Chapitre 3

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-Tu es toujours comme ça?

Il lève le nez de ses documents pour poser les yeux sur moi. Il n'a pas décroché un mot depuis que je l'ai rejoint. La nuit tombe, nous sommes les seuls encore présents dans le service. Il fait partie des personnes qui en leur compagnie te donne l'impression d'être seul. 

-Toujours comme quoi?

-Toujours comme une coquille vide. Je sais que tu ne voulais pas te retrouver impliqué là dedans mais le temps passera plus vite si on papote un peu, tu ne penses pas? 

-Je ne pense pas. 

Il réajuste sa petite paire de lunettes de vue pour se replonger dans ses affaires. Je soupire, cette soirée promet d'être soporifique. Il saisit sa petite calculette et se jette à corps perdu sur les touches.

-Tu n'es pas du genre a te fendre la poire entre-deux calculs pas vrai? je m'esclaffe. Julie ne peut pas s'en empêcher, une véritable pipelette.
-Effectivement ce n'est pas mon genre.

J'ai toujours été d'un naturel sociable alors, la plupart du temps, les personnes introvertis titillent ma curiosité. Je les vois souvent comme des challenges personnels à relever. Aussi étonnant que cela puisse paraître, je ne l'ai su capable de rire seulement après l'épisode de l'ascenseur. Me voir éjecter de la sorte mon supérieur l'avait fait rire malgré lui. Depuis aucun signe d'apaisement n'avait traversé son visage, pas une trace, pas une once de naturel. Il avait toujours un visage tiré, concentré sur son devoir et hors de portée de ceux qui l'entouraient. Peut-être qu'au fond cela n'avait rien à voir avec le naturel, peut-être qu'il était simplement ainsi.

Mon portable vibre. C'est un message de mon père, je glousse en lisant son petit texte. Depuis que Charlie est à la maison le pauvre angoisse à l'idée de ne pas lui plaire. Il n'en montre rien devant elle mais il fait bien plus d'efforts qu'elle ne pourrait le croire. Avec le nombre de conseils qu'il me quémande, mon paternel est monté bien vite au sommet de mes conversations.
Mon collègue ne réagit pas, je me penche vers lui amusée,

-C'est mon père, j'explique, il a décidé d'adopter une fille il y'a peu mais il peine à trouver un plat à la fois équilibré et appétissant pour le dîner. Avec moi il ne se prenait pas la tête, on avait le droit à des coquillettes au jambon.

Sans lever la tête, il me tend sa main. Je fronce les sourcils, incrédule un long moment avant de comprendre qu'il souhaite que j'y dépose mon téléphone. A trop le fréquenter je finirai presque par devenir télépathe. Cet homme s'exprime bien plus par des gestes que des paroles. 

Sans comprendre ce qu'il fait, je le vois taper quelques mots sur ma barre de recherches. Un site de recettes pour débutants qui m'était jusque là méconnu s'affiche, il partage le lien avec mon père. 

-Ils donnent de bons conseils, souffle-t-il en me rendant l'appareil. Il verra. 

Surprise, j'acquiesce. Snow man qui enflamme les fourneaux une fois chez lui? Je ne m'y attendais pas à celle-là. Je ne saurais expliquer pourquoi mais cet homme m'intrigue, j'ai envie d'en savoir plus, d'en voir plus que les autres à son sujet. C'est un défi de taille mais heureusement pour moi, j'ai l'âme joueuse.
Nous bouclons les premières directives que nous nous étions imposées pour la soirée dans un silence des plus complet. Celui-ci  s'interrompait par moment sous les notifications de mon père ou de Julie sans que mon collègue n'y prête attention.

Nous quittons les bureaux et alors que je me dirige vers l'ascenseur, je constate qu'il ne me suit pas. Je questionne l'homme du regard.

-Je préfère prendre les escaliers, déclare-t-il.

Il me donne parfois l'impression d'être une véritable lépreuse. Je ne bronche pas, le saluant d'un petit revers de main accompagné d'un sourire.
Les portes s'ouvrent, je déglutie en découvrant mon supérieur. Je n'ai pas d'autre choix que d'entrer, il le prendrait comme une démonstration de faiblesse si je ne le faisais pas. Je soupire, pourtant mal à l'aise, mon poing me démange rien qu'à la vue du visage de cet abruti. Je n'ai pas la moindre envie de me retrouver seule avec lui. Les portes se referment doucement quand soudain deux mains viennent s'interposer. J'appuie sur le petit bouton à ma droite pour laissé entrer Stan. Il se positionne entre l'homme et moi comme si de rien était. 

-Je croyais que tu préférais les escaliers? je lui souffle. 

-J'ai le droit de changer d'avis, non? 

J'affiche un petit sourire, reconnaissante de son geste. Mon boss toussote pour attirer l'attention.

-Je vois que vous avez suivit à la lettre mes ordonnances tous les deux, j'espère que tout cela vous aura fait réfléchir. 

Mon sang ne fait qu'un tour à l'entente de son ton narquois. Il ne paye rien pour attendre. 

-Comment comptez vous rentrer Black?

-En bus, je grogne, pourquoi lui aussi il a besoin de réfléchir?

L'homme se racle la gorge pour se donner de l'assurance. 

-Une femme ne devrait pas prendre le bus à une telle heure, je vous raccompagne. 

J'arque un sourcil. Il... quoi? Et puis quoi encore? J'entrouvre la bouche pour l'envoyer paître lorsque, contre toute attente, c'est Stan qui prend la parole. 

-Trop tard, elle a déjà accepté ma proposition, vous la raccompagnerez un autre jour. 

Mes yeux s'ecarquillent.

-J'ai fait ça, moi?

Stan reste droit comme un piquet, les yeux rivés sur les portes, faisant mine ne de pas remarquer mon étonnement. Sa voix est posée, c'est un bon acteur. 

-Tu ne t'en souviens pas? 

Je me secoue, tiltant enfin. 

-Si, si, j'avais zappé...

Le hall se présente à nous. Mon boss disparaît comme un voleur, ne nous adressant pas le moindre au revoir et ce n'est pas plus mal. Je me pose sur l'une des places assises, observant de loin mon arrêt de bus qui ne verra rien passer avant une bonne vingtaine de minutes. Je préfère attendre ici qu'au froid.
Mon collègue déjà devant les portes, se retourne en constatant que je ne suis pas ses pas.

-Qu'est-ce que tu attends?

Je le questionne du regard.

-Attends tu étais sérieux? Tu comptes vraiment me raccompagner?

-Bah oui, enfin je me disais que ce serait plus avantageux pour toi, avoue-t-il. Ce mec n'est pas un cadeau alors... Enfin si tu ne veux pas, je ne t'y obligerai pas, ce n'était pas dans mes plans de toute façon. 

Je ne me fais pas prier pour décamper. J'agrippe son bras comme le ferait de vieux amis en lui adressant un petit sourire, il est tout gêné. Je ne pensais pas qu'il pouvait être si prévenant. 

-Tu es trognon snow man finalement. 

Il me dévisage, perplexe. 

-Snow quoi?

-Rien, je pouffe, je te remercie c'est tout.











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⏰ Dernière mise à jour : Apr 29, 2020 ⏰

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La drôle de vie de Rachel BlackOù les histoires vivent. Découvrez maintenant