Chapitre 3

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La prof nous fait entrer en classe. Nous l'appelons le pot de peinture car elle met trois tonnes de maquillage et avec Kagura, nous sommes presque certaines que si on pose notre doigt sur sa joue, il s'enfonce en entier dans sa couche de fond de teint... Bon on l'appelle aussi comme ça car on l'aime pas, c'est vrai.
Je m'assois à côté de Kagura, Rogue se trouve juste devant moi et ELLE, elle est derrière.
Toujours près de moi.
Jamais loin de moi.
Sa voix toujours à porter d'oreille.
Son sourire qu'elle n'affiche plus mais que je vois toujours flotter sur ses lèvres.
Sa présence à elle seule suffit à me tourmenter.

Me laissera-t-elle un jour en paix ?

Je pose deux doigts dans mon cou, à l'emplacement de mon pouls.
Poum. Poum.
Ça fait déjà quelques années que je pose mes doigts sur mon cou.
Poum. Poum.
Ça me permet de me sentir vivante. Ça me permet de me rappeler que j'existe.
Poum. Poum.
Ça me permet de me rappeler que je continue à me lever, chaque matin. Ça me permet de me rappeler que je continuer à poser un pied devant l'autre, toujours. Pour avancer. Mais pour avancer vers où ? Vers quoi ? Quel est mon but ? En ai-je seulement un ?
Poum. Poum.
Poum. Poum.
Je vois Rogue et Kagura me lancer des regards étranges. Qu'est-ce que je suis bien en train de faire, doivent-ils se demander. Ils m'ont déjà vu faire ce petit manège mais n'ont jamais osez me demander pourquoi.
Poum. Poum.

De toute façon, que pourrais-je bien leur répondre ? Je fais ça pour sentir que je suis en vie ? Mais je parle, je bouge, je pense. C'est bien la preuve que je suis en vie, non ?
Poum. Poum.
Poum. Poum.
Sauf que non. Pour moi, ce n'est pas une preuve. Il y a une citation de Mary Relindes Ellis qui dit : "on n'a pas besoin de mourir pour perdre la vie". Et je suis totalement d'accord.
Poum. Poum.
Poum. Poum.
Mourir, c'est pas forcément aller au paradis, en enfer, se réincarner ou je ne sais quoi encore. Mourir, ça peut tout aussi bien être dans un corps qui continue à se mouvoir alors que l'âme a décidé d'abandonner, de se laisser aller, de ne plus rien contrôler. Pour moi, c'est ça mourir...
Et je peux vous dire, c'est vraiment loin d'être les meilleure sensation qu'il soit.
Poum. Poum.
Poum. Poum.

La prof nous rend nos copies et pendant qu'elle est dos à nous, Rogue en profite pour venir m'embêter. Il attrape mon quatre couleur et me fait un point sur l'intérieur de l'avant-bras.

« Hey, je proteste en chuchotant. »
Je prend un autre de mes stylos et lui dessine quelques arabesques sur le dos de la main. Sauf que lui, il s'en moque un peu de faire de jolies boucles. Il se contente de me faire des traits... Des traits rouges à l'intérieur de mon avant-bras. Immédiatement, je replace mes deux doigts dans mon cou.
Poum. Poum.
Je me retiens de demander à Rogue : "Est-ce que tu les vois ? Est-ce que toi tu les aperçois ? S'il-te-plaît, dis-moi que je ne suis pas complètement folle. S'il-te-plaît, dis-moi que je ne suis pas la seule à voir encore les fantômes de toutes ces traces sur mon avant-bras."
Poum. Poum.
Mais je ne fais rien. Premièrement parce qu'il a du se retourner car la prof avait repris son cours. Et deuxièment parce que je connais déjà la réponse. Il n'y a que moi qui les voit. Il n'y a que moi qui voit les lignes bien droites qui se fondent pratiquement avec la couleur de ma peau. Il n'y a que moi. Il n'y a que moi.
Poum. Poum.
Poum. Poum.

Le cours se poursuit ainsi, sans aucune autre parole échanger avec Rogue mais quelques petits débats lancer avec Kagura.
Poum. Poum.
Poum. Poum.
Poum. Poum.
Poum. Poum.
Poum. Poum.

La cloche sonne et je m'étire longuement. Ouah... Enchaînez deux heures de français dès le lundi matin, c'est vraiment dur !! Je me lève et range mes affaires. Avec Kagura nous sortons presque en courant de la salle pour nous précipiter vers celle du cours de Yukino et Minerva. Mais Rogue me rappelle.
« Lucy ! T'as fait ton exercice de maths ? Je peux avoir ton cahier s'il-te-plaît, j'ai rien compris à l'exercice ! »
Je sors mon cahier de mon sac et le lui tend.
« Merci, sourit-il. Je te le rend en maths. T'es vraiment sympa comme fille. »
Je ne dis rien et repars en courant, les sourcils froncés. Une fille ? C'est bien ça qu'il a dit ? La bonne blague... Je ne suis pas une fille. Je ne suis pas un être humain. ELLE me l'a fait comprendre, ELLE me l'a bien fourré dans le crâne. Je ne suis pas un être humain. Je suis un jouet, une médaille, un trophée, une coquille vide. Je n'ai que pour seule utilité que d'accompagner, d'embellir quelqu'un.
J'étais sa meilleure amie... À ELLE...

Enfin, c'est ce que je croyais. Mais non, je n'était pas sa meilleure amie. J'étais son jouet, sa médaille, son trophée, le boulet qu'elle se traînait. J'étais juste là pour montrer qu'ELLE avait une meilleure amie... J'étais juste là pour qu'ELLE se passe les nerfs...

Quand on était ensemble, Sting ne cessait de me répéter que j'étais belle,  que mon sourire était magnifique, que j'étais la fille la plus gentille qu'il connaissait, que je respirais la joie de vivre...
Belle ? Non, je suis moche, ELLE n'a cessé de me le répéter tous les jours.
Magnifique ? Mon sourire ? C'est vrai que mes dents sont assez blanches et bien alignées. J'ai eu de la chance, je n'ai même pas eu besoin d'appareil dentaire... Mais ça s'arrête là... Je n'ai rien d'autre de bien. Mon sourire ne peut pas être magnifique parce que mes lèvres sont trop fines, trop rouges même sans maquillage... Et puis, comment un sourire faux peut-il être beau ?
La fille la plus gentille ? C'est une qualité ? Peut-être pour les autres mais pas pour moi. C'est le fait d'avoir été trop gentille qui m'a détruite.
Je respire la joie de vivre ? Ah... J'apprends des choses... Qu'est-ce qui montre ça ? Mon sourire ? Il est faux ? Mes yeux brillants ? Ils brillent des milliers de larmes que je ne peux pas pleurer.

Je crois qu'enfaite, la chose pour laquelle je suis la plus douée, c'est pour mentir.
Je mens terriblement bien... 

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⏰ Dernière mise à jour : May 01, 2020 ⏰

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