Acte II.

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    La peau froide comme du marbre et les veines bleutées qui ressortaient. Les yeux grands ouverts qui fixaient le plafond, la bouche à moitié fermée et du sang à la commissure des lèvres qui coulait jusqu'à ses clavicules. Un bout de verre planté dans la pommette, un autre pas loin de sa tempe, au niveau de la ligne capillaire. Le dernier en plein dans le coeur, planté avec force, sans aucune hésitation dans le geste. Une chemise tachetée de rouge sur son torse glacé et un masque doré qui gisait à ses côtés.

    Un corps ensanglanté sur le carrelage blanc de la pièce, c'était ce qui reposait sous les yeux de Bang Chan. Ça ne faisait pas longtemps qu'il avait intégré la brigade de police de la ville et il tombait déjà sur des affaires de ce type. Il s'était préparé à voir des scènes comme celles-ci, un peu gores et ensanglantées qui font flipper à la télé. Il savait qu'un jour il aurait affaire à un corps sans vie ou meurtri mais il ne s'était pas dit que ce serait ce jour-là.

    La matinée avait pourtant commencé presque normalement. Il s'était levé à 6 heures, comme à son habitude, en frappant d'un coup précis son réveil pour qu'il arrête de hurler. Il s'était servi un bol de céréales qu'il avait plongé dans du lait et les avait dévorés devant sa vieille télé grésillante qui repassait les mêmes émissions ringardes en continu. Puis il avait posé le récipient dans l'évier, au côté du reste de la vaisselle qui attendait patiemment d'être lavé. La radio réglée sur sa station préférée, Chan avait pris sa douche en criant des paroles qui ne signifiaient rien, dans aucune langue du monde, et avait effectué quelques pas de danse devant son miroir embué. C'était sa routine chronométrée, ce qu'il faisait chaque matin sans dérailler.

    Une fois bien séché, habillé et après avoir coiffé ses cheveux blonds indomptables, il avait allumé son téléphone. Et c'est à cet instant-ci que la matinée bien minutée de Chan s'était changée en quelque chose de moins joyeux. Les notifications affichaient «chef», «chef», «chef» et encore «chef» à l'écran. Il avait reçu de son chef des dizaines d'appels à 2 heures du matin ainsi que des messages qui lui disaient de bouger son cul ou d'autres mots vulgaires dont il avait maintenant l'habitude.

  Par des enchaînements d'autres coups de téléphone, d'engueulades et de passages au poste, il se retrouvait maintenant là, dans ce lycée excentré de la ville qui n'avait jamais fait parler de lui auparavant.

Tu vas l'fixer longtemps ce pauv' gars ? demanda une voix, surgissant derrière lui.

Oh ! s'exclama Chan en sursaut. Chef, excusez-moi. Je ne m'y attendais pas.

Si j'te fais peur, j'me demande comment tu peux r'garder ce gamin dans les yeux.

C'est... C'est parce que c'est fou, je trouve. C'est comme si ses dernières émotions étaient restées figées dans ses yeux... On dirait une lueur de peur dans son regard.

Ça doit sûrement être ça.

Oui ç-

C'est bien triste de mourir dans des toilettes mais aller, le coupa l'homme d'une cinquantaine d'années, remballe tes affaires.

De quoi ?

J'sais pas moi. Si t'es v'nu avec quelque chose, ramasse-le. Vaudrait mieux pas l'oublier ici.

Radio Killer | SKZ Où les histoires vivent. Découvrez maintenant