Chapitre 35

55 8 6
                                    

Le repas s'est déroulé le plus simplement possible. Ma mère discutait de n'importe quel sujet qui lui traversait l'esprit avec Timéo, m'incluant de temps en temps dans leur conversation. Elle paraissait tellement sereine que j'aurais pu penser qu'elle avait oublié ce qu'elle devrait me dire plus tard, mais je ne me faisais pas d'illusion. Même si je m'étais considérablement éloigné de ma famille ces derniers temps, je sais que ma mère n'oublie jamais. Mon père a semblé songeur durant tout le repas, n'ouvrant que très rarement la bouche. Ayant terminé mon repas depuis quelques minutes déjà, j'observais Timéo du coin de l'oeil, détournant les yeux dès que les siens se posaient sur moi. J'étais assis à côté de ma mère, en face de moi se trouvait mon père, à côté duquel se trouvait donc le jeune homme qui attirait mes pensées. 

Sans savoir pourquoi, je finis par me relever. Une fois debout, j'attrape mon assiette et la débarrasse sous le regard stupéfait de ma mère. 

- Mathis ? 
- Quoi ?
- On ne dit pas quoi, on dit...
- Comment, oui, je sais. Donc ?
- Je peux savoir pourquoi tu débarrasses tes couverts ? Le repas n'est pas terminé. 
- Pour vous, peut-être, pour moi, oui. 
- Tu reviens t'asseoir, s'il te plaît. 

Soudain, alors que je soufflais abandonnant l'idée de sortir de table, j'aperçois en ouvrant les yeux Timéo, qui s'était levé, portant le plat.

- Ne vous en faites pas, Alicia, je pense que nous avions fini. Cela ne nous empêche pas de continuer notre discussion pendant le dessert ? Je peux comprendre que Mathis préfère aller s'occuper, j'étais comme lui avant. Toujours à vouloir sortir rapidement, les repas entre adulte m'ennuyaient au plus au point ! Enfin, loin de moi l'idée de vous manquer de respect. 
- Tu as raison. C'est vrai. Laisse donc, je vais débarrasser avec mon fils. 
- Restez assise, je vais le faire. Je peux au moins faire cela. 

Je me retourne pour continuer mon chemin vers la cuisine, remerciant intérieurement Timéo. Je sais que je ne montre pas une bonne image de moi, mais je n'y peux rien. Je pense que je suis un peu jaloux de lui dans le sens où il arrive à avoir l'attention de ma mère que je n'ai plus depuis un moment, et surtout, il est au courant des décisions de mes parents concernant Jess avant moi. 

Je dépose mon assiette et mes couverts à côté de l'évier, au dessus du lave-vaisselle et, pendant que j'ouvre le lave-vaisselle, je sens du mouvement à côté de moi. En me redressant, je tourne la tête vers celui qui était le copain de ma sœur. Mes yeux se plantent dans les miens quelques secondes durant lesquelles aucun de nous ne bouge. C'est moi qui rompt le contact visuel en attrapant mon assiette, la rinçant dans l'évier avant de la mettre dans le lave-vaisselle. 

- Est-ce que ça va ? 

Je ne m'attendais déjà pas à ce qu'il parle - bon, ça ok, je m'y attendais un peu - mais je m'attendais encore moins à cette question. Je me tourne vers lui, une expression de surprise collée sur le visage avant de répondre en me détournant une nouvelle fois.

- Oui. Oui, ça va. Pourquoi ? 
- T'as l'air un peu agacé, t'es beaucoup plus tendu que la fois dernière, je sais pas, j'ai l'impression que ça va pas. 
- Non, ça va, je suis juste un peu fatigué. 
- Ok... Tu... 'Fin ça te dérange que je sois là aujourd'hui ? 

Je suis encore une fois étonné. J'ai vraiment donné cette impression ? 

- Bien sûr que non ! Au contraire, ça me fait plaisir de te voir, même si c'est vrai que j'ai pas beaucoup parlé, mais je me suis pris la tête avec mon père ce matin. Bref.

Timéo allait me répondre quand ma mère a débarqué dans la cuisine, nous demandant pourquoi on mettait autant de temps à revenir. Elle avait ramené le reste de ce qui restait encore sur la table. Je range tout ça dans le lave-vaisselle pendant que ma mère propose à celui avec qui je parlais de rejoindre mon père à table. Je referme le lave-vaisselle et sans surprise, ma mère est toujours là, un paquet, sûrement le dessert, dans les mains, me regardant. 

- Tu as intérêt à m'expliquer ce soir. 
- Il n'y a rien à expliquer. 
- S'il n'y a rien à expliquer, alors tu peux me dire ce qu'il y entre vous. 
- Maman, Timéo n'est que mon ami. Que veux-tu qu'il y ait d'autre entre nous ? 
- On en reparlera vraiment ce soir, ne crois pas que j'oublie. 

Sur ces mots, elle sort de la cuisine, m'intimant d'apporter les assiettes à dessert avec des cuillères. 

Je m'exécute, et rejoins la table. Je souris à Timéo dans le dos de ma mère et dispose les assiettes. 

Le dessert terminé et la table entièrement débarrassée, ma mère reprend la parole. 

- Bon, les garçons, on va aller dans la chambre de Jessica ? Ça va aller ? 

Je hoche la tête et n'entendant pas de réponse de la part de mon "ami", je suppose qu'il a fait la même chose. Je suis ma mère dans les escaliers. Lorsqu'elle appuie sur la poignée et pousse la porte, je m'immobilise dans la couloir. Je ferme mes yeux, n'étant pas sûr d'être si prêt que ça à y entrer. Je porte ma main à mon cou, autour duquel une chaîne en argent est attachée et à laquelle un pendentif est accroché. Je ressers mes doigts autour du petit bijou en soupirant. Une main se pose sur mon épaule et en me retournant, je tombe sur le visage bien veillant, presque rassurant de Timéo. Il me sourit doucement, mais je vois bien qu'il est aussi stressé que moi. Je lui rends son sourire et prends sur moi pour rejoindre ma mère dans la chambre de ma sœur. 

Dire que rien n'a changé serait mentir. J'ai appris, tard, mais je l'ai su, que mes parents avaient regardé, pour ne pas dire fouiller, dans les affaires de ma sœur. Donc bien que les meubles soient toujours en place, certaines de ses affaires étaient dispersées, sur son lit, qui contenait toujours les mêmes draps aux taches de couleur qu'avant son retour à l'hôpital. Elle avait eu envie de les changer pendant une permission de sortie d'un week-end. 

Sur son bureau, deux lettres. Sur ces lettres, un nom chacune : Timéo sur l'une, Mathis sur l'autre. 

[BxB] You ✅Où les histoires vivent. Découvrez maintenant