Déclaration

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− Gab’s, tu m’as manqué !

− Oh toi aussi Capucine !

  Je l’ai prise dans mes bras. Ça faisait 2 semaines qu’on ne s’était pas vues, elle habite à la campagne et il est difficile pour elle de se rendre en ville pendant les vacances : ses parents travaillent et il n’y a pas de bus scolaire. En réalité, elle s’appelle Gabrielle mais c’est un peu long donc je lui ai trouvé un petit surnom. Elle a souri, ce qui a dévoilé ses fossettes. C’est tellement mignon ! Elle a coupé ses cheveux blonds, ils lui arrivent maintenant aux épaules, ça la grandit un peu. Bon après, du haut de mes 1m75, je trouve une bonne partie des élèves de ma classe petits. Elle est arrivée avec ses éternelles Vans et…

− Oh ce sont les chaussettes que je t’ai offertes ! Je remarque.

− Oui, elles sont stylées ! J’ai peur de les mettre en dehors de la maison pour ne pas les abimer mais je me suis dit que ça te fera plaisir de me voir les porter.

  Je lui réponds alors que je suis contente qu’elles lui plaisent. D’un coup, je me sens emportée par des bras. Je me retourne et je vois une fille bronzée, aux cheveux noirs très longs. Je n’ai pas le temps de réagir, elle me fait un gros câlin et d’autres personnes se rajoutent. C’est Lisa. Je l’étreints à mon tour, puis je répète le geste envers Sélène, qui est d’origine Chinoise. Elle a les yeux en amande, ses cheveux noirs, lisses et épais sont coupés en carré. Enfin, Julie me salue. Elle est très belle je trouve, ses cheveux mi-long, de couleur miel, lui tombent sur les épaules. Des yeux verts se cachent derrière une paire de lunettes et elle a les lèvres bien dessinées. Même si elle a un an de moins que nous, la différence ne se voit absolument pas.

− Bon Lisa, lâche un peu Capucine, elle va attraper le Coronavirus. Intervient Gabrielle dans un éclat de rire.

− Mais ne t’inquiètes pas, nous sommes tous vaccinés maintenant. Lui répond Lisa.

  En effet, tous les élèves sont vaccinés contre la maladie qui a emporté maman. Le vaccin a été commercialisé et un maximum de la population française est immunisée contre cette maladie. Il y a 3 ans, quand j’avais 14 ans, la propagation de Coronavirus était colossale. C’était extrêmement contagieux, la France entière devait respecter des gestes barrières tels que : limiter les contacts physiques, se laver les mains toutes les heures… Et puis les mesures de sécurité se sont durcies, le peuple français devait rester confiné dans leur lieu de vie, les cours ont été suspendus, tout le monde faisait son possible pour limiter les contacts avec le monde extérieur. Nous étions en quarantaine chez nous, et c’est vrai que la quarantaine enfermée dans un appartement, c’est pas chouette. Heureusement qu’il y avait mon frère à la maison et Clément sur le palier d’à côté. Tous les jours, ou presque, on se retrouvait sur le balcon et on écoutait de la musique, on se racontait nos vies, on essayait de s’occuper. J’ai même réussi à lui faire lire un livre ! Pour passer le temps, on lisait chacun notre tour un chapitre à voix haute pour en faire profiter l’autre.

  Je me souviens d’une soirée ou nous étions tous les deux sur notre balcon respectif, nous avions enfilé un gros sweat qui tient chaud et nous mangions les pâtes que nous nous étions préparées. On a regardé la fin de notre ‘’série de confinement’’ et puis nous avions mis de la musique. Un peu trop fort, certes, mais rien ne résiste à Michael Jackson ! On s’est donc fait une soirée du feu de dieu, à minuit, avec de la musique forte, qui a sans doute réveillé une partie des voisins, à deux, sans alcool (qui a dit qu’on avait forcément besoin d’alcool pour s’amuser ?), avec nos dégaines qui tuent et nos plaids. N’empêche, cette soirée était géniale ! Et puis vers 2 heures du matin, on s’est dit qu’il serait peut-être judicieux de dormir. C’est ce que nous avions fait : nous nous sommes endormis sur notre balcon, à la belle étoile.

  La sonnerie vient de retentir, le cours de maths va commencer. Su-per. C’est vrai que je ne suis pas fan des maths, mais au moins, j’ai des voisins assez bavards et j’ai toujours un crayon dans la main pour dessiner dans le coin des pages. Dans un certain sens, je suis bizarre. Je fais partie des rares élèves qui comprennent la logique des mathématiques et je dois avouer que je m’en sors plutôt bien dans cette matière, mais je n’aime vraiment pas calculer. Mon truc c’est la français et la littérature, et puis tout ce qui demande à mes mains de fabriquer quelque chose, mais ça, c’est à part.

  Après avoir discuté avec [louis c], mon voisin et appris qu’on allait bientôt changer de place, la sonnerie a retenti et j’ai enfin pu aller en pause me dégourdir les jambes et me remplir l’estomac. Comme à mon habitude, je me suis réveillée en retard ce matin et j’avais donc décidé de louper le petit déjeuner, ce que mon ventre me fait regretter.

− J’ai une faim de loup ! Me fait savoir Gabrielle qui me rejoint à la sortie de la salle de classe.

− Eh bien, allons à la cantine nous acheter un petit truc à manger. Je n’ai pas pris de petit déjeuné ce matin et je meurs de faim ! Lui ai-je répondu.

  Alors que nous nous dirigions vers la cantine, Noé, un garçon assez timide de ma classe vient nous voir avec un donut (surement acheté à la cantine) et me l’offre.

− J’ai entendu dire que tu n’avais pas déjeuné ce matin, dit-il pour se justifier. Tiens, prend-le, c’est pour toi. Il sourit, tout gêné.

− Oh, merci. Lui répondit je, moi aussi gêné et prise au dépourvu.

  Gabrielle m’a regardée en m’interrogeant du regard, un sourire à la fois complice et interrogateur, lui aussi, est apparu sur ses lèvres.

− J’ai l’impression que Noé a quelque chose à te dire, tu me raconteras. M’a-t-elle lancé dans l’oreille avant de reprendre la parole plus fort : je vous laisse, apparemment je suis de trop.

  Ok, là c’est inattendu, de quoi est-elle au courant ? Et puis comment ça, Noé a quelque chose à me dire ? On ne s’est quasiment jamais parlé depuis le début de l’année scolaire. Comment que ça se fait que Gab’s ressente le besoin de s’éclipser à ce moment précis ? C’est bizarre cette histoire quand même. Bon, il ne faut pas que tu t’éparpille, garde tes idées claires Capucine. J’affiche mon sourire le plus rassurant, il a l’air de pas mal stresser le pauvre, et le remercie encore une fois pour le beignet en lui confirmant que j’avais super faim et que c’était super gentil de sa part.

− Bah de rien, c’est normal après tout. Dis, Capucine, j’aimerai te demander un truc. M’annonce-t-il avant de fixer ses chaussures, une paire de Puma bleu marine qui passe partout.

  Euh, non, justement, on ne se connait à peine et tu m’offre un petit déjeuné, c’est tout sauf normal. Je l’ai pensé très fort mais je me suis retenue de le lui dire, ce n’est pas très sympa. A la place, j’opte plutôt pour :

− Tu as l’air assez stressé, ne t’inquiète pas, je ne vais pas te manger. Et j’ai décroché mon plus beau sourire.
− Pour commencer, je trouve que tes chaussures sont géniales !
− Euh, merci. Après tout, c’est normal, ce sont des converses, lui ai-je dit dans un éclat de rire bref, afin de détendre un peu l’atmosphère. C’est frustrant, je sens qu’il tourne autour du pot !

  Il a ri à ma remarque, ouf ! Il parait encore très mal à l’aise, ce n’est pas très agréable de passer la pause en se regardant dans le blanc des yeux. Moi qui ne m’en sors pas trop mal quand il s’agit d’éviter de tourner une conversation à la gênance suprême, on peut dire que ce n’est pas gagné pour l’instant.  J’ai très faim et malgré moi, je perds un peu patience. Mon camarade de classe ne fait aucun effort pour relancer la conversation, j’ai l’impression de perdre mon temps. Je fais de mon mieux pour ne pas laisser mon énervement se lire sur mon visage. Je suis très expressive et cela m’a déjà joué des tours, hors de question de lui faire perdre le peu de confiance en lui qu’il a. je me décide donc de relancer la conversation moi-même pour essayer de ne pas passer une mauvaise journée.

  Noé, qu’as-tu de si important à me dire qui nécessite une conversation en privé ? L’ai-je interrogé.

  J’ai fait en sorte de le mettre au pied du mur, il me reste 3 minutes avant que la sonnerie retentisse, j’aimerais savoir de quoi il en retourne et pouvoir avaler ce qui ressemble le plus à un petit déjeuné. Il a pris une grande inspiration puis s’est lancé :

− Depuis un petit moment, je réfléchi beaucoup par rapport à pleins de sujets différents. Je me suis rendu compte que beaucoup de gens croient que je sui gay, ce qui est faux. Je pense très souvent à toi, je te trouve vraiment chouette et j’aimerai bien pouvoir sortir avec toi, si ça ne te dérange pas.

  Wow, je ne m’attendais pas du tout à ça ! Enfin si, c’était un peu prévisible, mais demandé de cette manière-là, je ne sais même pas quoi en penser ! On a 17 ans, je pense qu’on a passé l’âge de poser ce genre de questions, son manque d’expérience se remarque vite. Je vais essayer de ne pas le brusquer et d’avoir le plus de tact possible. Et voilà que la sonnerie se fait entendre, bon, je vais essayer de faire au mieux pour ne pas être trop en retard. Normalement ça devrait aller, la professeure d’espagnol a toujours un peu de retard.

− Alors, pour commencer, je t’avoue que je suis surprise, je ne m’attendais pas du tout à ce que tu me poses une telle question ! Je suis désolée, je n’aime pas trop répondre à ces questions là mais je vais essayer de faire rapidement, j’ai cours. Je t’avoue que je te vois comme un ami et je t’avoue que je n’arrive pas à ma projeter dans un futur, plus ou moins proche, avec to en tant que copain. Ce n’est pas de ta faute, ne t’inquiètes pas, tu es une très bonne personne et je suis convaincue que tu trouveras chaussure à toi pied. Je m’excuse mais je dois vraiment filer. Viens me parler plus tard si tu veux.

  Je lui ai lâché mon plus beau sourire, faute de mieux et je suis partie rapidement vers ma classe d’espagnol, je n’aime vraiment pas arriver en retard ! J’ai englouti mon petit déjeuné et suis rentrée dans la salle. Heureusement, le cours n’avait pas encore commencé.

Ce n'est pas la bonne couleurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant