2. 17 ans

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Amara

1996, temps présent

    Quand ma mère cria presque agressivement mon nom je me décidai enfin à me lever de mon lit. Je trainai des pieds dans le couloir menant à la cuisine pour y trouver ma mère folle de rage.
    — Tu devrais être déjà partie Amara qu'est-ce ce que tu fous? Me cria-t-elle.
    Je ne pris même pas la peine de répondre, pris les clés de la voiture et posai ma sacoche sur mon épaule avant de sortir de l'appartement. En voyant l'heure sur le tableau de bord de la vieille Talbot de ma mère, je compris pourquoi elle était si fâchée, j'étais déjà en retard. Personne n'avait cette voiture, elle n'existait même plus. Je me sentais bien quand j'étais dedans. Je me sentais dans un autre monde. Un que seul moi connais.
    Je me garai un peu crochement devant le grand immeuble qui me fit penser à une résidence pour personne âgée. J'entrai, pressée. La fille qui servait de secrétaire me toisa comme si le fait que je sois quasiment aussi jeune qu'elle lui donnait le droit de me juger. Je courus à ma droite, un peu au hasard. Je me penchai et observai par la petite fenêtre pathétique qui ornait les portes de toutes les salles. Je savais seulement que c'était une thérapie de groupe. Quand j'arrivais enfin à la fin du couloir, je vis la fameuse rencontre à travers la petite vitre. Merde, ils avaient déjà commencé. Merde, il y a un gars de mon âge. Je voulus rebrousser chemin, mais ravalai mes peurs enfantines et ouvris la porte. Tous les regards se braquèrent sur moi et je virai cramoisi. Je chuchotai un petit «désolée du retard» au monsieur qui ressemblait le plus à un psychologue. Je m'assis et écoutai pas très attentivement la dame qui fondit en larmes, expliquant son stress.
    Je croisai les yeux du garçon. Je sentais son regard jugeant persister. Je le sentais sur ma peau, sur mes bottes. Je m'en foutais un peu, mais je haïssais le fait qu'il me juge sans me connaître. Je voulais l'effrayer, je voulais qu'il cesse de me juger. Si je lui disais mon histoire, peut-être qu'il aurait pitié de moi. Mais j'aimais mieux qu'il ait pitié de moi qu'il regarde mon corps, qu'il regarde mon visage. Quand la dame eut fini son élégie, je levai la main, demandant au psychologue si je pouvais témoigner. Le gars me lança un regard comme horrifié.
Je me levai de ma chaise et jouai nerveusement avec mes bagues.
— Hum bonjour, je m'appelle Amara et je tenais à m'excuser pour mon retard de tantôt, commençais-je. J'imagine que je suis ici pour les mêmes raisons que vous, j'ai vécu quelque chose et je souhaite m'en défaire. Comment commencer. Ma mère est archéologue et a déménagé en Afrique environ 1 an ma naissance, en Ouganda, pour faire une recherche. J'ai jamais connu mon père, elle l'a quitté avant de déménager l'autre côté de l'océan. J'ai donc vécu dans un village au nord-est une partie de ma vie. J'ai toujours adoré vivre là-bas, jusqu'à temps que la guerre civile éclate en 1988.
Mes jambes se mirent à trembler, mais je les ignorai. Je regardais, les yeux un peu dans le vide, le plancher.
— J'avais 9 ans. Au début, le conflit n'avait pas atteint la partie du pays où nous vivions donc ma mère, quoi qu'extrêmement touchée par la situation au pays, n'a pas tout de suite pensé à quitter celui-ci. On aurait dû. En 1991, à 12 ans, quand les membres de la LRA ( Lord's Resistance Army) sont arrivés dans notre village, on s'est enfuies avec des amis, ne sachant pas comment se sortir de la guerre. En chemin vers la ¨sécurité¨, ma mère s'est fait tirer par un petit garçon d'environ 7 ans.
    Quand je le dis à voix haute, des flash-backs vinrent cacher ma vision. Je revoyais le corps de ma mère en sang. Elle criait au meurtre. Je revis tout le monde appeler au secours alors qu'elle criait sans cesse qu'elle ne sentait plus ses jambes.
— Les enfants soldats c'est une des dures réalités de la guerre civile. Ma mère s'est pris la balle dans la colonne vertébrale, ça lui a paralysé les deux jambes. C'est déjà mieux que si elle avait été paralysée de tout son corps.
    Quasiment toutes les personnes qui suivaient mon histoire mirent leurs mains devant leurs bouches, touchés et probablement surpris. Je tentais, en vain, de cacher le dégoût et la peur qui était probablement lisible sur les traits de mon visage. Celui-ci était déformé par les émotions qui me re-transportaient à la guerre, aux cris, aux pleurs, au sang et aux cadavres qui jonchaient  les rues. Des larmes de douleur roulaient silencieusement sur mes joues, que j'essayais d'essuyer, en vain. Mes jambes tremblantes allaient presque lâcher, mais je restai debout, et continuai.
