4. Machine à étudier

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Dans la cellule une mauvaise odeur circulait depuis un moment. Taehyung se demandait même s'il n'y avait pas des rats et cette idée lui donnait des sueurs froides.

A l'école, les enseignants disaient aux enfants que s'ils ne s'impliquaient pas dans les tâches ménagères d'affreuses bêtes transporteraient des maladies, et ce, par leurs fautes. Ils avaient appelés ces rongeurs « rats ». Personne ne voulait en croiser un sur son chemin.

C'était toujours ainsi, à Pyeong-hwa, on menace, on fait peur, on obéit.

Le brun était intelligent, certes, mais c'est également grâce à sa mère, celle qui lui avait permis d'ouvrir les yeux. Elle sous-entendait parfois que ce n'était pas une île paradisiaque. Contrairement à ses homologues, elle ne chantait pas sans cesse les louanges de Pyeong-hwa. Il lui arrivait d'oser se plaindre, elle était fatiguée, elle avait l'audace d'exprimer ses sentiments même si son unique auditeur était son fils.

Toutefois, il lui arrivait de s'interroger sur sa façon de faire. N'est-ce pas à cause de sa liberté que Taehyung souffrait ? Elle aurait peut-être dû le laisser croire les mots du gouvernement.

La plupart des parents se remettent en question mais peu avait de courage de l'avouer. Etaient-ils à la hauteur ? Avaient-ils bien élevé leurs enfants ?

En effet, on ne parlait pas uniquement des mères, la parité était naturelle sur Pyeong-hwa. En vérité, il n'y avait pas vraiment de discrimination. Du moins en apparence.

C'était toujours ainsi, soyons heureux d'être ensemble, égaux en droits et en devoir. On vit pour le meilleur et le pire n'existe pas. Au fond, qu'est-ce qu'être malheureux ? Un jour, le petit noiraud avait posé la question à son institutrice.

« Ce sont les malades qui sont malheureux. Il faut les soigner, quelqu'un de sain ne peut pas être malheureux. On les met à part pour le bien de la société. Aucune étude ne montre que ce n'est pas contagieux. Ils avalent votre esprit pour que vous tombiez vous aussi malade. »

Taehyung avait avalé difficilement sa salive.

A l'époque, il se demandait déjà s'il n'était pas malheureux. Il avait huit ans. Les pensées fusaient dans sa tête à toute allure. Il avait besoin de savoir, réfléchir, ouvrir son esprit et le dictât de cette société le rendait malheureux.

A Pyeong-hwa, on cachait les sentiments car c'était une perte – inutile – de temps. Il faut être efficace pour ne pas mettre à mal la société. Mais ne serait-ce pas la société qui met à mal les hommes et les femmes ?

Le temps est précieux, il faut faire vite.

Madame Kim avait dit, un jour, à son fils : « tu sais, Taehyung, parfois, il faut apprendre les choses par soi-même parce qu'ici on ne te donnera jamais de réponse. C'est important de réfléchir. » Et le noiraud avait décoré son visage d'un sourire timide. Il aimait beaucoup sa maman. Mais madame Kim pleurait sur la tombe de son mari défunt.

Au fond, il était heureux d'être malheureux car, lui, au moins, il avait accès à une liberté que chacun, ici, avait perdu.

Le soir, après le couvre-feu, ils discutaient ensemble de choses et d'autres. Madame Kim avait trouvé dans son deuil une forme de liberté. La liberté d'éduquer son enfant selon ses valeurs. La liberté de soupirer le soir après une journée de travail difficile. La liberté de ses mouvements, de ses déplacements, de ses pleurs et de ses sourires.

Elle avait beaucoup souffert, élever seule un enfant demandait beaucoup d'énergie. Sa liberté avait un coût mais heureusement, Taehyung avait toujours été un petit garçon qui écoutait sa mère. C'était son modèle, sa force, sa faiblesse.

Mais madame Kim était définitivement seule aujourd'hui. Son fils n'est jamais rentré du lycée. Elle s'était rendue au poste de police pour déclarer sa disparition au milieu de la nuit. On lui avait annoncé que le noiraud avait été arrêté, accusé de meurtre.

« Mais quel meurtre !? Mon enfant ne ferait jamais de mal !? Il est si gentil ! Comment pouvez-vous dire des choses pareilles !?

- Madame ... » soupira la policière « ce sont parfois les plus discrets qui cachent un part sombre en eux. »

La femme avait éclaté en sanglot en répétant que son fils ne ferait jamais de mal à qui que ce soit jusqu'à ce qu'elle s'écroule de fatigue.

Elle se disait sur le chemin du retour : « il doit avoir faim ... il ne fait pas froid là-bas ? Il doit avoir si peur ... Mon bébé ... » Les policiers l'avaient raccompagnée chez elle. Elle ne tenait plus debout, une femme en uniforme avait dû la porter jusqu'à son canapé. Elle était tombée dans un sommeil fragile.

Madame Kim était persuadé que son fils était encore fragile. Elle enchaînait cauchemars sur cauchemars, elle criait dans ses rêves.

Au milieu de la nuit, elle se réveilla en sursaut. Le coussin était mouillé par ses larmes. Il était quatre heures du matin. Elle avait froid, elle avait besoin d'une tisane avec un peu de miel. Quand elle eût la tasse entre les mains, elle se rappela que Taehyung avait été arrêté. Elle s'effondra au sol, noyée par l'eau salée.

C'était insoutenable, perdre son enfant était peut-être la douleur la plus terrible qui existe. Personne n'était prêt à la vivre et heureusement peu le vivait.

Son fils allait aller en prison. Mais quelle prison ? Où ? Et si ... et si on lui infligeait la peine capitale ? Non. Elle ne pouvait pas supporter cette idée. Elle priait le ciel pour la première fois sans connaître ne serait-ce qu'un seul dieu.

Le lendemain matin, on frappa à sa porte. Elle n'arrivait plus à marcher pour ouvrir. 

N.O ▪︎vhope▪︎Where stories live. Discover now