.

D'ordinaire, peu importe le modèle, sans me vanter, aucune mécanique ne me résiste. C'est d'ailleurs pour cette raison que Rob, mon patron, ne me vire pas alors que ce n'est guère l'envie qui lui manque. Je ne peux pas vraiment l'en blâmer : j'arrive toujours avec au moins trente minutes de retard, l'envoie chier à longueur de journée et prends plus de pauses qu'il veut bien nous en accorder, à moi et aux autres gars. Mais je fais le boulot comme personne ici, alors il se contente de marmonner dans sa barbe lorsqu'il m'aperçoit, sans jamais rien me dire ouvertement.

Pourtant, aujourd'hui, cette saleté de bagnole ne veut rien entendre. Je me redresse, et de rage, balance mon pied contre la roue avant puis ferme brutalement le capot.

— Hé ! Doucement avec ce petit bijou !

De l'autre côté de l'atelier, planqué sous une Dodge Challenger, Brett m'interpelle. Il fait rouler son chariot de visite, s'extirpe agilement de la carrosserie avant de se relever.

— Un souci ?

— Cette caisse me donne du fil à retordre, m'agacé-je.

Sceptique, il arque un sourcil.

— Le roi de la mécanique n'arrive pas à trouver le problème ? C'est une grande première ! ironise-t-il. Qu'est-ce qui ne va pas ?

— Je suis certain que c'est la pompe d'injection, mais même en la changeant, ça ne fonctionne pas.

— Tu as vérifié l'arbre à cames ?

— Tu me prends pour un débutant ? C'est la première chose que j'ai faite.

Vexé, je me renfrogne et croise les bras sur ma poitrine. Quelque chose m'échappe. Je ne sais pas quoi, mais j'ai forcément dû louper un truc.

— Je vais essayer de remplacer le bloc-cylindres, reprends-je. Tu en penses quoi ?

— On peut toujours tenter. De toute façon, tu n'as rien à perdre. Au pire, la pièce sera bousillée pour rien.

— Et je me ferai tuer par Rob.

— Il ne te fait jamais aucune réflexion et tu le sais parfaitement.

J'acquiesce, un immense sourire aux lèvres. Je suis conscient que, parfois, mon attitude peut donner l'impression que j'œuvre ici en maître, mais il n'en est rien. Même si le boss et moi nous engueulons souvent, je suis à même de savoir où se trouve ma place, c'est-à-dire, tout en bas de l'échelle. Honnêtement, cela me convient parfaitement. Je n'ai jamais eu l'ambition ni la prétention de vouloir détenir mon propre garage. Ça représente bien trop de responsabilités, trop de règles à respecter et trop de contraintes. Je suis un petit mécanicien, libre comme l'air. Rien de plus, rien de moins et c'est très bien comme ça. Et puis, de toute façon, ma vie est ailleurs.

Armé du bloc neuf que j'ai récupéré dans la réserve, je démonte la pièce et, à l'aide de mon collègue et ami, assemble le reste avec la nouvelle.

Brett et moi travaillons ici depuis quelques mois. C'est lui qui m'y a fait entrer quand je me suis retrouvé sans emploi, après des moments plutôt difficiles. Nous passons donc le plus clair de notre temps ensemble, que ce soit dans notre vie professionnelle ou privée, créant ainsi des liens comme je n'en ai jamais eu avec personne d'autre, hormis mon frère. Même si je ne l'avoue jamais, Wyatt et lui sont les seuls sur qui je peux compter les yeux fermés.

All the things we lost Tome 1 [SOUS CONTRAT D'EDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant