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Une fois partis, Françoise attendit un moment que le silence soit réellement installé pour quitter les lieux rapidement. Elle se mit à courir jusqu'à sa chambre sans penser à quoi que ce soit. Dans son empressement elle bouscula des serviteurs qui s'inquiétèrent de sa conduite précipitée : « Madame, allez vous bien ? », mais elle continua tout droit vers son but.

Arrivée en hâte dans ce qu'elle avait toujours considéré comme son « cocon d'amour », elle se jeta sur sa commode et ouvrit les tiroirs à la recherche d'argent ou quelque chose qui pouvait lui permettre de vivre en dehors de chez elle. Elle sortit des robes, des étoles, des plumes, des rubans et d'autres affaires trop simples à son goût. Ses mains tremblaient et son cœur se crispait si fort sous l'effet de la peur qu'elle perdait son souffle. Il fallait sans arrêt qu'elle se contrôle pour faire des gestes coordonnés. Le coffre à bijoux ! se dit-elle soudainement. Elle se précipita vers son grand miroir, autrefois utilisé pour parfaire sa toilette, et chercha son coffre à trésor. Elle attrapa rapidement des colliers divers en perles, en rubis, émeraude, saphir et la paire de boucles d'oreille que sa mère lui avait offerte en diamant. Sa main en lâcha quelques-uns en route et elle fourra le tout dans une besace en soie.

Est-ce que c'était trop tard ? Est-ce qu'elle allait croiser son meurtrier sur son chemin ? Allait-il apparaitre dans sa chambre ? Vite, plus vite ! Elle ouvrit violemment la porte et dévala les escaliers. Dehors, la nuit venait à peine de tomber. Ses jambes folles coururent d'une manière désarticulée vers le carrosse de son père.

- Vite ! Dit elle en montant sans l'aide du marche pied. Dépêchez-vous, je vous prie ! Foncez tout droit !

Le cocher, un homme galant et bien courtois lui demanda d'une voix inquiète :

- Madame la Duchesse, que vous arrive-t-il ?

- Démarrez votre voiture ! Je dois quitter les lieux !

- Par ce noir ? La nuit vient de tomber, le froid va venir vous mordre les os, vous n'êtes pas bien couverte. Quelle obligation avez-vous ? Votre père est-il enclin à vous laisser partir ?

- Cocher ! Je vous dis de partir. Partez ! Obéissez !

Le cocher n'était pas convaincu, il hésita.

- Votre père ne me pardonnera pas de vous entrainer loin du château à cette heure, quelle dame sort par la nuit ? Madame, j'ai des obligations moi. S'il faut, le Duc va me punir !

Françoise se tourna pour voir si des gens venaient à sa poursuite. Ils ne tarderaient pas à la remarquer ! Pourquoi ne savait-elle pas monter à cheval ! Elle eut une présence d'esprit et sortit avec des doigts tremblants qui avaient du mal à ouvrir sa belle besace, un collier en perle d'ivoire et de grenat.

- Prenez cela pour la course ! Prenez ce collier je vous dis et amenez-moi loin !

Le cocher qui comprit rapidement l'urgence dans laquelle elle se trouvait, avait du mal à peser le pour et le contre surtout à présent avec tant de richesse sous les yeux. Elle lui donnait bien plus qu'il ne pouvait avoir dans toute sa vie. Est-ce qu'elle avait réellement conscience de la valeur de son bijou ? Le donner aussi facilement à un cocher qui gagnait de quoi seulement nourrir sa famille et s'abreuver de quelques chopes dans la semaine ?

Il claqua le fouet et fit courir ses chevaux à toute allure. Le vent immédiatement rentra en trombe dans le compartiment de la duchesse, ce qui lui fit ressentir le froid et se sentir encore plus vulnérable.

Françoise ne pouvait s'empêcher de passer la tête par la fenêtre, terrorisée à l'idée qu'on puisse la suivre. La panique la maintenait alerte, tout son sang s'agitait dans ses veines et battait dans un rythme soutenu. Chaque foulée parcourue qui l'éloignait de son château était une petite libération. C'est bon.. c'était fini la forteresse n'était plus dans son champ de vision, ils étaient en route vers.. autre part.

LE BEAU (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant