Texte 5

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On se serrait les uns vers les autres et on s'enfonçait là-dedans jusqu'aux genoux. La route, on n'en voyait pas le fond, c'était une couche molle perdue dans la plaine. Quand la tempête s'est approchée, on a cogné aux portes des fermes. Pas moyen que tous, là-bas, à se rôtir au coin du feu nous ouvrent. Leurs gosses nous regardaient à travers les carreaux, curieux de voir cinq types paumés coincés comme ça dans le blizzard. La neige nous a pris d'abord à petits flocons durs, presque de la grêle, puis les rafales qui nous collaient la nuit au visage. On n'a plus rien vu qu'un brouillard épais. Le vent nous hurlait aux oreilles à tel point que Drech se les bouchait des deux mains pour plus rien entendre. On s'agrippait aux autres pour tenir debout. A avancer tout le jour sans rien trouver depuis des semaines, on avait le moral éreinté, surtout Drech, qui prétendait que ça s'arrangerait pas. Alors, les nerfs commençaient à en travailler certains. L'Estropié s'est jeté sur Drech, ils ont basculé cul-par-dessus tête et l'Estropié tenait une grosse pierre gelée et il l'a brandie vers Drech et il a abattu la pierre. La rage l'a repris, à frapper sans arrêt, jusqu'à ce qu'il se fatigue le bras. Il bouffait le vent froid, en hurlant sur la nuque enfoncée. Le sac de Drech a crevé dans la neige, ses affaires répandues tout autour. Ses cotes battaient à blanc et la tempête toute entière lui passait par le corps. Drech est resté tout ce temps à terre sans crier, pour pas laisser l'air froid lui rentrer dans la gorge. Quand la tempête a déguerpi, il est resté raide mort à terre. On a ramassé le barda trempé et on est repartis, il restait du chemin. On a jeté Drech dans la rivière givrée, très blanche et l'eau restait à la même place et courait pas.

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