MINUS ONE

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Trois ans plus tôt


Je titube lentement vers la porte qui se trouve en face de moi, au fond du couloir. Mon crâne semble écrasé par une masse inconnue. Je grogne en poussant la porte d'une chambre. La pièce est plongée dans le noir complet, seul le lit est éclairé faiblement par la lumière de la lune à travers la fenêtre. Mon corps heurte violemment le lit, qui pousse un cri de rage.


— Putain tu viens de m'éclater le dos...


Je ne sais à qui appartient cette voix et pourtant j'ai l'impression de la connaître. Dans ma torpeur, je ne laisse échapper qu'un filet inaudible de paroles insensées. Celui que j'écrase a pourtant l'air de saisir ce que je lui dis. Il s'écarte, de façon à être à côté de moi, et non plus sous moi.


— Es-tu sûr de ce que tu dis ? Je ne reviendrais pas en arrière, même si tu me supplies.

— Oui. dis-je en me serrant davantage contre lui.


Je n'ai plus l'impression de me contrôler, mes pensées se perdent dans les deux pupilles noirs qui me fixent longuement, ardemment. Il est tout ce que j'ai toujours voulu.


Il saisit mes cheveux d'une forte poigne, révélant ma gorge, alors qu'il me chevauche à présent. Son nez me caresse, alors qu'il inspire lentement. Je couine, ne sachant pas vraiment ce qu'il me fait, ce qu'il compte me faire.

Le frottement du tissu de nos chemises vient joindre le bruit de nos respirations. Je ne réponds plus de rien, toute chose, je me laisse faire. Son nez n'a cessé de me respirer, de me sentir bruyamment. Il s'arrête, me regarde une nouvelle fois, alors que je ne vois rien d'autre que ses deux prunelles noires. Je ferme les yeux.

Son visage plonge dans mon cou. Il me suçote, me mordille la peau. Mes mains, à plat sur le matelas, montent sur ses bras qui se tendent à mon toucher. Je l'ai attendu, tellement attendu.

Je tire sur ses manches, déchirant légèrement sa chemise. Je le sens relever la tête, ouvrir ma chemise, et poser sa main sur ma poitrine. Sa main froide me fait frissonner alors que j'ai si chaud. Je tire sur le col de son vêtement, il se rapproche.

Je lui siffle quelque chose que moi-même ne comprends pas. Il ne réagit pas tout de suite, mais sa main vient enserrer ma gorge, arrêtant presque le flot de ma respiration.


— Je vais te blesser. Comme je l'ai toujours fait.


Je ne saisis pas le sens des mots qu'il me lance, tirant davantage sur ses manches. Elles émettent un autre craquement, mes yeux sont toujours clos. Je me fiche de ce qu'il a à me dire en cet instant. Parce que je l'ai trop attendu. Je soulève mes paupières à la recherche de ses yeux. Ils me semblent étrangers, mais j'ai l'impression de les connaître par cœur. Comme si je les avais toujours vus. Ce sentiment étrange ne m'a pas quitté depuis que je suis entré dans la chambre. Ma main gauche fait pression sur sa nuque afin de l'approcher vers moi, tandis que l'autre tire toujours sur une de ses manches.

Il cesse de respirer, son regard plongé dans le mien. Il ne me quitte pas des yeux, semblant attendre que je le tire encore vers moi.


— Prends-moi, ça fait des années que j'attends.


Une fois cette phrase échappée de mes lèvres, sa respiration reprend, il n'est plus qu'à quelques millimètres de ma bouche.


— Prends-moi, Lucas ! je crie presque, au bord des larmes, tendu.


Son corps se fige au dessus du mien. Il ne bouge pas pendant une minute, et se relève, s'écarte de moi. À présent debout au bord du lit, il me regarde horriblement mal, à dire vrai, je perçois à peine son expression, seuls ses yeux scintillent. Il quitte la pièce.

Je reste allongé sur le lit, les larmes coulent, comme elles l'ont toujours fait. Je ferme les yeux.


Fiery TearsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant