Journal d'Ilyas Shehadeh, scribe-voyageur - Partie 1

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Notes de l'auteur : Ce que vous allez lire ici est une courte nouvelle Dark Fantasy, dont le projet est de la réécrire en une véritable histoire plus longue et développée. Merci de vos commentaires qui m'aident à cela.


8e Lune de Brodicus. An 527, II Ère


Je suis enfin arrivé à Pont-Monban, la cité-frontière du duché d'Akedia. Il semble que la guerre n'ait pas encore atteint cette contrée.

La nouvelle nous est parvenue alors que nous franchissions les portes de la cité : les Baronnies bréliannes étaient tombées. C'en était trop pour Kelios, le chef de convoi. Son fils avait été recruté par la Cinquième Baronnie quelques semaines auparavant. Je n'ai su trouver de mots pour consoler le vieux marchand. Nul doute, hélas, qu'il ne reverra jamais son enfant.

Depuis le début des hostilités, pas un seul soldat n'est revenu du front des régions perdues. Seules des rumeurs, toutes plus exubérantes les unes que les autres, circulent parmi les réfugiés. Certains affirment que les forces ennemies sont composées de cadavres ambulants, ceux mêmes des soldats tombés au combat, à la solde d'un terrible nécromancien. D'autres font croire à bon entendeur, que des créatures insectoïdes monstrueuses de toutes tailles constituent les rangs adverses.

Toujours est-il que si les conflits continuent ainsi leur avancée vers le sud, ce sera la fin de ce journal de bord, je devrais alors rentrer au pays, probablement le dernier lieu sûr du monde. Suhélia... Ses dunes et son soleil me manquent parfois...

Les Akedians sont loin d'être réputés pour leur hospitalité et tous ces exodes venus des pays voisins septentrionaux n'ont en rien arrangé cette triste réputation. Cette dernière est d'ailleurs bien en deçà de la réalité : les akedians sont tout simplement hostiles envers tout autre peuple que le leur ! Les pires intolérants qu'il m'ait été donné de croiser au cours de mes voyages.

Alors que j'écris ces quelques lignes, j'observe flotter dans mon verre de piquette locale, un petit supplément muqueux que le patron aigri a semblé bon m'offrir. Il faut dire que ma peau basanée de Qatib suhélian ne passe pas inaperçue ici. J'ai toujours été fier de cette couleur typique des tribus nomades, mais je dois reconnaitre qu'en cet instant, je donnerais tout pour me fondre davantage dans la masse.

Malgré la quantité de grossièretés qui a été proférée à mon encontre depuis mon arrivée, je suis parvenu à relever une curieuse rumeur concernant un village du nom de Rivebrume. De ce que j'ai compris, l'âge d'or du village est révolu depuis bien longtemps et il se meurt doucement d'année en année. Toutefois, il semblerait que tout contact avec le village ait été subitement interrompu il y a quelques jours de cela. Curieux comme je suis, il m'était impossible de ne pas m'intéresser à cette histoire. Quel meilleur endroit que la plus sordide des tavernes de la ville pour se renseigner ? Les akedians ont cependant des langues particulièrement difficiles à délier, je ne suis donc, au moment où j'écris ces lignes, pas plus avancé sur cette rumeur...

J'ai cependant croisé tantôt à l'une de ces tables, Délian le marchand bedonnant, une vieille connaissance. Toujours aussi mal-soigné, je surpris même une petite araignée s'extirpant de sa barbe. Il n'a en rien perdu sa soif légendaire et ce fut un véritable calvaire de lui extraire quelque information. Je suis tout de même parvenu à comprendre que Galeval était lui aussi en ville. Délian m'a juré qu'il le voyait demain et qu'il pouvait lui faire passer un message. J'ai bien peu foi en la mémoire de Délian, mais j'ai toutefois une confiance aveugle en son addiction à la boisson. Je lui ai simplement dit qu'il serait bon de boire un verre tous ensemble, ce qu'il approuva d'un rot bien jovial. L'éponge imbibée qui lui servait de cervelle venait d'absorber une image bien plaisante que Délian saurait se remémorer davantage qu'un message à transmettre.

Qu'il sera bon de retrouver Galeval ! Intrépide comme il est, cela m'étonne qu'il ne se soit pas encore rendu sur le front, au cœur du combat.

Il a bien entendu toujours été meilleur bretteur que votre dévoué. Toutefois, ses compétences étaient loin de se cantonner à ce basique talent martial. Son imprévisibilité, sa soif d'aventures et son goût pour le risque en ont fait l'un des meilleurs mercenaires qu'il m'ait été donné de rencontrer. Je l'ai suivi sur de nombreuses épopées, comme je le relatais dans mes précédents journaux. Je prenais les notes, déchiffrais les indications, parlementais avec les locaux, apaisais les adversaires, étudiais nos trouvailles. Toutes ces affaires de l'esprit. Lui était davantage porté sur le muscle. Il aimait combattre et avait probablement un goût un peu trop prononcé pour l'effusion de sang, ce qui ne l'empêchait pas d'être un bon-vivant. Nous formions une bonne équipe. J'aime à croire que nous sommes devenus, au fil du temps, de véritables frères d'armes.

Nous verrons bien demain, comment il se porte en ces sombres jours.

Chroniques de Rivebrume (Terminées ?)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant