Chapitre 5

39 2 1
                                    


A.


Anna, on y va, m'ordonne Mike.

J'attrape le sac de vêtements que maman m'a apporté quelques jours plus tôt et lui emboîte le pas sans un mot. Une jeune femme à l'accueil lui fait signer les papiers pour ma sortie et me tend l'ordonnance que le médecin à rédiger, quelques antalgiques au cas où. Nous sortons et nous installons dans la voiture en silence avant qu'il ne le rompe.

- Tu te souviens de notre histoire Anna ? Tu ne vas pas me poser de problème, n'est ce pas ?

- Non Mike.

- Parfait.

Il affiche un sourire satisfait, il peut en être assuré : je ne parlerai pas. Après son départ de l'hôpital, j'ai commencé à me sentir mal. Je remettais en cause toute ma vie pour les agissements d'une pourriture. J'avais beau tout faire pour m'occuper l'esprit, les mêmes questions revenaient en boucle. "Pourquoi?" et "Comment?".

Pourquoi est ce qu'il m'a fait ça ? Pourquoi est-ce qu'il s'est senti autorisé à profiter de mon corps comme il a fait ? Est-ce que mon comportement a pu l'inciter à le faire ? Et surtout, que faire pour continuer à vivre ? Comment je pourrais regarder maman et Tyler dans les yeux ? Serais-je capable de vivre à ses côtés ? Comment je pourrais garder ce secret ? De quelle manière je pourrai empêcher tout intru de s'immiscer dans ce qu'il restait de ma vie maintenant ? Les jours passaient et j'ai cru devenir folle.

Et puis petit à petit, la solution s'insinuait dans mon esprit. Je ne pourrais jamais oublier, tout comme je ne pourrai jamais tourner la page. Mais pour autant, je ne pourrai jamais dire la vérité à maman et voir ce qu'il reste de son coeur voler en éclats définitivement, c'était impossible pour moi de supporter l'idée de la détruire encore une fois. Alors une seule réponse s'offrait à moi maintenant, et j'en étais plus que convaincue : j'allais devoir faire semblant.

Pour maman et Tyler : semblant d'aller bien, semblant qu'il ne soit rien passer. Pour les gens que je rencontrerai : semblant d'être une fille qui ne vaut pas la peine qu'on s'intéresse à elle, d'être une fille superficielle et un brin stupide, celle qu'on ne soupçonnerait jamais de cacher un tel secret. Et enfin, semblant pour la personne la plus difficile à convaincre : moi. Me persuader que tout ça est derrière moi, que je prends un nouveau départ, semblant de renaître sous un nouveau jour, sous une nouvelle identité bien loin de celle que j'étais. Ma nouvelle vie commençait, là où mon ancienne avait prit fin.

- Nana ! s'écrie ma mère en se jetant sur moi. Comment tu te sens mon trésor?

Il est temps de mettre en pratique mes nouvelles résolutions. Je suis d'autant plus motivée que je repense à sa visite à l'hôpital, elle n'a pas arrêté une seule seconde de pleurer en remerciant le ciel un million de fois, sous l'oeil attentif de mon beau-père qui veillait à ce que je ne parle pas.

- Ca va maman, ça va beaucoup mieux même.

Tyler descend de sa chambre pour m'accueillir. Il me jette un regard étrange, mélange de colère et de culpabilité.

- T'aurais rien pu faire petit frère, je le rassure en devinant ses pensées.

Je lui tends les bras dans lesquels il vient s'engouffrer en me serrant plus fort qu'il ne l'a jamais fait.

- Bon, je suppose que personne n'a préparé à manger pour ce midi ? je plaisante.

J'observe leur mine contrits,et leur souris en retour.

- Il était vraiment temps que je revienne, je surenchère.

Je jette un coup d'oeil furtif dans les placards. Allons à l'essentiel car je sens arriver un mal de tête carabiné : ce sera blanc de poulet et pâtes.

Il a fallu que ce soit toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant