La jeune la regarda avec compassion. Les femmes n'avaient pas la vie facile sans homme pour les protéger et sans famille c'était encore pire.
- Je vais te trouver quelque chose de sec, reste ici, ne fais pas de bruit surtout.
Elle monta les escaliers silencieusement et Françoise resta immobile. Des larmes commençaient à couler sans s'interrompre et ça la gênait, car elle se voulait plus forte. Mais qu'allait-elle devenir ? Vivre à Paris, seule, sans amis, sans personne ? Elle était connue pour être la Duchesse effarouchée parmi les siens, mais maintenant elle était comme une brebis sans défense. Si elle rentrait chez elle, on la tuerait et si elle restait à Paris, elle risquait le pire aussi.
Toujours dans ses pensées, de plus en plus sombres, elle entendit la jeune, sa bienfaitrice de la nuit, descendre les marches. Elle portait dans les bras une robe toute simple en coton marron et beige.
- Tiens, mets cette robe. Ça sera mieux déjà que ta tenue. Essuie-toi avec ce torchon tu vas attraper froid sinon.
Françoise se déshabilla timidement devant elle à moitié dans l'obscurité, collée à la porte d'entrée. La jeune s'assit sur la marche avec le tissu à la main.
- Essuie-toi bien.
C'était loin des grandes serviettes épaisses et longues que Françoise avait l'habitude. Le torchon était minuscule et pas très propre. Elle se pressa le corps délicatement avec, comme s'il venait de sa propre chambre.
- C'est drôle comment tu fais ça, dit la jeune en l'observant avec des yeux amusés. Comment tu t'appelles ?
- Françoise de Fauconval.
- Oh. C'est beau. Moi c'est Marine. Je n'ai pas voulu ce nom, mais on me l'a donné alors j'ai dit tant pis, je l'accepte.
Elle se mit un peu à rire et reprit le torchon que Françoise lui tendait.
- Faut qu'on parle moins fort ! Attend je vais t'aider pour mettre ta robe, j'ai toujours voulu être la domestique d'une noble, mais je n'ai pas eu cette chance !
Françoise se laissa faire. Elle se demanda si Marine était sincère. Vraiment, être domestique pouvait être un rêve ?
Marine noua un cordon à la taille avec un sourire de satisfaction.
- Je t'ai donné la plus jolie que j'ai. Le décolleté n'est pas profond comme ça les yeux des hommes seront rangés ailleurs. Mais tu sais tu es très belle, il y a peu de femmes comme toi ici. Tes cheveux aussi, personnes ne se coiffent avec cette précision.
- Merci Marine. Je dois les maintenir autrement ?
Marine ignora la question, elle était bien trop occupée à adorer son visage, la pureté de son teint, toutes ses courbes fines et délicates. Elle n'avait jamais vu une femme aussi gracieuse de toute sa vie. Même dans le journal les gravures n'étaient pas aussi belles.
- Tu reviendras me voir ? demanda-t-elle. J'aimerais bien te coiffer. Mes petites sœurs n'aiment pas quand j'essaie de les tresser elles s'en vont en courant !
Françoise fut touchée par sa simplicité. Même si Marine était plus jeune et moins bien éduquée, elle lui rappelait l'amour que ses domestiques lui témoignaient depuis son enfance.
- J'espère que cette occasion se présentera, oui.
Ses yeux s'embuèrent et Françoise essaya de se retenir de pleurer. Elle allait s'essuyer discrètement une larme qui coulait malgré elle, quand Marine lui prit la main à la volée.
- T'en fais pas va. Je ne vais pas te laisser dormir dehors. Je vais t'emmener au Chat cabré, c'est une taverne au quartier des Halles, là-bas il y a la patronne qui est bonne, elle donne tout, elle cajole les cœurs en peine, c'est la mère de tout le monde. Elle n'est pas courtoise comme toi, mais elle te donnera une chambre et tu dormiras bien. Après il y a toujours son mari, le vieux plouc qui est ronchon, tu te demandes comment ces deux-là on fait pour tomber amoureux !
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LE BEAU (en pause)
Historical Fiction18e siècle : Histoire d'amour sous la révolution française. Françoise est la fille du Duc de Fauconval. Dotée d'un tempérament libre et entêté à vouloir suivre ses propres directives, elle s'éprend d'un jeune fortuné et se persuade qu'il la prendra...