— Heureusement pour nous, on vivait dans un village au nord-est du pays, on a donc pu s'enfuir "facilement" au Kenya. On a éventuellement réussi à prendre un avion à un aéroport, proche de la frontière du Soudan du Sud. On est revenues ici et c'était extrêmement dur. Je savais pas comment m'occuper de ma mère, qui n'avait plus l'usage de ses jambes. J'ai suivi une sorte de formation pour veiller à ce que ma mère continue de vivre. Je n'ai pas perdu l'usage de mes jambes, mais j'ai clairement perdu l'usage de ma tête. J'ai vu tellement de gens se faire tuer devant mes yeux, ça m'a brisé. J'avais 10 ans. Je n'étais pas supposée vivre cela à cet âge-là. J'ai vu plein de psys, des gens incompétents qui me comprenaient pas. En fait il y a personne qui prend la peine d'essayer de me comprendre. Alors ma mère m'a envoyé ici, car je ne suis pas capable d'oublier toute cette merde qui m'est arrivée.
    Je me rassis d'un coup sur ma chaise, ayant fini mon monologue, pendant que les autres absorbaient l'information que je leur est balancée, comme si elle était insignifiante. Le gars me fixe encore. Ça ne me déranges pas plus que ça, son regard n'en est qu'un parmi tant d'autres maintenant qu'il sait mon histoire et, de plus, il me fixe d'une façon bienveillante. Il a  fini de me regarder avec un certain jugement donc ça va mieux. Le psychologue me fixe attentivement, comme si je le fascinais et commence à me parler de solutions à mon "stress post-traumatique" que je n'écoutes pas. J'ai envie de lui dire de se la fermer, que c'était bien plus que du stress post-traumatique que j'ai. Que je suis brisée. Mais je me ravise. Ma mère n'a pas besoin de problèmes causés par ma faute.
    De plus, mon attention n'est pas portée vers le psy aux dents Colgate. Elle est maintenant sur le jeune homme assis en face de moi. À la façon dont il me regarde, il n'a pas pitié de moi. Peut-être que son histoire est pire, j'en ai aucune idée. C'est rare que je rencontre des gens qui n'ont pas de pitié pour moi. C'est comme s'ils croient tous que la compassion et l'empathie égalent la pitié. Et quoique ça me frustre que les gens agissent avec pitié, le seul fait que ce jeune homme me regarde sans celle-ci fait ressortir une partie extrêmement égoïste en moi. Cette partie qui croit que je suis seule au monde, que mon malheur est bien pire. J'ai arrêté d'écouter les "malheurs" des autres quand, une fille du nom d'Emma m'avait dit, quand j'avais 15 ans, qu'elle était brisée, dépressive. J'avais demandé, un air faussement choqué collé au visage qu'est-ce qu'il s'était passé. Elle m'avait répondu, en fondant en larmes :« Tu ne connais peut-être pas cette douleur, mais moi je l'ai vécue. Me dit-elle d'un ton dramatique. Elle inspira d'un bon coup et continua son récit. J'ai surpris mon amoureux l'été passé. Tu sais ce qu'il faisait? Il embrassait ma meilleure amie! Ma meilleure amie tu t'imagines? Je n'ai jamais guéri de cet événement, plus jamais mes relations vont être les mêmes, je n'ai plus du tout confiance envers les hommes.» Je fis tout ce que je pus pour ne pas rire aux éclats. Ça fait peut-être de moi quelqu'un de terrible. Je juge les traumatismes des gens car, dans ma tête, ce ne sont pas des traumatismes du tout. Ma mère m'a expliqué mille fois que les jeunes de mon âge n'avaient pas tous vécus les mêmes expériences et qu'il ne fallait pas que je banalise les choses que les gens vivaient bla bla bla. Donc ouais, je trouve extrêmement insipide ce que les gens de mon âge vivent. Leurs ¨douleurs émotionnelles¨.
    La façon dont le gars me regardait me rappelait vaguement la façon dont je regardais les autres. J'haïssais ça. Il avait l'air de juger mon traumatisme, pourtant, il avait entendu toute l'histoire. Pourquoi ne réagissait-t-il pas? Mais d'un autre côté je m'en foutais un peu.
     Je n'avais même pas remarqué que le psychologue avait fini de "me parler". Tous les regards étaient braqués sur moi et j'imagine que j'étais supposée répondre à ce qu'il venait de dire.
    — Ouais je suis totalement d'accord avec vous, dis-je un peu nerveuse.
    Tout le monde hocha la tête et continua de parler, seulement le jeune homme en face de moi esquissa un sourire en coin, il avait compris que j'avais dit n'importe quoi.

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Allo!
Donc voici le chapitre 2❤️ Que pensez vous de Amara, son histoire? Bref n'hésitez pas à me donner vos commentaires, négatifs ou positifs, je veux juste améliorer mon histoire! Encore par rapport à la photo et au vidéo que je met au début, dites moi si c'est fatiguant haha! J'assume jamais vraiment mes goûts musicaux et là je mets vraiment la musique qui ressemble à l'atmosphère de l'histoire (juste pour dire, j'écoute généralement du Trap ou du hip-hop haha). Aussi, j'ai vraiment un problème avec le temps de verbe hahaha donc je sais que des fois c'est vraiment bizarre les terminaisons je vais essayer de tout changer ça.
Bref merciii beaucoup d'avoir lu!❤️

Où je ne suis pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant