Journal d'Ilyas Shehadeh, scribe-voyageur - Partie 7

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16e Lune...

Je n'en ai plus pour longtemps.

Je suis parvenu à m'enfuir, mais ils sont sur mes traces. J'utilise mes dernières forces pour rendre compte de ma fin. Je suis désolé pour le sang et les larmes qui souilleront ces quelques lignes.

Je suis contaminé moi aussi. Nous le sommes probablement tous depuis le tout début. Les araignées sont si petites au début, qui aurait pu ne serait-ce que les percevoir ?

J'ai tenté de les chasser, mais elles reviennent. Toujours plus nombreuses. Toujours plus grosses. Elles grouillent sur mon corps, tentent de rentrer dans ma bouche, mes narines. Elles mutilent ma plaie à la jambe, lacérant de leurs minuscules pattes ma chair. J'arrive à garder un certain contrôle de mes actes. Pour combien de temps ?

Su-Fon. Elle est revenue. Au moment où j'allais mourir, là-bas, dans Rivebrume. Elle avait tout compris. Elle est revenue pour moi.

Et je l'ai tuée.

Ma main a saisi la poignée de mon épée. La lame l'a embrochée, perçant entre ses seins. La stupeur dans son regard. Ce n'était pas moi. Je n'ai pas voulu ça. Ma main a agi seule.

Galeval. C'est lui. Tout ça. Tous ces morts. La guerre. Tout. Il n'était pas parti chercher un corps. Il les contrôle.

Ce n'est plus un homme. Que s'est-il passé ? Qu'a-t-il fait pendant toutes ces années pour devenir cette... chose ?

Il a retiré son turban. Une énorme araignée était ancrée dans son crâne. Ses huit pattes enfoncées dans la cervelle de Gal et l'abdomen velu de la bête, fondu dans sa nuque. Derrière le humuk, sa mâchoire se scindait en deux, comme des mandibules. Son corps était recouvert de rêches poils noirs et sous sa robe Salahi étaient dissimulées deux autres paires de pattes arachnides.

De ses mains, jaillissaient en permanence de minuscules araignées, qui grandissaient aléatoirement, pouvant atteindre plusieurs mètres. C'est ainsi qu'il nous a eu. En nous touchant, un par un.

Il se faisait appeler l'Aranéide, seigneur des Arachnéens. Avec elles, il peut contrôler n'importe qui, n'importe quoi et n'importe où. C'est ainsi qu'il mène cette guerre au nord. C'est pour cela que personne ne revient jamais du front. Comment pourrait-on gagner contre une telle puissance ?

Rivebrume n'était qu'un jeu pour lui. Un jeu qui devait m'attirer.

J'ai tout déclenché. Il voulait que je vienne. Il connait ma manie de tout écrire dans ce recueil. Il voulait que je raconte son histoire, comme j'ai pu le faire par le passé. Il voulait que j'écrive le prélude de ce qu'il considère comme sa plus grande épopée.

'En souvenir du bon vieux temps' a-t-il osé me dire, au pied du cadavre de Su-Fon.

J'aurais tant voulu la voir sourire...

Chroniques de Rivebrume (Terminées ?)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant