Et si William Turner avait une soeur ?

Un jour comme les autres

"Will, on va en avoir pour longtemps..?" marmonnai-je a mon frère le plus discrètement possible, alors que nous venions d'entrer dans le hall. 

Le gouverneur Swann désirait nous voir pour une entrevue importante. Nous nous trouvions actuellement chez lui, dans une grande et luxueuse maison, aux murs décorés d'immenses peintures encadrées. Sur les meubles trônaient plusieurs objets décoratifs d'une grande beauté, et les larges fenêtres permettaient sans aucune peine d'illuminer l'ensemble de la construction. 

Je n'avais absolument rien contre le gouverneur, au contraire, il se montrait toujours très sympathique avec nous. Et sa fille était de loin la personne la plus gentille que je connaisse.
Disons simplement que... j'aurais préféré passer mon après-midi ailleurs.

"Non Mary, pour la troisième fois, on ne va pas en avoir pour longtemps..." grogna Will, qui en avait plus que marre de mes questions. "Et puis je te ferais remarquer que nous avons beaucoup de chance d'être dans les bonnes grâces du gouverneur. Etre reçu chez lui est un honneur, et tu devrais t'en montrer un peu plus digne..."

Je ne répondis pas, me contentant de grogner. La haute société, les bonnes manières, le devoir... toutes ces choses me passaient au au-dessus de la tête.
On m'expliquait que c'était a cause de mon jeune âge, et que je comprendrais en grandissant. Mais sincèrement j'en doutais ; pire même, une partie de moi priait pour ne jamais comprendre.

En voyant ma mine boudeuse, mon frère s'adoucit, et ajouta avec un sourire :

"Ne t'inquiète pas, ça ne traînera pas. Tu auras tout ton après-midi pour jouer. Et vois le bon coté des choses. On va enfin pouvoir présenter notre travail."

Je parvins à retrouver le sourire, lorsque le gouverneur descendit l'escalier pour venir nous accueillir. Nous le saluâmes tout les deux, avant d'aborder le sujet de notre venue.

"Nous avons votre commande" déclara Will, tandis que je déposai sur une petite table l'objet de notre rendez-vous.

Après avoir ouvert la malle, mon frère en sorti une magnifique épée à l'acier étincelant et au pommeau finement ouvragé. Probablement l'une des plus belles que nous ayons forgés. 

"Lame en acier feuilletée." annonça-t-il fièrement alors que notre hôte la dégaina. "Il y a aussi un filigrane en or sur la poignée. Vous permettez ?"

Will se saisit de la lame qu'on lui tendait avant de la poser sur son doigt.

"L'équilibre idéal. Et la soie est parfaitement adaptée."

D'un mouvement souple, il fit tournoyer l'épée en l'air, faisant au passage sursauter le gouverneur. Je la rattrapai l'instant qui suivit, avant de faire une courte démonstration, preuve de la qualité de notre œuvre.

"Légère, fine, parfaitement aiguisée... Une lame qui saura faire honneur au style de combat d'un Commodore." déclarai-je avec une fierté non-dissimulée, tout en rendant l'arme a son commanditaire.

"Impressionnant. Vraiment très impressionnant. Je vois que nous avons bien fait de vous confier a un forgeron." déclara le gouverneur, en me lançant un regard amusé. "Le Commodore Norrington sera extrêmement satisfait."

Lorsque mon regard croisa celui de mon frère, il n'y eut que bonheur et fierté. Ce travail avait été le plus rude et le minutieux de toute notre carrière. Et savoir qu'il était a ce point apprécié ne pouvait que nous remplir le coeur de joie.
Malheureusement, ce petit paradis fut gâché d'une seule phrase : 

"Veuillez transmettre mes compliments a votre maitre."

Qu'est-ce qu'il venait faire là dedans, lui ?! Je m'apprêtais à protester lorsqu'un coup de coude furtif de Will m'en dissuada.