Olivia déambulait depuis moins de cinq minutes dans le haras de Beauvoir aux côtés de son père. Elle avait attaché Layl à la barrière d'un pré, derrière les écuries. L'étalon se trouvait hors de sa vue et cela la contrariait, mais elle avait préféré le laisser à l'écart des autres chevaux. Elle savait que ce serait pour une courte durée puisqu'elle avait la ferme intention de partir en promenade avec lui, en compagnie du duc.
Il y avait de l'agitation à travers la propriété. Aujourd'hui n'était pas un jour ordinaire. Madame Jourdain, la mère d'Agathe, prenait le thé dans le jardin d'été avec celle d'Olivia. En effet, Valmond ayant enfin demandé la main de son amie à Monsieur Jourdain, qui l'avait par ailleurs accepté pour gendre avec joie, les deux femmes en profitaient pour parler noces et cérémonie.
Madame Jourdain et la duchesse – qui se connaissaient depuis fort longtemps – étaient ravies de cette union. Jeanne de Beauvoir n'avait pas émis la plus petite objection au fait qu'Agathe fût issue d'une famille bourgeoise et donc sans le moindre titre de noblesse. Les Jourdain étaient tous deux couturiers de grand renom, et leur maison avait très bonne réputation. Monsieur faisait des costumes sur mesure pour les hommes, tandis que Madame se chargeait des robes et de la confection de corsets pour les dames. Ils avaient aussi deux ouvrières à leur service. Agathe, quant à elle, apprenait le métier auprès de ses parents depuis plusieurs années, ainsi que ses deux sœurs cadettes, des jumelles prénommées Rosalie et Emma. Elles étaient toutes trois passionnées de mode, et un jour, elles reprendraient la maison.
Dès qu'elle avait eu vent de la nouvelle, Olivia avait décidé de tirer parti de cette réunion entre les deux mères pour passer du temps avec son père adoré. Valmond et Agathe se promenaient dans la roseraie, et la jeune femme ne tenait pas à s'imposer. Au contraire, elle était ravie de les laisser seuls et d'accaparer le duc.
— Je n'ai pas vu votre voiture, Olivia. Seriez-vous venue avec l'un de mes chevaux ? l'interrogea celui-ci avec un sourire.
— En effet, répondit évasivement sa fille, s'amusant à faire planer le mystère.
Elle avait hâte de lui montrer les progrès de Layl. Il n'en croirait pas ses yeux ! Le monstre qu'il avait tant décrié était devenu un véritable ami.
— Laissez-moi deviner... Chance ?
— Non.
— C'est étrange, j'aurais plus misé sur elle que sur Ritournelle ou Kouros.
— Pourquoi donc ?
— Chance a plus de sang. Ritournelle est une pouliche fort docile et Kouros n'est pas téméraire. Je vous ai connue plus joueuse.
— Peut-être me sous-estimez-vous, déclara Olivia, dont les lèvres s'étirèrent sur un sourire malicieux.
— Éclairez-moi, vous savez que je ne suis pas homme de patience, la gronda gentiment le duc.
— Et si nous partions en promenade, seulement tous les deux ? Il y a si longtemps... éluda sa fille, amusée de le faire trépigner un peu plus.
— Vous êtes d'humeur mutine aujourd'hui ! Qu'il en soit ainsi, je vais chercher Taqshar.
Taqshar étaitlecheval du duc de Beauvoir. Un pur-sang arabe d'une beauté exceptionnelle à la robe entièrement blanche, bien qu'il fût considéré comme gris du fait de ses yeux et sa peau foncés. Si Olivia avait une affinité particulière pour cette race, c'était grâce à cet étalon. Elle avait été charmée par son caractère fougueux, son élégance quand il se mouvait, sa fière encolure arquée, son profil concave ainsi que sa queue qu'il tenait presque toujours en panache. Une créature de rêve qui avait longtemps nourri ses songes.
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NARCISSE
Tarihi KurguOlivia, fille adorée du duc de Beauvoir, n'aurait jamais imaginé qu'en acceptant de s'unir au froid et taciturne Narcisse de Vaire, elle épouserait la solitude. Après leurs noces, les semaines s'écoulent, puis les mois, sans que Narcisse ne se décid...