La peur. C'est un sentiment difficile à expliquer, n'est-ce pas ? Pourtant, c'est avant tout physique : on tremble, notre coeur est pris de palpitations incontrôlables, et nos pensées s'agitent comme des puces. Pourtant, la peur est un réflexe naturel : il y a fort longtemps, elle nous permettait de fuir nos prédateurs, et ainsi d'augmenter nos chances de survie.
Bien sûr, vous comprenez bien qu'aujourd'hui, il n'est plus très utile d'avoir peur ainsi. Or, on a toujours peur de tout : des examens, des araignées, du noir... La peur nous colle à la peau, et nous dévore de l'intérieur si elle devient trop constante. Elle se transforme en stress, en angoisse, et peut devenir permanente, à un tel point que l'avenir lui-même nous paraît être un prédateur.
Quand je vous dis que cette peur vous dévore, je ne mens pas ! Elle vous serre le ventre, vous en avez des nausées incontrôlables, et elle vous tient éveillé la nuit tout en vous épuisant. Elle détruit vos neurones, et altère votre mémoire... La peur est peut-être un pire prédateur encore que l'avenir, ou que le monstre tapi dans le noir lui-même.
J'ai souvent peur moi aussi.
Peur de mourir, et que personne ne se souvienne de moi.
J'en fais des cauchemars incessants, mais au fond, je me dis qu'une fois mort, je n'aurai plus peur.
Le bruit du loquet résonna dans le couloir, suivi de bruits de pas lourds. Aphrodite releva alors les yeux de son livre, remarquant ainsi que son père rentrait tout juste du travail : avait-il réellement passé la journée à lire ? C'était visiblement ce qu'il s'était passé, et suite à cette surprenante découverte, le jeune homme se releva promptement de son fauteuil, avant de cacher le précieux livre sous une étagère poussiéreuse.
Ce n'était peut-être pas la meilleure cachette ; sûrement pas, d'ailleurs, car cette étagère supportait depuis plus de dix ans les livres de son père, que ce dernier se plaisait à lire encore et encore. Or, Aphrodite n'avait pas encore eu le temps de songer à un lieu assez discret pour tromper la perspicacité de son père, car lui qui croyait prendre quelques heures pour s'y atteler une fois sa lecture achevée, il avait fini par se plonger dans le livre de Deathmask, comme hypnotisé par ses mots. Il fallait dire que l'auteur anonyme ne lésinait pas sur les détails et les effets de style : ce petit carnet corné était un véritable trésor de littérature, un aveu modeste qui n'avait rien d'artificiel. Seulement, en plus d'être un aveu, un simple témoignage encore, c'était une encyclopédie, une encyclopédie des émotions.
Si les premières pages, autobiographiques, dépeignaient l'enfance de l'auteur, le dur labeur qu'il effectuait à la ferme et l'entraide de sa famille pourtant rongée par les non-dits, celles qui les suivaient avait permis à l'Étudiant d'apprendre ce qu'était la peur, ce sentiment qu'il éprouvait depuis plusieurs jours déjà. C'est qu'il y avait des choses à dire, sur la peur ! Et pas que la peur, car cette dernière se déclinait sous tant de formes : stress, angoisse, phobie... En moins d'une journée entière Aphrodite avait su comprendre le sens de ces mots aujourd'hui oubliés.
Et il s'était penché sur son propre cas, avec ces mots en tête.
Il avait réfléchit, et pensait avoir compris.
« Me revoilà, Aphrodite. »
Déboutonnant sa veste, Gustave arborait sur son visage de marbre un sourire honnête, auquel Aphrodite répondit doucement :
« Tiens, tu as l'air heureux, papa.
- Et comment, tu ne sauras jamais ce que j'ai appris aujourd'hui ! »
Aphrodite aurait aimé pouvoir répondre à cela, « et si tu savais ce que j'ai appris, moi aussi ». Cependant, alors qu'il jetait un rapide regard à l'étagère, il se souvint du problème que ce livre représentait : un livre sur les émotions négatives, il n'y avait que les anomalies pour posséder cela... Seulement, l'étudiant qui aurait autrefois été rongé par la culpabilité demeurait désormais indifférent face à la possibilité qu'il en soit une, car si ce livre pouvait en effet l'aider à comprendre ses sentiments, il serait finalement en état de les écarter. Un mal pour un bien... Il valait mieux qu'un livre soit le problème, plutôt qu'Aphrodite en devienne un.
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Le masque rouge - AU Saint Seiya
FanficEndymion, capitale d'on ne sait quel pays, d'on ne sait quelle époque. Dans cette ville utopique où règne un bonheur indicible, tous ont oublié les sentiments négatifs, et c'est un lieu où l'on ne peut être malheureux, sous peine d'être traité comme...