Sanctuaire

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Ce dimanche est passé relativement vite. J'ai décidé de ne rien faire. Tant pis pour mes devoirs. J'en avais fait quelques-uns vendredi soir mais je n'avais ni la force, ni l'envie de les finir aujourd'hui. Certes, ce n'étais pas assez mais je suis une bonne élève, il ne va rien m'arriver. Et au pire, je m'en fiche royalement. Je suis restée solitaire et en retrait dans ma chambre. Malgré toutes les questions que j'avais dans la tête, j'ai préféré lire et broder toute la journée. Ces deux activités sont si reposantes ! Au cours de l'après-midi, j'en ai eu un peu marre de rester dans la même pièce. J'ai enfilé un sweat, un jean, des converses, je me suis attaché les cheveux à la va-vite et je suis sortie me promener. Mon téléphone est resté, volontairement, sur mon lit. Je n'en n'ai pas besoin. Il faut que je fasse une coupure et le meilleur moyen d'y arriver, c'est de laisser son téléphone de côté.

Je me promène sans trop savoir où je vais, je vagabonde dans les rues et je me laisse guider par mon instinct. Il fait plutôt beau aujourd'hui et c'est agréable de sentir la douce chaleur du printemps naissant à travers les rayons de soleil qui inondent les rues que je traverse. Je m'arrête et ferme les yeux un instant pour apprécier cette chaleur délicate sur mon visage que je tourne vers le ciel.

Pour la première fois de la journée, je me retrouve seule face à mes pensées. Elles se déversent dans ma tête en un flot violent. Elles sont écrasantes. Je rejoue la soirée d'hier en boucle dans ma tête. La remarque déplacée d'Hugo par rapport à mes yeux. Le sourire de Romain à l'ouverture de son cadeau. Mes danses avec Clément. La surprise de croiser Ethan. Et Elena. Le bien être qui s'est emparé de moi lorsque je me suis allongée dans l'herbe. Je me souviens de tout avec lucidité. Tout est très clair dans ma tête. A l'évidence, je n'ai pas bu tant d'alcool que ça. Je n'ai même pas eu la gueule de bois ce matin. Je n'étais donc pas sous l'emprise de l'alcool quand Elena est venue me provoquer. Je ne comprends pas, Ethan a affirmé à Clément que j'étais bien allumée alors que lui-même sait quelle quantité d'alcool j'ai bu. Pourquoi ne lui a-t-il pas raconté la vérité ? Et je ne me suis pas battue du tout ! Je n'ai pas touché cette fille une seule fois. Alors pourquoi raconter à Clément une version qui n'est pas fidèle à la réalité ? D'un côté, je dois avouer que ça m'arrange : moins de personnes sont au courant de cette altercation peu commune, mieux je me porte. Même moi, je ne sais pas vraiment ce qu'il s'est passé. J'ai été submergée par un tas d'émotions destructrices comme la colère, la haine, la rage la tristesse et, je pense, une pointe d'amour et de nostalgie. Ce que j'ai ressenti à ce moment là est inexplicable. Je n'arrive pas totalement à comprendre, alors expliquer ça à Clément, laisse tomber.

Au final, je ne sais pas vraiment ce qu'Ethan a compris de la situation. J'espère qu'il saura répondre à mes interrogations ! Mais d'un autre côté, comment il pourrait avoir compris ce que moi-même, je n'ai pas compris. Comment peut-il expliquer ce débordement ? Et comment diable connaît-il Elena ? En tout cas, il m'a l'air d'être une personne fiable, sinon il aurait expliqué en détail la situation à Clément. Je lui suis reconnaissante du fait qu'il n'ait pas voulu prendre de risque en racontant ce qu'il avait compris. Je n'ai rien à redire quant à ça. Mais il sait forcément quelque chose. Déjà, une chose est sûre, je ne suis pas normale. Je suis complètement bizarre. De la tête aux pieds.

Je ressens une connexion étrange avec la nature, mais toutefois, agréable. Je suis capable de m'énerver avec une grande puissance. Je suis capable de trouver un objet pour me décharger de mes sentiments négatifs. Un éclair bleu jaillit de mes doigts quand j'ai des pensées qui ravivent un sentiment de haine. Et pour terminer, je ressens une main invisible sur mon épaule. Rien de tout ça n'est normal. Je dois être folle, personne n'arrive à faire ça. Mon esprit doit être vraiment tourmenté pour inventer de tels évènement. Et le comble, c'est que j'y crois !

Oh maman, si seulement tu pouvais être là !

Une larme coule sur ma joue. Mes pieds me mènent jusqu'à un recoin. Cette rue est vraiment étroite mais je décide de m'y aventurer. Je me retrouve à l'entrée d'un parc qui m'est inconnu. Il semble vraiment petit. Des buissons et des arbres sont plantés le long d'un chemin qui mène à une unique place ronde. L'herbe pousse de partout. Les arbres portent déjà quelques fleurs. Le kiosque qui orne la petite place centrale est caché sous une plante grimpante. A première vue, ce n'est pas du lierre mais cette plante m'est inconnue. Je verrai bien quand elle sera fleurie. Il n'y a aucun banc dans ce parc, qui ressemble plus à un sanctuaire caché. Je suis heureuse d'avoir trouvé ce petit coin de calme et de nature. Partout où je regarde, je vois du vert. C'est apaisant. En y repensant, le vert est la seule couleur que je n'ai pas dans les yeux. Je pense que la personne chargée de ma création s'est dit que le marron, bleu, orange, doré et noir étaient bien assez.

En repesant à mes yeux... Hier, Elena et Ethan ont fait une remarque par rapport à ceux-ci. Elle avait l'air terrifiée tendis que lui était plutôt calme. Cela m'étonne qu'Ethan ait fait une remarque de ce genre, il a déjà vu mes yeux un bon nombre de fois. Alors qu'a-t-il remarqué cette fois-ci ? C'est étrange, s'il avait eu une remarque à faire, il l'aurait fait plus tôt. Pendant notre danse, par exemple. Encore une fois, je suis bizarre et sa réaction m'étonne.

Oh non le slow ! Petit un, j'ai dansé un slow avec Ethan. Petit deux, j'ai dansé ce slow parce que je voulais laisser Clément avec la fille qu'il s'était trouvé. Oh l'andouille ! Je l'ai empêché de conclure sa soirée avec sa cavalière. Il faut que j'aille m'excuser, je lui vaux bien ça. Le problème, c'est que j'ai marché sans réfléchir. La nuit commence à tomber et je n'ai pas mon téléphone sur moi. Ma montre m'indique 19h00. Il est un peu tard, je me suis promenée pendant un bon bout de temps. Mais je dois l'avouer, je suis perdue et je ne sais pas par quel chemin je suis passée. Je me retrouve dans de beaux draps !

Je décide de remonter la rue, je verrai bien où ça me mène. Je tombe sur une petite boulangerie que je reconnais : je ne suis pas loin du lycée. Finalement, je ne suis pas si perdue que ça. Je suis contente, je vais pouvoir retrouver ce petit parc. Bon, je dois accélérer le pas, je n'ai pas envie de me faire kidnapper et en plus j'ai froid ! La pluie commence à tomber. D'instinct, je regarde le ciel. Mes lunettes me gênent, je les enlève donc. La pluie n'est pas très forte, elle est même étonnamment douce. L'eau ruisselle sur mon visage, le temps s'arrête encore une fois. Cette eau de pluie me fait un bien fou, comme si elle me purifiait. Je suis émue par ce moment si simple. Mes larmes se mêlent à l'eau de pluie, qui devient un peu plus salée. Je trouve cette situation poétique. Je me laisse aller quelques instants. Je profite, je ressens, je pleure mais je vis.

Le ciel s'est encore assombri. Les étoiles sont plus voyantes. La lune resplendit. Cet astre m'attire et je prends le temps de la contempler. Je suis trempée mais je suis loin de me soucier de ce genre de détails. Après une observation méticuleuse, je me rends compte que la lune n'est pas totalement pleine. Ce détail est très subtil mais il lui manque un tout petit bout de lumière sur son côté gauche. Nous sommes en période de lune descendante. Donc si me résonnement est correct la pleine lune était hier. Dans ce cas-là, peut-être que la lune aurait une influence sur moi. Non, c'est ridicule. Et très peu probable, voire improbable. Si ça se trouve le peu d'alcool que j'ai bu m'a vraiment fait délirer et rien de tout ça ne s'est passé. J'ai peut-être simplement inventé tous ses évènements... magiques ? Encore une fois, cette histoire n'est pas nette. Il faut que je tire tout ça au clair demain. Je parlerai à Ethan.

En attendant, il faut que je rentre à la maison. Je suis trempée jusqu'au os et il fait nuit. Je vais bien me faire gronder quand je vais rentrer. Papa doit être inquiet. Tant pis, je rentre directement, je m'excuserai auprès de Clément un autre jour. Je marche d'un pas déterminé. Demain, je parle à Ethan, il n'aura pas le choix. J'espère qu'il pourra me sortir de ce pétrin...

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⏰ Dernière mise à jour : May 10, 2020 ⏰

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