Chapitre 12

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L'aube se levait, plus froid que la veille. Le village s'était endormi, l'auberge aussi. Le monde n'était plus que paix et silence. Les rayons malades du soleil, de plus en plus affaiblit par l'arrivée de l'hiver frappaient doucement à la vitre, s'immisçant discrètement derrière les rideaux.

La tête embrumée, le corps lourd et fatigué, Eida se retourna sous les couvertures. Elle était réveillée depuis quelques minutes déjà mais elle aimait rester au lit et faire sa paresseuse.

Jenna dormait toujours. Elle pouvait entendre sa respiration calme et puissante près d'elle. Ce souffle régulier, presque infime, l'avait bercé cette nuit. Elle aimait l'écouter, c'était bien plus agréable à entendre que les ronflements sonores de son père.

Eida sourit. Avec lenteur, elle sortit la tête de son oreiller pour le regarder. À moitié découvert, il était allongé sur le ventre, un bras tombant du matelas. Le dos de sa main touchait le sol et avait pris des couleurs rougeâtres. Il s'était agité dans son sommeil. La jeune fille retint un rire.

La veille et sans aucun doute pour le taquiner, Timothée s'était mis en tête de dormir au pied de son lit, mais Jenna avait refusé, l'envoyant valser. Outré, le chat s'était alors installé sous ses couvertures à elle, s'allongeant dans son dos. Il avait échappé de justesse à un vol plané nocturne !

Avec un soupir heureux, Eida passa une main sur le pelage bleuté de l'animal avant de se glissa hors de la chaleur des draps. Discrètement, elle contourna le lit de Jenna pour se rendre dans la salle d'eau. Elle passa aux toilettes puis se lava le visage avec l'eau disponible. Le froid réveilla sa peau, éclaircissant enfin ses pensées.

Elle avait bien dormi, elle était prête à reprendre la route. Toujours vêtue de sa chemise de nuit qui n'était, en fait, qu'un ancien tee-shirt à son père, Eida retourna dans la chambre pour récupérer ses vêtements de la veille. Jusqu'à ce qu'ils atteignent la ville d'Appolia, ils seraient obligés de porter les maigres vêtements qu'ils avaient. Jenna, de toute façon, ne possédait que ceux qu'elle avait acheté au marché quelques jours plus tôt, mais quand Eida repensait aux belles robes et aux tuniques brodées qu'elle avait laissé chez elle, elle regrettait de ne pouvoir porter que son pantalon large troué et sa tunique de travail.

La jeune fille se consola en pensant qu'elle avait tout de même prit sa robe bleue d'hiver, celle que portait sa mère lorsqu'elle allait au marché durant cette saison. Ce n'était d'ailleurs pas un hasard si l'uniforme des lavandières de la Fleur Bleue ressemblait à cette robe. En effet, c'était Tena qui l'avait confectionnée et qui l'avait offerte à sa mère, pour la remercier d'avoir sauvé son fils de la grippe. Elle avait bien plus de valeur aux yeux d'Eida qu'à ceux de son père. C'était son seul héritage. La seule chose que sa mère avait souhaité lui offrir.

Passant une main dans ses cheveux, Eida se peigna rapidement et attacha la longue touffe en une tresse bien serrée. Puis, dissipant ses pensées, elle alla réveiller Jenna.

Ouvrant d'un geste empli d'entrain les rideaux, elle entendit le jeune homme pousser un grognement mécontent. Avec un sourire, elle posa ses mains sur ses hanches.

– Jenna ! Réveille-toi !

– Hein ? Mais... il fait encore jour...

– Évidement ! C'est le matin !

Les yeux mi-clos, éblouie par l'intense lumière, le jeune homme plongea son visage dans l'oreiller. Eida pencha la tête sur le côté, avec un soupir attendrit. Elle attrapa rapidement son bras et le tira du lit.

– Debout ! s'écria-t-elle. On va rater le petit déjeuné ! Allons vite dans la salle de restauration !

– Ça va j'ai compris... mais laisse-moi au moins enfiler une chemise.

Le Monde Flottant [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant